Petits Formats
N° 15 – Mars 2022

Les dernières nouvelles de Normandie, sélectionnées par Grand-Format

Ce mois-ci, on vous parle de l’Ukraine, de pisseurs volontaires, des présidentielles, des jeunes pour le climat, d’un mouvement identitaire
dans l’Orne…

Evenement

[On vous offre 10 places de cinéma]


pour la projection du documentaire
« Média Crash : qui a tué le débat public ? »,
de Premières lignes et Mediapart.

C’est lundi, à 20h15, au cinéma Lux, à Caen, et c’est suivi d’une rencontre avec le journaliste Edwy Plenel.

Grand-Format animera cet échange.
Vous êtes intéressé.e?

Le témoignage

Les propos d’un acteur normand face aux enjeux de notre époque

Ukraine • « Les femmes gardent un sang froid admirable »

Colette habite Bieville-Beuville en Normandie. Dans son jardin, elle a hissé le drapeau ukrainien jaune et bleu depuis le 24 février. Le drapeau de son pays d’origine.

Colette a appris à parler ukrainien toute seule. Petite, avec son frère, ils entendaient leurs parents échanger dans leur langue natale, mais jamais cette langue ne leur a été apprise. «Sans doute pour mieux s’intégreren France », comprend Colette Grosset, née à Caen il y a 76 ans, sous le nom de Jurkiw, aujourd’hui retraitée à Bieville-Beuville.

Fuir la famine pour vivre en France

Depuis la déclaration de guerre de Poutine, elle a hissé le drapeau ukrainien dans son jardin. «C’est mon fils qui l’avait récupéré lors d’une compétition sportive. Il traînait au grenier.» Des voisins, qui ne connaissaient pas ses origines, sont venus la voir. «Cela m’a beaucoup touchée, je ne m’y attendais pas.» Alors, Colette raconte. L’arrivée de ses parents ukrainiens dans les années 1930 pour venir travailler dans les fermes normandes, fuyant la famine provoquée par la collectivisation des terres. Les Ukrainiens l’appellent «Holodomor». Sa mère avait vingt ans, son père en avait dix-huit: ils se sont rencontrés et aimés ici.

L’instit gadjo fait l’école en camping-car

Depuis dix ans, à bord de son camping-car, Olivier Desheulles fait la classe à ceux qui ne vont pas à l’école, les enfants des derniers voyageurs en roulottes hippomobiles de France, en Normandie. Un reportage sonore et photographique de Grand-Format.

Les petites dépêches

Solidarité avec l’Ukraine ~ La directrice du théâtre national de Vire, Lucie Berelowitsch, a lancé un appel au monde culturel français, pour accueillir des artistes ukrainiens fuyant la guerre.

Belles Formes ~ À 18 ans, Leyla, habitante d’Hérouville Saint-Clair (Calvados), a été élue Miss belle en forme Normandie le 5 février à Lonrai dans l’Orne. Une revanche pour celle qui combat le harcèlement.

100 % Caennais ~ Hans Emmanuel Banim dit « Mao » va assurer les premières parties de la tournée d’Orelsan avec 3Pour100, son groupe de rap du quartier caennais de la Pierre-Heuzé. Il y a quinze ans, soliste de la Maîtrise de Caen, il partait en tournée avec l’ensemble de musique baroque Les Arts Florissants.

Surpêche industrielle~ L’association L214 publie une vidéo tournée en partie à bord d’un chalutier de Port-en-Bessin. Elle y dénonce la souffrance des animaux capturés et demande l’interdiction de la pêche au chalut de fond.

Maires pris pour cible ~ Le maire de Saint-Come-du-Mont (Manche) vient d’être menacé pour la troisième fois depuis son parrainage pour Emmanuel Macron. Après l’incendie de sa voiture, une lettre anonyme et un tag sur le mur de sa maison : « Tu vas mourir d’une balle dans la tête« .

