500 personnes à reloger dans le Calvados au milieu de l’été

Publié le 29 juin 2024

Dans le Calvados, l’Etat résilie le marché qu’il a passé avec des bailleurs privés pour héberger les personnes en grande précarité, pour cause de graves dysfonctionnements. Près de 500 personnes doivent être relogées d’ici le 2 août, alors que l’on en dénombre déjà autant à la rue.

Le contrat est rompu entre l’Etat et les deux titulaires depuis 2017 du marché public de l’hébergement d’urgence avec accompagnement socialdans le Calvados : la société Un toit pour tous, gérée par Jean-Ollivier Collin et la EIRL Erwan Laborie. Moyennant le versement de 3M€ par an par l’Etat, les deux associés devaient s’engager à mettre à disposition 500 places d’hébergement. Erwan Laborie apportait le gros de l’immobilier – 123 logements dont l’ex-maison de retraite La Feuilleraie à Mondeville (19 logements), Jean-Ollivier Collin une cinquantaine de logements et l’équipe de travailleurs sociaux chargés d’accompagner les occupants. Mais une inspection menée en février 2024 a montré de graves dysfonctionnements dans le marché. Les opérateurs n’ayant pas répondu aux injonctions de la DIHAL, délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, celle-ci a pris la décision de résilier le marché le 15 avril, avec effet différé au 2 août.

Jean-Ollivier Collin, directeur d’Un toit pour tous, lors de l’évacuation de La Feuilleraie à Mondeville en février dernier.

Où les reloger ?

Le 17 avril, la Préfecture évacue les quarante familles occupant La Feuilleraie (lire cet article) qui ont eu 48 heures pour faire leurs valises. Relogés dans des hôtels parfois jusqu’à Cherbourg ou Rouen, certains ne sont jamais partis et d’autres sont revenus depuis. Une dizaine de familles s’est réinstallée à la Feuilleraie, dont ils avaient gardé les clés, malgré l’arrêté de mise en sécurité suite à péril apposé par la mairie sur le portail d’entrée. Les enfants ont réintégré l’école. Changement de méthode cette fois ci: une commission régionale réunissant les Directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) de chaque département se réunit une fois par semaine jusque début juillet pour étudier le cas de 15 ou 20 ménages à chaque séance. Soit des orientations seront possibles au sein de la région, soit à défaut la DIHAL prendra le relais pour des orientations hors région.

Les habitants avaient eu 48 heures pour plier bagage. Direction : des hôtels hors de l’agglomération pour la plupart des familles. Certaines sont revenues depuis.

Des dysfonctionnements qui ne sont pas nouveaux

Dans le milieu de l’hébergement d’urgence, les pratiques des deux sociétés sont pointés du doigt depuis longtemps, ainsi que par des collectivités et des élus, comme le député socialiste Arthur Delaporte. Le média normand Le Poulpe avait aussi dénoncé des conditions d’hébergement et d’accompagnement dégradées. En mai 2023, un incendie dans trois appartements de la société Laborie oblige à évacuer dans la nuit 14 personnes. L’immeuble avait fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’urgence un an plus tôt. Un exemple parmi d’autres. Mais pendant des années, la direction régionale de la cohésion sociale est restée sourde à ces alertes.

Jusqu’en janvier 2024, où Erwan Laborie a réclamé les quatre mois d’impayés de ces logements. «J’ai reçu en guise de réponse un contrôle qui m’enjoignait de déloger et reloger 69 appartements, dont la Feuilleraie, en 16 jours. Je ne suis pas Superman », explique l’intéressé. En huit ans, Erwan Laborie estime avoir réalisé 300 000 euros de travaux sur ses logements. La préfecture affirme de son côté que le propriétaire n’a jamais répondu aux injonctions qui lui ont été faites. Erwan Laborie a décidé de porter plainte pour rupture de contrat abusive. Il a aussi engagé une procédure contre son ex-associé, Jean-Ollivier Collin. Les deux s’accusent mutuellement d’être à l’origine de la résiliation du contrat.

Marylène Carre. Lire aussi l’article du Poulpe.

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