Les étudiants de L3 Humanités numériques de l’Université de Caen se sont penchés sur la notion d’engagement. Qu’entend-on par s’engager ? Qui s’engage et pour quelles raisons ? Est-ce un acte naturel ou héroïque ? Collectif ou individuel ? Au cours de cet atelier de journalisme, ils ont rencontré des élus locaux, des associations, et des jeunes qui se mobilisent. Voici leur travail.

S'engager, c'est...

Le fait pour soi de s’ouvrir vers un autre (le monde, autrui) pour le rencontrer par le biais d’une action entrainant des changements, une transformation de cet autre et peut-être de soi-même.

S’ouvrir aux autres, donner de son temps pour une cause qui nous anime. Faire entendre nos revendications, allez manifester et crier dans la rue. C’est lutter contre les inégalités et aider ceux qui ont besoin d’aide.

Etre acquis à une cause qui nous tient à cœur. C’est repérer des besoins personnels ou collectifs et mettre en œuvre des actions (plus ou moins militantes) pour y pallier. Ces actions peuvent prendre différentes formes, telles que des manifestations, des associations, des affiches, des grèves, etc. S’engager auprès des autres nécessite de respecter cet engagement et de tenir les promesses que l’on formule.

Etre actif dans une cause ou une opinion qu’on veut défendre. Pour cela il faut être convaincu, convainquant et mener des actions. Celles-ci peuvent prendre la forme de privations, sacrifices, d’actions pour imposer ou montrer. L’engagement sous-entend aussi le collectif, l’idée du partage pour un monde meilleur.

Autrefois on s’engageait en rang serrés. Pour l’armée, la religion, un pari, un syndicat.  L’engagement avait un gout de vocation. On se disait « appelé ». Aujourd’hui, l’engagement a pris de nouvelles formes.
Il ne titre plus tant son autorité de raisons transcendantes, mais sa légitimité vient de la force intérieure de la motivation. Ne croyant plus aux effets de l’engagement sur le monde, on en attend les effets pour soi.

L’engagement suppose une mobilisation de soi, une capacité puissante d’innovation.

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Des citoyens qui entrent en politique

Les étudiants ont rencontré des élus locaux près de chez eux et leur ont posé la question de leur engagement. Comment sont-ils entrés en politique ? Avec quelles motivations ? Quels sont les sujets qu’ils défendent ?

Alexandra Beldjoudi : de la révolte à la politique

À 40 ans, Alexandra Beldjoudi s’impose comme une figure incontournable de l’écologie à Caen. Entrepreneuse, assistante sociale et élue locale, son parcours est guidé par une volonté profonde de transformer la société.

©Virginie Meigné.

Est-ce que votre enfance a eu une incidence dans votre engagement ?

Je suis née dans une famille aisée à Paris mais j’ai toujours été attirée par la rue au point de vouloir devenir éboueur de mes 10 à 15 ans. Ma famille n’est pas politisée ni engagée. À 20 ans, j’ai travaillé en tant qu’assistante sociale auprès d’enfants placés et d’adultes en très grande précarité. Pendant plusieurs années, j’ai fait l’expérience de la rudesse de la vie. La question du logement m’a interpellée. C’est à ce moment-là que ma révolte s’est amplifiée envers ce système. C’est une société dure et excluante.

Comment avez-vous traduit cette révolte ?

J’ai voulu créer une entreprise avec de nouveaux codes. Pour cela, je me suis donc dirigée vers le Master 2 « Développement Territorial » à l’EM Normandie et j’ai donné naissance à Solicoo, une entreprise de compostage qui collecte, traite et élimine les déchets. On a fait une expérimentation dans le quartier Pierre Heuzé à Caen mais en 2013, les élus n’ont pas souhaité prolonger le projet. La participation citoyenne fait encore assez peur aujourd’hui. Plus tard, j’ai créé une cafétéria solidaire, en circuit-court et au maximum bio à l’EM Normandie. Je ne peux pas m’empêcher de faire et d’être dans l’action. J’ai fini par me lancer dans une activité de traiteur certifié bio. Un système de compostage avec la mairie d’Hérouville Saint-Clair était mis en place et nous étions engagés avec la Nef, une banque éthique. Nous avions également un fournisseur d’électricité renouvelable, Enercoop, et un système de zéro déchet pour les clients.

« J’ai toujours fait de la politique, sans même le savoir. »

En 2020, vous avez fait le saut en politique en rejoignant la liste « Caen écologiste et citoyenne ». Comment avez-vous vécu cette transition ?

En France, il y a une méfiance à la politique, moins d’adhérents et une démobilisation sociale. Pendant longtemps, j’ai été réticente à adhérer à un parti politique. Je trouvais que cela semblait trop éloigné du peuple. Mais en 2014, on m’a appelée pour être sur la liste. J’ai compris que j’avais toujours fait de la politique, sans même le savoir. J’ai rejoint la liste « Caen écologiste et citoyenne » avec Rudy L’Orphelin. La parité dans la liste électorale est une obligation, j’ai été élue en tant que rattachée à EELV en 2020. Depuis juin 2021 je suis conseillère départementale du Calvados, canton de Caen 5.

Quelle est l’importance de la parité pour vous ?

La parité est essentielle. Il faut que les femmes aient leur place dans tous les domaines politiques, pas seulement sur des sujets dits « féminins ». Malheureusement, la politique reste encore un domaine patriarcal à tendances prédatrices. Les femmes qui élèvent la voix sont souvent perçues comme hystériques. Pour changer ce cadre, le système de parité est non négligeable. Il est légal, un binôme paritaire est obligatoire. Il y a une amende s’il n’est pas respecté. De plus, un système de fermeture éclair est mis en place : la prise de parole est alternée entre un homme et une femme.