Piscine nucléaire ~ Les opposants au projet EDF de piscine de stockage de combustibles uséssur le site d’Orano, à LaHague, ont organisé un carnaval de protestation le 26 février à Beaumont-Hague. La concertation publique, qui devait s’achever mi-février, a été reportée à l’été prochain.

Le décryptage

Pour mieux comprendre certains faits qui ont marqué l’actualité régionale ces dernières semaines.

Environnement • Des pisseurs volontaires pour alerter sur le danger des pesticides

Entre 2018 et 2020, 6 848 pisseurs volontaires en France ont décidé de faire analyser leurs urines pour y déceler d’éventuelles traces de glyphosate, cet herbicide classé «cancérigène potentiel». Résultat: 99,8 % des échantillons sont contaminés.

Le 2 février 2019, entre 6h et 8h du matin, à Caen, Avranches et Gasny (Eure), les pisseurs volontaires se sont donnés rendez-vous dans une salle des fêtes, sous contrôle d’huissier de justice. Le protocole scientifique est clair: les participants n’ont rien bu ni avalé la veille. Il faut recueillir les premières urines du matin. Ils sont 35 à Caen, 200 en Normandie. Au total, 175 séances de prélèvements ont lieu dans 84 départements français, dont l’île de la Réunion.
En l’absence d’étude scientifique avérée en France, ces citoyens, dont beaucoup émanent du réseau «nous voulons des coquelicots» qui appelle à l’interdiction de tous les pesticides de synthèse, ont décidé de faire analyser leurs urines, à leur frais. L’objectif : y déceler d’éventuelles traces de glyphosate, le principe actif du Round Up, herbicide classé «cancérogène probable» par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), mais autorisé en Europe.

Science participative

Toutes les urines sont analysées par le même laboratoire et selon le même protocole. «Cette rigueur scientifique était absolument nécessaire pour pouvoir publier les résultats et argumenter face à nos futurs détracteurs», explique Caroline Amiel, enseignante chercheuse en microbiologie à l’université de Caen, ex-conseillère régionale du groupe Normandie Ecologie et chargée de coordonner la campagne glyphosate sur Caen. En Normandie comme dans toute la France, des collectes sont organisées pour financer la campagne et les analyses. Bien souvent, les pisseurs volontaires mettent deux fois la main à la poche.

Photo : Patrick Bard

L’initiative

Un coup de projecteur sur ces initiatives qui construisent le monde de demain

Ecologie • Un tour de France des jeunes pour le climat

En pleine non-campagne présidentielle, l’équipe du Relais Jeunes a décidé de prendre la route pourmobiliser la jeunesse autour des enjeux de démocratie, d’environnement et de justice sociale. Cette marche-relais apartisane de 3000 km a démarré le 20 février et s’achèvera le 10 juin. Cette action est pensée comme «une démonstration de force pour rappeler que, partout en France, des experts, des citoyens et des associations ont déjà commencé à agir».

Le Relais Jeunes était de passage à Rouen du 24 au 26 février. Ces trois jours ont été l’occasion de proposer des ateliers Fresque du climat et de la biodiversité, une conférence autour des suites de la catastrophe de Lubrizol, ou encore une randonnée sur un projet auto-routier de contournement de Rouen.

Le climat et la justice sociale seront aussi au cœur des revendications d’une marche organisée le 12 mars, dans toute la France (notamment à Caen, Rouen et Cherbourg).

Photo : Le Relais Jeunes

L’illustration

Exposition • Nous sommes survivant.e.s

Après 30 ans de guerre civile (1961-1996), 200 000 personnes massacrées et 45 000 portées disparues, toutes issues des communautés Maya, le Guatemala signe un accord de paix le 29 décembre 1996, mettant fin au conflit le plus tragique d’Amérique latine. Vingt années après, les tensions persistent envers ces populations. Le Guatemala est devenu un pays de non droit. Nombreuses sont celles qui exercent le service sexuel pour survivre.
La photographe normande Adeline Keil a, durant trois ans, suivi et vécu avec ces populations pour essayer de comprendre ce qui, dans la pénombre, fait surgir la vie et l’espoir. Cette fresque de fragments de vie, tel un encéphalogramme, relate un quotidien, celui de ces femmes/hommes, qui, sans accès à l’éducation et la possibilité d’une élévation sociale, se retrouvent confrontés à la violence et la précarité.

