La précarité menstruelle touche une femme sur cinq, notamment les étudiantes, pour qui l’achat de protections hygiéniques est une charge de trop.Impulsés par les associations, les distributeurs gratuits arrivent timidement à l’université et au lycée, tandis que le gouvernement annonce le remboursement des protections périodiques réutilisables pour les femmes de moins de 25 ans en 2024.
En Floride, un projet de loi porté par le Républicain Sean McClain veut interdire l’éducation sexuelle à l’école. Les sujets liés à la santé sexuelle, comme les règles, n’auraient pas le droit de parole avant la 6e, alors que l’âge moyen des premières règles, en chute depuis des décennies, est de 11 ans. Mais le sujet reste tabou, et pas seulement en Floride. Il y a pourtant aussi des avancées significatives. Et comme souvent sur ces questions sociétales, en particulier celles qui touchent aux droits des femmes, les associations et militantes font d’abord le travail. Et les institutions suivent. Depuis quelques années, le sujet de la «précarité menstruelle» est ainsi arrivé sur la table: c’est le fait, pour une femme, d’être dans l’impossibilité, temporaire ou permanente, de se procurer des protections menstruelles adaptées. Une femme utilise jusqu’à 15 000 protections jetables au cours de sa vie: un budget évalué à 675 euros par an, soit près de 25 000 euros au cours d’une vie.
D’après les chiffres de l’association Règles élémentaires près d’une jeune femme sur deux (44% des Françaises menstruées interrogées de 18 à 24 ans) connaissent des difficultés à se fournir en protections. Parmi elles, 330 000 jeunes femmes n’ont régulièrement pas accès aux protections périodiques dont elles ont besoin.
« La précarité menstruelle est un problème de société qui n’est pas abordé. Il faut libérer la parole sur le sujet des règles et de la précarité menstruelle. Nous sommes persuadés à SangProtection que l’éducation et la sensibilisation sont les clés. »
Association SangProtection, Caen
Pour beaucoup d’étudiantes, c’est une charge de trop, qui poussent certaines à sécher les cours, à inventer des protections de fortune, risquées voire dangereuses pour leur santé.Ou à attendre le retour chez les parents pour faire le plein. À l’université de Caen, des associations comme le collectif Sangsationnel, Assureps ou SangProtection (lire à ce sujet une interview et une enquête réalisées par les étudiantes de l’université de Caen pour Grand Format) ont bataillé des années pour obtenir l’installation de distributeurs gratuits. En 2021, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, annonce la mise à disposition gratuite de protections dans toutes les universités. À Caen, un distributeur avait été installé en mode test en mars 2021. Début 2023, l’université publie la liste des quatorze distributeurs déployés pour couvrir onze campus normands, de Caen à Alençon, en passant par Vire et Lisieux.
« Les culottes menstruelles, j’aimerais les utiliser, mais qui a 30 euros à dépenser d’un coup dans une culotte ? Pas moi. »
Témoignage rapporté par l’association @cop1.solidarites.etudiantes
Le 6 mars dernier, c’est la première ministre Élisabeth Borne, qui s’est engagée pour le remboursement des protections périodiques réutilisables pour les femmes de moins de 25 ans en 2024. La Région Normandie annonce elle aussi lancer une expérimentation dans cinq lycées volontaires pour lutter contre la précarité menstruelle: installation de 5 distributeurs gratuits de protections jetables, mise à disposition de protections lavables auprès de l’infirmière scolaire et actions de sensibilisation. Un début. Les associations, comme Règles élémentaires, demandent aussi l’instauration de normes sur la fabrication des protections lavables, inexistantes à ce jour.