Les petites infos normandes que vous avez peut-être manquées ce mois-ci
Cocaïne en ballots, surtourisme au Mont mais pas de camping pour les sans-papiers, voitures et landes incendiées…
Chère lectrice, cher lecteur,
Finies les vacances. Nous espérons que vous avez pu profiter de cette période estivale et que vous êtes prêt.e.s. à affronter la rentrée…
Bienvenue à celles et ceux qui nous ont rejoints dernièrement !
Nous débutons notre 7e année d’existence et notre 50e newsletter – eh oui, déjà ! – avec un récap’ de l’actu qui a marqué les dernières semaines, en Normandie, un décryptage sur les températures qui augmentent aussi dans notre région, et des ressources à lire ou à écouter ailleurs.
Bonne lecture et n’hésitez pas à vous abonner également à notre deux autres newsletters sur les initiatives locales et nos histoires vraies, à partir de cette page.
Simon et Marylène
Les petites dépêches
Rail de la Manche ~ La police judiciaire de Caen enquête depuis deux ans sur les ballots de cocaïne qui s’échouent sur les plages normandes. Onze pêcheurs de Ouistreham et Trouville sont accusés d’avoir récupéré des colis largués en pleine mer par des bateaux restés dans les eaux internationales. La piste pourrait conduire les enquêteurs jusqu’aux Emirats où les trafiquants ont établi leur port d’attache.
Récupérer des milliards ? Un rapport sénatorial mené par Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, alerte sur le blanchiment de 38 à 58 milliards d’euros par an en France, par le crime organisé, dont seuls 2 % sont récupérés. Il dénonce un système inefficace et propose 50 mesures pour renforcer la lutte contre l’argent sale. En savoir plus ici.
Sécheresse, chaleur et broussaille ~ Les sécheresses soudaines sont devenues l’un des phénomènes météorologiques les plus dangereux du changement climatique. La végétation sèche alimente les incendies et la Normandie n’y aura pas échappé cet été. Le 24 août, le Nez de Jobourg, dans la Hague (Manche), s’est embrasé sur plus de sept hectares de landes.
Voitures brûlées ~ Une vingtaine de voitures ont été incendiées au cours de neuf nuits du mois de juillet, à Alençon, dans l’Orne. L’un des feux s’est propagé à une maison. Une autre voiture a été incendiée dans la nuit du 11 au 12 août.
Villes chaudes~ Même si les températures ont été plus clémentes en Normandie qu’ailleurs en France, le climat se réchauffe aussi chez nous. Un nouvel outil développé par Copernicus, l’observatoire européen d’étude de la Terre permet de cartographier le stress thermique, l’impact négatif sur les corps provoqué par la chaleur. Grand-Format a rassemblé sur une carte les principales données normandes issues de cet outil.
Fait-divers exploité ? ~ Un restaurateur de Jullouville, dans la Manche, a été agressé et blessé au couteau dans la nuit du 16 au 17 juillet. « Une horde de jeunes sème le chaos », titre dans la foulée le Journal du dimanche, qui place quelques jours plus tard la station balnéaire normande sur la carte des villes moyennes à feu et à sang. Et une partie de la presse nationale s’emballe, comme le raconte notre consœur Isabelle Bordes, dans Arrêt sur images.
Abeilles inséminées ~ Pour soutenir les abeilles noires, la seule race domestique de la région du Perche, en Normandie, des apiculteurs pratiquent l’insémination artificielle pour sélectionner la génétique de leurs abeilles. « L’arrivée d’abeilles hybrides pour l’apiculture dans les années 2000 a mis l’espèce en danger », explique France 3.
Des maires qui démissionnent ~ Une étude du Cevipof de Sciences-Po est venue confirmer la dure réalité du quotidien des maires. En Normandie, ils sont 153 à avoir démissionné depuis juillet 2020 (2 200 en France). 83% des maires jugent leur mandat usant pour la santé et 40% d’entre eux déclarent travailler sous pression.
L’enquête du mois
Sous la poussière, des doleances
Pendant l’hiver 2019, lors du Grand débat national, des cahiers ont été déposés sur les comptoirs des mairies et des stylos laissés à la disposition des habitants. Dans l’Orne et dans le Calvados, en trois mois, plusieurs centaines de voix ont été couchées sur le papier. Ces mots racontaient la vie chère, la fatigue, le mépris, l’urgence. Colère ou espoir griffonnés parfois à la va-vite, parfois avec soin. Et puis le silence. Pourtant, six ans plus tard, ces pages parlent encore.
Squats et camps démantelés • Combien de personnes à la rue à Caen ?
Le 20 août 2025, le tribunal administratif de Caen, saisi par la ville, a ordonné l’expulsion du campement de sans-abri de la Presqu’île. Il comptait environ 70 tentes. Les premières avaient été installées il y a trois ans, après que plusieurs squats ont été vidés et rasés dans le cadre du projet (abandonné) d’éco-quartier sur la Presqu’île. Le maire Aristide Olivier, s’est engagé à trouver une solution de relogement à toutes les personnes en situation régulière.