Exposition d’Adeline Keil, du 3 mars au 1er juillet au Théâtre d’Hérouville. Entrée libre.

La mise à jour

Les nouvelles courtes, qui comptent, que vous avez peut-être manquées !

Enquête • Un mouvement identitaire né à Sées

Créé en 2013, le mouvement identitaire Academia Christiana a pris racines pendant plusieurs étés dans la ville de Sées, dans l’Orne. C’est à l’Institut de la Croix des vents, un établissement privé hors contrat, que des jeunes se réunissaient pour discuter de politique, de religion, d’écologie, d’identité et de «reconquête civilisationnelle» face au «grand remplacement». Avec au programme, au milieu des conférences, des cours de combat.
«Nous, catholiques, avons reçu un appel: pour faire une croisade, nous levons une armée de bâtisseurs»,proclame une petite vidéo du mouvement,dont plusieurs membres seraient fichés S, d’après l’enquête menée par l’Oeil du 20h du JT de France 2, et diffusée le 16 février dernier. La journaliste Sophie Broyet s’est infiltrée dans une réunion parisienne du groupe et a enquêté à Sées.«Un tissu de mensonges», a réagi Victor Aubert, président d’Academia Christiana et enseignant à la Croix des vents. L’objectif du reportage serait, selon lui, de«stigmatiser toute forme de dissidence au politiquement correct et toute tentative de proposer une alternative à la dictature du wokisme et de la cancel culture». Le maire de Sées,Mostefa Maachi,estime qu’Academia Christiana«colporte une idéologie nauséabonde».

Présidentielles • Qui parraine votre élu normand ?

808 élus normands ont apporté leurs parrainages à des candidats à l’élection présidentielle, selon le dernier décompte (1er mars) effectué par le Conseil constitutionnel. 151 soutiennent Valérie Pécresse (19% des parrainages normands), 148 Emmanuel Macron (18%), 94 Nathalie Arthaud (12%), 64 Anne Hidalgo (8%), 54 Nicolas Dupont-Aignan (7%), 51 Eric Zemmour (6%), 48 Jean Luc Mélenchon (6%), 34 Yannick Jadot (4%), 33 Marine Le Pen (4%), 24 François Asselineau (3%), 19 Fabien Roussel (2%), 18 pour Jean Lassale (2%), 12 Anasse Kazib (1%). Les tendances sont sensiblement les mêmes qu’au niveau national. La liste précise des signatures est à découvrir ici. Le maire de Falaise, Hervé Maunoury, a apporté sa voix à l’initiative de banque de parrainages de François Bayrou.

« Il est de mon devoir de maire d’apporter un parrainage pour l’expression libre et forte de la démocratie. Et qu’on soit clair : je ne partage pas les idées d’Eric Zemmour, notamment pour le professeur d’histoire que je suis. Mais l’Histoire de France m’invite à défendre la démocratie. »

Romain Bail, Maire de Ouistreham. L’ancien adhérent Les Républicains, aujourd’hui chef de file à Ouistreham du mouvement Horizons d’Edouard Philippe, a décidé de donner son parrainage à Eric Zemmour.

Petits Formats x Bonjour Turbine

Notre newsletter est partenaire de l’émission radio Bonjour Turbine, produite par le Médialab du Wip à Colombelles. Les contenus des deux supports se répondent, et notre collaborateur Raphaël y est également chroniqueur. Prochaines diffusions les lundis 14 et 28 mars à 19h sur Radio Pulse (90 FM à Alençon). Également sur Radio Bazarnaom, La Station B et en podcast sur l’Audioblog.

