Octobre 2025

Les ressourceries, lieux de résistance écologique et sociale

Nolwen Gouhir et Marine Thomann

Publié le 1 octobre 2025

Ancrées dans leur territoire, les ressourceries construisent une alternative à la surconsommation et développent les solidarités. Pour prendre soin des objets, des individus et de la planète.

À Caen, la Coop5pour100

Aux portes de Caen, la Coop5pour100 remet en mouvement objets et idées. Nichée dans un ancien hangar réhabilité par les bénévoles et les salariés, cette ressourcerie pas comme les autres combine recyclage, alimentation durable et éducation populaire. Son ambition : proposer des services utiles au territoire tout en réduisant les déchets, en soutenant les producteurs locaux et en questionnant nos façons de consommer, de produire, et de faire société.

Sur la route de Trouville, rien ne laisse présager ce qui se cache derrière les arbres qui longent le trottoir. Et pourtant, en s’aventurant derrière cette zone discrète, un bâtiment affiche fièrement ses façades colorées. Peintes à la main, vives et généreuses, elles dessinent les contours d’un lieu atypique. Chaque couleur signale un espace, chaque détail raconte une histoire collective. C’est un endroit qu’on découvre avec étonnement, fait de récup’, d’ingéniosité et de chaleur humaine. Ici, on ne vient pas seulement déposer un objet ou chiner une trouvaille : on entre dans un lieu où l’on questionne nos habitudes, où l’on imagine d’autres manières de consommer, de produire et de vivre ensemble.

Le collectif avant tout 

Au 33 route de Trouville depuis 2019, la Coop5pour100 a vu le jour sous forme associative en 2016. Aujourd’hui, elle fonctionne sous le statut de SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), reflet de son ancrage dans l’économie sociale et solidaire. Née de l’initiative de cinq fondateurs, elle a très vite réuni une centaine de coopérateurs autour de son projet, d’où son nom. La structure compte désormais 13 salariés et près de 150 bénévoles investis au quotidien.

Organisée en plusieurs espaces, ce lieu rassemble une ressourcerie, une épicerie avec environ 80 producteurs locaux, un café-cantine et des ateliers participatifs. Le tout fonctionne en circuit court, dans une démarche écologique, solidaire et coopérative. Laetitia est une des personnes à l’origine du projet et souligne l’importance du collectif pour faire fonctionner cette initiative. « C’est un projet qui prouve qu’il y a des choses possibles quand on s’y met à plusieurs, parce qu’on a tout construit ensemble et on n’avait pas de profils particuliers d’entrepreneurs. Ça montre qu’on peut faire une entreprise qui ne soit pas capitalistique, qu’on peut rendre les services du quotidien autrement qu’en étant dans une démarche libérale. », explique Laetitia.

Laetitia, salariée de la Coop5pour100

De l’autre côté de la ressourcerie, les espaces sont délimités pour que chaque membre de la Coopérative y trouve sa place, en fonction de ses compétences : réparations multimédias, électroménager, tri de livres et CD, atelier tricot à l’étage, sans oublier le coin menuiserie et métal ouvert aussi aux particuliers qui veulent bricoler. « On a beaucoup de profils très différents : jeunes, retraités ou actifs qui viennent le week-end ou pendant les vacances. Certains sont très investis sur les questions écologiques, d’autres aiment l’idée de la débrouille ou viennent avec l’envie de partager un savoir-faire qu’ils veulent valoriser, ou simplement créer du lien social », dit Laetitia

En plus du collectif, la Coop est attachée à faire participer d’autres acteurs locaux. C’est pourquoi une trentaine de structures partenaires, producteurs de l’épicerie, associations partageant les mêmes valeurs (comme Emmaüs ou Gérisol), acteurs du médico-social, structures d’insertion ou encore collectivités locales comme Mondeville et Giberville, sont impliquées dans la Coop.

Dans le hangar de la coopérative, les objets sont triés, nettoyés, réparés et rangés par les bénévoles et les salariés.

« Le moteur, c’est pas le profit, c’est le bien-être humain »

Le mode de fonctionnement de la coopérative repose sur une gouvernance horizontale et partagée, pensée pour garantir l’équilibre entre les parties prenantes et placer l’humain au cœur du projet. « Ici, personne ne domine, tout se décide collectivement », explique Laetitia. « Chacun peut proposer des idées, mais aussi lancer et porter des projets de manière autonome, tant qu’ils respectent les valeurs de la Coop », poursuit-elle.

