Moins de bulot et des falaises qui s'effondrent

Publié le 27 septembre 2024

Le Réseau Action Climat, en partenariat avec l’ADEME, publie un rapport sur les effets du changement climatique dans toutes les régions de France. Élévation du niveau de la mer, sécheresse, pêche en déclin, inondations, agriculture en crise…À quoi faut-t-il s’attendre en Normandie ?

La Normandie est particulièrement touchée par les aléas climatiques qui menacent les littoraux. C’est ce que synthétise un rapport national du Réseau Action Climat, publié le 19 septembre dernier. En effet, comme la population normande et ses activités sont fortement concentrées sur les côtes ainsi que sur les bords de la Seine et de l’Orne, la montée des eaux menace grandement la région. Entre falaises de craie ou de granit, plages de galets ou de sable, dunes, estuaires, zones humides, ces espaces font tous face à la hausse du niveau de la mer et ses conséquences. 

Cliquez sur la carte pour naviguer dessus et estimer les impacts en fonction du niveau de la mer.

Due à la hausse des températures (par dilatation thermique de l’eau) et à la fonte des glaciers terrestres, la montée des eaux évolue de façon exponentielle à l’échelle mondiale. Pour le Normandie, elle est estimée à +20 cm aujourd’hui (par rapport à 1850-1900). Cette hausse pourrait atteindre jusqu’à 1 mètre supplémentaire dès 2100. 

De plus, les forts coefficients de marée (110-115) qui se répètent actuellement 3 à 4 fois par an pourraient être atteints 65 fois par an. Cela cause des inondations marines de plus en plus fréquentes, pouvant affecter les habitations et les infrastructures du littoral.

111 000 logements, 122 000 résidents et 54 000 emplois en sursis.

Les fleuves sont aussi menacés par les submersions. Cela bloque les écoulements fluviaux et peut provoquer des débordements, affectant aussi les habitations et les infrastructures autour. 

Gouville-sur-mer, Manche. ©Lucie Mach

Une relocalisation inévitable en bord de mer

Deux tiers des côtes de la région subissent de l’érosion, avec un rythme moyen de 20 à 25 cm par an pour les falaises sédimentaires. Cette vitesse peut atteindre 40 cm/an dans certaines zones comme la côte d’Albâtre en Seine-Maritime, dont les falaises de craie sont particulièrement vulnérables.

À Villerville, dans le Calvados, la municipalité a décidé de consolider la falaise par une paroi en béton fibré. ©Marylène Carre

L’érosion entraîne une disparition de certaines plages et donc une exposition accrue du bâti situé en zone côtière aux vagues de houle et aux submersions. Pour les falaises de craie, la vitesse de recul du trait de côte déjà très élevée devrait doubler. Quel que soit le scénario d’émissions, le niveau de la mer continuera d’augmenter : la relocalisation des zones les plus exposées semble inévitable.

Lire aussi notre enquête « Touché mais pas coulé »

Espaces marines en danger, pêche impactée 

Les écosystèmes marins sont eux aussi fortement impactés par le changement climatique. Les eaux de la Manche se sont réchauffées d’environ +1 °C depuis le début du siècle, avec d’importantes répercussions pour les espèces aquatiques : poissons, coquillages, crustacés, plancton… D’autre part, les vagues de chaleur marines sont de plus en plus fréquentes et intenses, favorisant le développement de certains virus et provoquant des épisodes de mortalité massive. 

À mesure que l’océan continue d’absorber du CO2, le pH diminue (il est de 8 en moyenne dans les océans, ce qui est « basique ») et l’eau devient plus acide, avec des conséquences dramatiques pour les espèces marines. À Luc-sur-mer (Calvados), le pH a chuté de manière alarmante depuis le début du siècle, descendant pour la première fois sous le seuil de 8. Les oursins par exemple, ne peuvent pas vivre dans une eau avec un pH inférieur à 7.2.

Les huîtres, perturbées dans toutes les étapes de leur cycle reproductif, sont également impactées. ©Emmanuel Blivet.

La coquille et le bulot en voie de disparition ?

Pour les décennies à venir, les projections indiquent une diminution des espèces d’eaux froides à tempérées (bulot, hareng, plie, maquereau, cabillaud…), remplacées par des espèces d’eaux plus chaudes (calmars, mérous, daurades…). Pour certaines espèces, les impacts sont déjà largement visibles : les stocks de cabillaud par exemple se sont effondrés depuis le début des années 2000. Les bulots, dont la reproduction est conditionnée par la température, ont été décimés lors de l’été record de 2022 : dans la baie de Granville, la récolte de 2022 a été plus de 4 fois moins importante que celle de 2021. La raréfaction du coquillage pousse de nombreux pêcheurs à la sortie, témoigne Le Marin. Plusieurs d’entre eux ont déjà mis leurs navires en vente, d’autres souhaitent leur emboîter le pas. L’autre espèce emblématique de la pêche normande, la coquille Saint-Jacques est elle aussi menacée.

Sécheresses et pénurie d’eau sur les cultures agricoles

Et que se passe t-il pour l’agriculture en Normandie, première terre agricole par la superficie de surface cultivée (70% de son territoire) ? La diminution des précipitations en été (jusqu’à – 27 % de précipitation en 2100 dans le scénario le plus pessimiste) combinée à une hausse des températures et donc de l’évapotranspiration, risque d’assécher les cultures. Or, parallèlement, la disponibilité en eau douce va manquer : baisse des débits des cours d’eau (de 10 à 30 % d’ici 2100) et de la recharge annuelle des nappes phréatiques (de 15 à 30 %). Dans les zones proches du littoral, l’eau de mer a déjà commencé à saliniser les fleuves et les nappes.

Les grandes cultures sont soumises à un risque d’échaudage (brûlure) en période de forte chaleur, en particulier dans l’Eure, l’Orne et la Seine-Maritime. ©Marylène Carre

Le secteur agricole va donc devoir s’adapter à ce contexte marqué par une augmentation des périodes de stress hydrique (une situation dans laquelle la demande en eau dépasse les ressources en eau disponibles) alors que les besoins en eau devraient eux aussi être à la hausse (pour les usages domestiques, industriels, agricoles…). Si la betterave s’accommode assez bien de la chaleur, ce n’est pas le cas du maïs, très gourmand en eau. Or depuis les années 1980, on a planté beaucoup de maïs en Normandie…

Tess Laffeter