Incivilités, menaces, insultes, agressions : en Normandie aussi, les élus locaux sont de plus en plus souvent pris pour cible. Rencontre avec le Colonel Christophe Junqua, commandant de groupement des gendarmes du Calvados, qui développe des formations à destination des élus pour leur apprendre à désamorcer des situations de tension.
En quoi consistent ces formations ?
Ces formations ont été pensées pour les maires en priorité qui sont de plus en plus agressés . Mais certains adjoints et même des sénateurs les suivent aussi. Sur une demi-journée, les élus abordent une partie théorique. On leur apprend à tenir compte des éléments subjectifs qui peuvent biaiser leur propre interprétation quand ils rencontrent un agresseur. Puis on leur explique comment faire baisser la tension, éviter la théâtralisation en isolant l’individu du groupe, temporiser pour permettre une interaction et éviter toute forme d’agression. De la théorie, nous passons à la pratique avec des ateliers. Gendarmes et élus se prêtent à des jeux de rôle avec des personnes énervées. Nous avons différentes scénettes où les tensions montent crescendo. Les élus jouent leur propre rôle et sont soumis à la critique de leurs paires. Chacun peut ainsi observer les attitudes qui ont mis de l’huile sur le feu ou qui ont permis de calmer le jeu et nous en débriefons.
Comment est née cette initiative ?
La gendarmerie souhaitait mettre à disposition une boîte à outils pour les élus, dans un contexte où l’autorité est remise en cause. Ces formations sont aussi des espaces où les élus peuvent partager leur vécu. En tout, ce sont quelques 500 élus qui ont été formés dans le Calvados sur 16 journées de formation.
Quel est le profil des gendarmes qui interviennent lors de ces formations dispensées aux élus ?
Ces gendarmes sont sélectionnés par le Groupe d’intervention de la gendamerie nationale (GIGN) et quand il y a un forcené, en crise, en situation de danger pour lui ou autrui, ils recueillent les premiers éléments pour savoir comment doser le degré d’engagement. Les négociateurs régionaux sont des gendarmes à double casquette. Quand ils sont négociateurs, ils prennent des permanences à la semaine par binôme. Comme ils sont aussi des gendarmes du territoire, ils connaissent déjà les élus, le quotidien, les enjeux. De plus, ils ont des qualités d’empathie, d’écoute et un intérêt pour la psychologie, sans que leurs compétences ne soient disproportionnées par rapport aux élus.
Avec le numérique, les élus peuvent aussi être la cible de cyberharcèlement. Il y a-t-il un volet dédié à cette thématique, dans votre formation ?
Avec la réserve citoyenne du Calvados, on est en train de mettre en place des projets à ce sujet. Un livret de cyberprévention a été réalisé sur le modèle de ces formations. On est aussi en train de construire une saison 2 sur les risques et opportunités du numérique pour les élus.
Propos recueillis par Laura Bayoumi