A Odessa, un artiste reprend les codes graphiques de l’ancestrale fresque du XIIème pour les adapter à la réalité que vit son pays : l’invasion russe et la guerre.
De la conquête de l’Angleterre par les Normands à l’attaque de la Russie de Poutine aujourd’hui, il n’y a qu’un pas selon Serge Shamenkov, alias Serge Shamen sur les réseaux sociaux.
D’ordinaire si animée, la rue piétonne Derybasivska à Odessa est aujourd’hui plus clairsemée avec la guerre qui dure depuis trois ans contre la Russie. Le front est à quelques dizaines de kilomètres, les alertes au bombardement rythment les journées et la ville portuaire a particulièrement été touchée par les projectiles russes, notamment son patrimoine culturel.
Les musées de la ville et ses statues étant barricadés pour se protéger des missiles ou autres drones venant de Crimée, la ville et particulièrement la rue Derybasivska sont investis par le street art avec pour thème la guerre. « En tant qu’artiste, j’ai réagi au début du conflit entre la Russie et l’Ukraine de cette manière », explique à Grand Format Serge Shamenkov, qui est l’auteur des affiches placardées dans le centre-ville. « J’ai utilisé un générateur virtuel basé sur l’une de mes œuvres préférées du début du Moyen-Âge : la Tapisserie de Bayeux. J’ai essayé de représenter des événements contemporains avec des images médiévales et, pour ainsi dire, à travers les yeux d’un chroniqueur de cette époque ».
Avec son mélange de latin et de langue moderne, les soldats russes sont nommés comme orcs et affublés de leur sigle Z et les bombardement aériens sont évidemment représentés, sous forme d’oiseaux. « Cela a mis beaucoup de gens de bonne humeur car il y a de la satire et de l’humour, malgré cette période terrible », continue-t-il. « C’était important pour beaucoup pour ceux qui étaient stressés par la guerre et les bombardements. J’ai reçu de nombreux messages et des remerciements. ».
L’art à Odessa étant comme confiné par la guerre, la rue Derybasivska accueille aux yeux de tous de nombreuses productions artistiques comme celles de Serge Shamenkov. « J’ai essayé d’utiliser des événements d’actualité et des mèmes qui surgissaient dans l’espace médiatique ukrainien. Ils sont laconiques et immédiatement compréhensibles pour le spectateur », conclut l’artiste.
Guy Pichard