Sasha Rollet a 20 ans. Il est matelot sur le Neptune depuis trois ans. Contrairement à la majorité des jeunes qui s’engagent dans la profession, il n’est pas issu d’une famille de pêcheurs. C’est la passion pour cette discipline qui l’a poussé à faire ce métier et à repartir sans cesse à bord du chalutier. Il espère devenir un jour patron et travailler dans le milieu jusqu’à sa retraite. Avec sa copine Mathilda, ils viennent de s’installer dans un pavillon à Dives. La vie de marin impose un rythme très particulier: il faut souvent partir en pleine nuit avec des horaires toujours différents et une cadence intense. Mais Sasha est passionné par son métier.
Cliquez sur le son ci-dessous pour écouter Sasha.
Entre deux traits, Sasha remplace brièvement son patron à la barre du Neptune. Il a appris son métier à l’école maritime de Cherbourg. La formation des marins a beaucoup évolué. Aujourd’hui, les jeunes sont formés dans des écoles qui leur apportent un bagage technique et une vision plus globale de la pêche. Il y a encore deux générations, il n’était même pas nécessaire de savoir nager. Au bar Le Gallia situé près du port, le patron se souvient de cet ancien pêcheur qui aimait dire «Pas besoin de savoir nager. Est-ce qu’on demande à un pilote d’avion de savoir voler?».
Les licences de pêche sont attribuées aux patrons, pas à leurs bateaux. Du coup l’achat d’un chalutier ne suffit pas pour partir en mer. Si Sasha veut prendre la relève un jour, il faudra qu’il passe son capacitaire de pêche et fasse une demande de droit de pêche. Cette démarche peut prendre de nombreuses années avant d’aboutir.
Pour le moment, la pêche artisanale résiste face aux bateaux de 12 à 40 mètres. Mais les bateaux-usines pouvant aller jusqu’à 140 mètres et les gros navires notamment anglais, hollandais ou encore lituaniens restent une menace: en pratiquant la surpêche, ces monstres des mers détruisent la biodiversité.En une journée, un bateau-usine ramasse l’équivalent annuel de cinq chalutiers français.
Sasha se repose dans la cale avant d’arriver sur place.
Juste après le confinement, les clients sont revenus en nombre sous la halle. Les produits de la mer ont bénéficié de l’engouement des Français à consommer davantage de produits frais, en circuit court et en vente directe. Même si les prix avaient baissé, les pêcheurs espèrent que cette tendance va perdurer.
En pêche aux poissons, Sasha et Perdro vident le chalut. Ce jour-là, la mer est houleuse mais il faut repartir presque tous les jours pour gagner sa vie et payer les charges du bateau.
L’entente entre les membres d’équipage est primordiale car il faut cohabiter dans un espace très restreint entre 12 et 48 heures consécutives. Pour les bateaux plus importants, les séjours en mer peuvent durer plusieurs semaines.
Sasha espère devenir un jour patron et ne plus être tout le temps sur le pont. Fabrice, l’armateur du Neptune, est prêt à lui financer la formation nécessaire pour prendre la barre. Mais les décisions politiques et l’évolution de la société rendent l’ascension des jeunes de plus en plus difficile. Les investisseurs étrangers, les regroupements et les coopératives gagnent du terrain en rachetant bateaux et licences au détriment de la pêche artisanale.
L’équipage du Neptune est composé de Benjamin, patron (celui qui pilote le bateau), Sasha et Pedro, matelots. La mère de Benjamin était déjà patron de pêche sur un bateau familial, situation extrêmement rare pour une femme à l’époque. Benjamin a ainsi fait ses premières sorties en mer avant même sa naissance!
Le Neptune rentre au port de Dives. Il pêche poissons ou coquilles Saint Jaques selon la saison. Seul l’équipement arrière du bateau change: le chalut (ou filet) pour le poisson, les dragues pour la coquille. A certaines périodes de l’année, les bateaux enchaînent les marées de coquilles avec celles dédiées aux poissons. Les départs en mer se succèdent alors, laissant à peine le temps de rentrer chez soi pour prendre une douche.
Le poisson le plus en vue reste la sole car elle est très prisée des Parisiens, touristes et autres visiteurs saisonniers qui composent la grande majorité des clients de la halle.
Sasha et sa copine Mathilda ont acheté une maison à Dives qu’il faut entièrement vider et rénover.
En à peine deux mois, ils ont fini les travaux et ont pu s’installer enfin tous les deux.
On a besoin de vous…
… pour continuer à raconter le monde qui nous entoure ! Libre et indépendant, nous avons besoin de votre soutien, lectrices et lecteurs. Faites un don ponctuel ou mensuel! Même avec cinq euros, vous pouvez soutenir Grand-Format, en cinq minutes seulement. Merci! Si vous payez des impôts, un don de 100 euros ne vous revient qu’à 33 euros.