Alors que la convention citoyenne sur la fin de vie doit rendre un avis, le 2 avril, sur une évolution de la loi, Grand-Format a récolté deux témoignages. Patrick Soyer est délégué pour le Calvados de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité ADMD. Il défend le droit pour chacun de choisir sa fin de vie.
«Ma belle-mère est morte à 94 ans. A partir de 90 ans, elle est partie à l’Ehpad avec une canne. Elle s’est ensuite retrouvée dans un fauteuil roulant. Puis elle est devenue aveugle, puis sourde. Elle ne pouvait plus bouger, était allongée dans son lit, se faisait pipi et caca sur elle. Elle était devenue ce qu’on appelle vulgairement un ‘légume’. Juste avant qu’elle ne parle plus, elle nous avait dit: «comment fait-on pour mourir?, je n’en peux plus de cette vie». Mais elle est restée longtemps dans cet état avant de partir. Je ne le souhaite à personne.
C’est de cette expérience qu’est né mon engagement dans l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Je suis pour la mort volontairement assistée. C’est mon choix. Il y a des milliers de personnes qui ne sont pas en fin de vie et pour lesquelles, aujourd’hui, on ne peut rien faire. Nous avons des détracteurs qui nous disent: c’est à Dieu de décider, et qui veulent nous imposer leur choix sur la fin de vie. Cela s’appelle de l’intolérance qui conduit vite au fascisme. Nous sommes pro-choix : chacun doit pouvoir choisir sa fin de vie. Ouvrir un nouveau droit n’oblige pas à l’utiliser. Ce n’est pas parce que l’IVG est autorisée par la loi que les femmes sont obligées d’avorter.
« Chacun doit pouvoir choisir sa fin de vie. »
Je suis favorable aux soins palliatifs, à la mort assistée et à l’exception d’«euthanasie» pour les personnes qui ne sont plus capables de prendre le produit létal par eux mêmes. À côté de chez nous, la Belgique a mis en place l’euthanasie depuis 20 ans et il n’y a pas de dérives. Il n’y a eu qu’un seul cas litigieux porté à la connaissance du procureur du Roi. Il ne peut pas y avoir de dérives car les gens qui sont aidés à mourir ou euthanasiés l’ont demandé par écrit. Les euthanasies et les suicides assistés représentent 2,5% des décès, ce n’est pas grand-chose. En Suisse, il n’y a jamais eu de problème. Des Français s’en vont là-bas pour mourir et paient environ 15 000 euros (frais dossier, voyage, hôtel etc.), c’est cher! Ils devraient pouvoir le faire en France.
Les services de soins palliatifs qui existent en France sont trop peu nombreux. Et pour les maladies neuro-dégénératives, comme la maladie de Charcot, les gens ne sont pas en fin de vie, donc ne peuvent pas recevoir de sédation profonde prévue dans la loi Leonetti. En Belgique, un médecin (consentant) peut abréger vos souffrances. 50% des euthanasies se font dans les services de soins palliatifs. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir ça aussi en France.
« Je préfère choisir une heure et une date, et inviter mes proches à boire un coup de champagne. »
Pourquoi faudrait-il souffrir pour mourir ? Moi, s’il ne me reste que quelques jours avant de mourir, je préfère choisir une heure et une date, et inviter mes proches à boire un coup de champagne avant d’avaler le produit létal que de me retrouver plus ou moins conscient sous morphine à agoniser pour une durée indéterminée!
Il y a des gens qui meurent bien, dans leur sommeil par exemple, mais d’autres, très mal. En France, des euthanasies «clandestines» sont pratiquées en toute discrétion par des médecins, pour soulager des personnes, en accord avec la famille. Finissons-en avec cette hypocrisie.
Cette loi, il faut qu’elle passe. Elle répondra aux nombreux appels de personnes en grande souffrance que nous recevons au quotidien dans notre association. Si des médecins ne sont pas d’accord pour faire ce geste, ils pourront faire jouer leur clause de conscience qui leur permettra de s’en soustraire. Aucune loi n’interdit de se suicider, en France. Mais est-ce qu’il vaut mieux se pendre dans son garage ou dans sa cave, se jeter sous un train, à l’eau ou du haut d’un immeuble ? Est-ce là une mort sereine?»
Sur le même sujet : le témoignage de Nicolas Génin, médecin dans l’unité de soins palliatifs du CHU de Rennes.
Propos recueillis par Simon Gouin