Des nouvelles de Grand Format

Ultra trail. • 1 600 kilomètres dans le grand froid

En novembre 2020, Grand Format rencontrait Erick Basset, l’ultra-traileur normand qui aime le grand froid. Le 27 février, il s’est élancé pour l’Iditarod Trail Invitational, un raid de 1 000 miles en Alaska à parcourir à pied, seul et sans assistance, dans la neige, le vent et sous des températures allant jusqu’à -40°C. Soit quatre semaines à pied dans le grand blanc avec un objectif : terminer debout sur ses deux jambes. Vous pouvez suivre l’avancée d’Erick ici.
Quant à Marion Joffle, la nageuse en eaux glacées qui rêve de traverser la Manche à la nage, peut-être au moins d’août prochain si toutes les planètes sont alignées, elle vient de remporter dix médailles aux championnats du monde d’Ice Swimming de Glogow, dont six en or !

Retrouvez notre Grand Format ici.

Indépendance des médias • Rencontre avec Edwy Plenel

Le 7 mars au cinéma Lux, Grand Format, en partenariat avec le Club de la presse de Normandie, anime une rencontre avec Edwy Plenel(Mediapart) après la diffusion du documentaire « Média Crash : qui a tué le débat public ? » réalisé par Luc Herman et Valentine Oberti. Sur le thème également de la concentration des médias, Grand Format a retransmis la soirée organisée par le Fonds pour une Presse Libre le 17 février dernier : « Changez les médias, l’urgence d’agir ! » Le débat est à visionner ici.

Table ronde • S’informer de façon fiable

Samedi 5 mars, Grand-Format participera à une table ronde à la médiathèque de Colombelles, à 14h30, autour de la thématique : s’informer de façon fiable. Un événement organisé par Timothy Duquesne, de l’Avenir des pixels.

A suivre, à voir, à écouter…

Chantiers Communs • Architectes et écolos ?

Alors que les alertes climatiques, écologiques et sociales se font toujours plus nombreuses, Chantiers communs, le rendez-vous de la Maison de l’architecture en Normandie, propose d’explorer d’autres façons d’envisager et d’habiter nos territoires en Normandie, du 4 mars au 2 avril. Un atelier animé par la Fresque du Climat pour comprendre le changement climatique, des rencontres avec les architectes, des visites de chantier… Tout le programme est ici.

Festival Altérités • Les chamanismes

En quoi les chamanismes ont-ils quelque chose à nous dire aujourd’hui ? Tel est le thème du 6e festival de cinéma et d’ethnographie Altérités, qui se tient du 17 au 20 mars. Grand Format animera à cette occasion une table ronde avec Sébastien Baud, ethnologue, Laetitia Merli et Jérémy Narby, anthropologues : « Chamanismes : la tradition à l’épreuve de la science« . Tout le programme ici.

Podcast • David, l’ex braqueur devenu humoriste

Né dans la banlieue de Caen, David Desclos a commencé à voler à quatorze ans. Il s’est spécialisé dans la neutralisation des alarmes, passant des magasins aux banques. Pour y parvenir, la violence n’était jamais loin. Pourtant, David n’a jamais franchi les limites qu’il s’est fixées. Par principe, certes, mais aussi par chance. L’ancien braqueur est devenu humoriste : son spectacle « Ecroué de rire » joue à Paris à l’Apollo Théâtre jusqu’au 25 mars.
Un reportage de Pascale Pascariello, réalisé par Jean-Christophe Francis, à écouter sur France Culture.

Podcast • Faut-il jeter nos poubelles?

Pour leurs deux émissions de février, les chroniqueurs de Bonjour Turbine ont enfilé leurs gants et fouillé dans nos déchets. Un premier épisode a abordé la collecte et le tri de manière ludique avec le comédien Mr. Charly et aussi L’Éboueur vert. Le suivant a évoqué plusieurs solutions pour dégonfler nos poubelles : le zéro déchet ou le réemploi, avec Frédéric Adam du Plateau Circulaire.

Cette newsletter, mise en forme par Pierre Hardel, a été réalisée par Marylène Carre, Simon Gouin et Raphaël Pasquier en partenariat avec le Médialab du Wip. Elle est éditée par le magazine Grand-Format, un projet de l’association Lire la suite.