Mais les collectifs de soutien à ces sans-abri rappellent que l’hébergement d’urgence est saturé : le 115 n’a plus de capacité d’accueil. Et la situation ne cesse de se tendre pour de nombreuses personnes vivant dans l’extrême pauvreté, à Caen, qui se retrouvent à nouveau à la rue, où l’espérance de vie est de 31 ans plus faible que la moyenne nationale.
La répression contre les squats s’est durcie depuis l’arrivée de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur. Durant l’été, neuf squats ont été expulsés dans l’agglomération par la Préfecture, dont deux à Ouistreham (60 occupants, qui ont pour la plupart rejoint le campement du canal) et quatre sur le Plateau à Colombelles (des familles avec enfants), malgré les autorisations d’occupation temporaire accordées par le tribunal judiciaire. Un ancien Ehpad, qui accueillait 160 personnes, a brûlé le 13 juillet : 31 ont été relogés, à Caen, mais aussi à Rouen et Cherbourg.
Pour les autres, les autorités n’ont pas d’autres réponses que de leur proposer d’appeler chaque jour le 115 ou le retour volontaire au pays pour les sans-papiers.
Depuis six ans, Grand-Format est installé aux Ateliers intermédiaires, à Caen, un lieu qui rassemble des compagnies de théâtre et de danse, des artistes, des graphistes. Samedi 6 septembre, les Ateliers fêtent leurs 18 ans avec une journée exceptionnelle de concerts, spectacles, ateliers. Réservez votre place ici et là.
Exposition • Les passagers du château
Monument emblématique de la ville, le château de Caen est aussi un lieu de visite, de passage, de travail, de rendez-vous. Passagers d’une heure, d’un mois, de plusieurs années, ils et elles sont des milliers à arpenter cette enceinte millénaire, en évolution permanente. Lors des récents travaux de réaménagement du château, le photographe Emmanuel Blivet et le journaliste Raphaël Pasquier ont recueilli pendant un an les portraits et les voix des acteurs du chantier et des visiteurs. L’exposition est à découvrir dans l’Église Saint-Georges au château jusqu’au 20 septembre (horaires d’ouverture sur caen.fr)
À lire, à écouter…
Intelligence artificielle • Esclave numérique
C’est un pan invisible de notre société : derrière les promesses de l’intelligence artificielle, les assistants vocaux, les traducteurs automatiques, les chatbots, la reconnaissance d’images, des millions de petites mains précaires travaillent en dehors de toute règle, de tous droits. Le journaliste Camille Vandendriessche, compagnon de route de Grand-Format, a mené l’enquête pour le journal Fakir. Et son récit démarre à Rouen, auprès d’un jeune étudiant, micro-travailleur caché de l’IA.
Surtourisme • Bouchons vers le Mont-Saint-Michel
« Il n’y a pas de surtourisme en France», a déclaré la ministre du tourisme Nathalie Delattre. Ici, c’est pas Barcelone ! Vraiment ? Même pas dans les calanques de Marseille, à Saint-Malo, Étretat ou au Mont-Saint-Michel ? C’est ce qu’interroge cette nouvelle enquête de Fakir, Surtourisme, une marée de profit à tout prix.
Elevage industriel • 70 000 homards dans un hangar
Dans quelques années, mangera-t-on du homard industriel comme on mange aujourd’hui des filets de poulet ? Retrouvera-t-on des crustacés normands au label bio sur des tables de restaurant en Asie et au Moyen-Orient ? Ces questions se posent actuellement à Bréville-sur-Mer (Manche) dans les hangars discrets de King Lobsters Normandie, nichés entre un aérodrome et un terrain de golf. Une enquête de Reporterre à lire ici.
Podcast • La piscine, service public à bout de souffle
« La piscine, comme beaucoup d’autres services publics, va mal », assène la journaliste Adèle Cailleteau, qui signe la série « La piscine, un service public à bout de souffle » pour Médiapart. « C’est un équipement qui coûte extrêmement cher et qui ne semble pas être la priorité aux politiques actuelles », poursuit-elle. Pourtant, « c’est aussi un lieu dans lequel on apprend à être ensemble, dans la même eau « . Mais la piscine n’est plus l’outil de démocratisation de la natation généralisé dans les années 1970. Aujourd’hui, les collectivités préfèrent construire des piscines pour attirer les touristes plutôt que les sportifs et les scolaires, nous explique Emmanuel Auvray, chercheur et enseignant en STAPS à l’université de Caen sur France Inter.
Cette newsletter a été écrite par Marylène Carre, Simon Gouin et Aloïs Villerbu. Elle est mise en page par Pierre Hardel, et éditée par le magazine Grand-Format, un projet de l’association Lire la suite.