Pour beaucoup, la Coop devient bien plus qu’un lieu de bénévolat : un espace de reconstruction et de respiration où le collectif fait du bien. « C’est un vrai bonheur de venir ici, c’est beaucoup de bienveillance et d’entraide. Je suis venue directement après ma retraite et quelques années plus tôt j’ai fait un burn-out à mon travail. J’étais dans les banques et dans ce milieu-là, on veut toujours plus, alors qu’ici on cherche à avoir moins », confie une bénévole.

« L’idée c’est de mobiliser aussi les citoyens à venir nous voir, parce que quand on voit le nombre d’objets qu’on récupère, ça interroge sur ce qu’on produit et consomme »

Jean-Charles est bénévole depuis 2017. D’un naturel manuel, il répare et redonne un coup de neuf dans l’atelier menuiserie.

Optique zéro déchets

Ici, le déchet n’est jamais une fin en soi. Bien au contraire, tout est pensé pour lui offrir une seconde chance. Dans l’épicerie comme au café-cantine, rien ne se perd : les invendus sont soit revendus à petit prix, soit compostés, dans une logique assumée de lutte contre le gaspillage alimentaire. Comme le résume Michel, membre actif de la Coop depuis 2019 : « Même un déchet peut devenir une matière première. »

Michel, bénévole depuis 2019, « mon engagement n’a pas de limite ». Sensible au développement durable, il travaillait anciennement dans les éco-quartiers. Dès la retraite il s’est investi pleinement dans la coopérative.
« J’aime bien bricoler et on voit du monde. » Gilbert est devenu bénévole après avoir fait sa carrière dans la banque.

Du côté de la ressourcerie, l’engagement est tout aussi concret : environ 130 tonnes d’objets sont collectées chaque année, et seuls 8 % ne peuvent être ni réemployés ni recyclés. Le reste est trié, réparé, valorisé ou redirigé vers des partenaires spécialisés du recyclage lorsque le réemploi est impossible. La Coop met aussi en place un système de traçabilité pour suivre les flux, notamment lors des collectes en déchèterie organisées avec la communauté urbaine Caen la mer. « On constate que l’on vit dans une société dopée à produire, consommer et jeter », rappelle Michel. « Alors qu’ici, on produit, on consomme et on réemploie. » Une philosophie en circuit court qui s’inscrit dans une économie circulaire, aux antipodes du modèle linéaire dominant. Et qui rappelle au passage qu’on ne vit pas mieux en consommant plus, mais peut-être en jetant moins. « L’idée c’est de mobiliser aussi les citoyens à venir nous voir, parce que quand on voit le nombre d’objets qu’on récupère, ça interroge sur ce qu’on produit et consomme », conclut Laetitia.

Un pont pour changer les habitudes de consommation

Lieu alternatif aux multiples facettes, elle attire petits et grands pour les différents espaces qu’elle propose. « On a tout type de clients ici. On va accrocher des gens sur la partie ressourcerie qui découvrent le zéro déchet et le local. Tandis que dautres viennent pour lalimentation bio et en circuit-court, sans forcément fréquenter la ressourcerie et finalement ça les incitent aussi à consommer autrement », souligne Laetitia avec un grand sourire.

L’espace restaurant de la coopérative.

Les prix sont minis, calculés selon l’état des objets, leur quantité et aussi du temps de travail des bénévoles, dans une optique de revaloriser les métiers de la réparation. « Nous faisons aussi des dons pour éviter de jeter, comme du matériel scolaire ou de la vaisselle pour personnes en grande précarité » ajoute Laetitia.

Anne, cliente fidèle, raconte : « Pour moi, la seconde main, c’est une évidence. J’aimerais que tout le monde y vienne un jour. » De son côté, Corinne, qui habite à deux pas, aime échanger livres et objets : « Ça permet d’éviter le gaspillage, et puis on fait toujours de belles découvertes. »

La Coop5pour100 est ouverte au public le mercredi, jeudi, vendredi de 11h à 19h et le samedi de 11h à 18h. Les dépôts d’objets se font le mercredi et vendredi de 11h à 18h et le samedi de 11h à 17h. Et pour devenir bénévole à la Coop, il vous suffit d’acquérir au moins une part sociale d’un montant de 10 euros.

Textes et photos : Marine Thomann

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