« Les femmes qui élèvent la voix sont souvent perçues comme hystériques. »

Comment conciliez-vous cet engagement politique avec vos autres projets ?

Si je le pouvais, je serais constamment dans la politique, mais je souhaite avoir une activité, garder un ancrage dans la vie professionnelle. Mes revenus mensuels ne me permettent pas d’en vivre.

Êtes-vous prise au sérieux dans la transition écologique ?

Oui, je suis prise au sérieux par mes pairs parce que mon discours et mes idées sont concrètes et justes. Il faut être force de proposition. Lorsque c’est très concret, proche de chez soi, on a une bonne maîtrise des sujets et on est à l’écoute. En Normandie, il faut être soft, raisonnable. La dimension en tant qu’écologiste est rapidement décrédibilisée. Il faut être fort psychologiquement, réussir à oser, être déterminé et ne pas lâcher.

Comment êtes-vous considérée par les autres ?

C’est difficile à dire. Au sein de mon parti, je suis souvent perçue comme optimiste, déterminée et dynamique, parfois même un peu trop rentre-dedans. Certains me trouvent trop émotive. A l’assemblée départementale, on m’a déjà coupé le micro pour cela.

Propos recueillis par Marion Mangeleer


Aristide Olivier : « Je ne suis pas un bébé de la politique, mais un enfant de Caen »

Aristide Olivier, 43 ans, succède à Joël Bruneau, élu député, à la mairie de Caen. A l’occasion d’une rencontre avec les Caennais au quartier de la Folie-Couvrechef le 27 septembre dernier, le nouveau maire a affirmé qu’il poursuivrait l’entreprise de son prédécesseur.  

©François Decaens.

Comment s’est construit votre engagement politique ? 

Mon engagement associatif dans le sport en tant que président du Tennis Club de Caen à partir de 2006 a grandement contribué à mon engagement municipal. Ayant aussi été professeur des écoles pendant 20 ans, ce métier m’a incité à prendre la parole pour la jeunesse. Lorsque j’ai pris mes fonctions de maire adjoint aux sports en 2020, ma promesse était la crédibilité de la parole, l’écoute publique et la confiance entre les citoyens et moi-même. Pour être crédible, il faut promettre ce que l’on peut faire.

« Pour être crédible, il faut promettre ce que l’on peut faire. »

Quelles-sont vos trois priorités pour les deux ans à venir ? 

Être maire est une tâche enthousiasmante. Pendant les deux prochaines années, je veux faire avancer la ville vers un avenir meilleur. Ma première priorité est l’éducation. Il faut contenir et corriger les inégalités de destin parce que la jeunesse d’aujourd’hui est la vie de demain. Ma deuxième priorité est la modernisation et la rénovation de l’espace public pour préparer la ville aux défis écologiques en poursuivant notre plan de végétalisation et de débitumisation. Nous allons aussi changer les méthodes d’éclairage de la ville et passer aux LED, rénover le réseau de chaleur urbain et poursuivre les pistes cyclables en investissant 4 millions d’euros. On compte également planter 500 nouveaux arbres et fleurir davantage la ville. La troisième priorité est la sécurité. Nous mobiliserons plus de policiers à pied afin de renforcer la sécurité partout et pour tous. 

À quelles difficultés êtes-vous confronté en tant que maire ? 

Il faut savoir que le maire n’est pas responsable de l’ensemble des problématiques et ne peut pas agir sur tout malgré ce que l’on pense. Quand on me demande de classer un collège en Zone d’Éducation Prioritaire, qu’on appelle aujourd’hui REP, je ne peux pas agir. Néanmoins, je peux contrecarrer le phénomène de délinquance en débloquant des subventions pour financer des projets de réussite scolaire en collaboration avec les enseignants. 

Que comptez-vous faire face au vieillissement de la population caennaise ?  

Effectivement, c’est un nouveau défi qu’il faut prendre en compte quand un quart des habitants de la ville a plus de 60 ans. Nous nous devons d’améliorer le confort des usagers en repensant l’espace public. C’est la raison pour laquelle nous avons par exemple installé plus de bancs avec des dossiers.

Comment appréhendez-vous le Millénaire de la ville ? 

Je ne suis pas un bébé de la politique, mais un enfant de Caen. Le Millénaire va révéler tous les atouts de la ville de Caen et va être un temps fort et unique pour notre ville. Il sera l’occasion de cultiver notre fierté caennaise, le rêve et le partage, tout en étant un événement entièrement gratuit. 

Propos recueillis par Candice Delente et Esther Perrot


Arthur Delaporte : une vie de militant

Arthur Delaporte, 33 ans, député de Caen depuis 2022, est à la tête du Parti socialiste du Calvados. Il nous éclaire sur son parcours engagé lors d’un entretien, le 4 octobre 2024, au bureau du Parti socialiste à Caen.

Quand débute votre engagement en politique ?

J’ai toujours été attiré par l’action publique et le militantisme. Je faisais des manifs à Caen, j’étais délégué au lycée. Après des études (classe préparatoire, école normale supérieure, sciences politiques et agrégation d’histoire) qui m’ont demandé beaucoup de travail, j’ai adhéré au PS, en 2013.

Votre entourage a-t-il influencé votre engagement ?

Sûrement, j’ai grandi à Caen dans un milieu politisé, assez proche du PS. Mes parents étaient syndicalistes, et enfant, j’allais manifester avec eux.

Comment êtes-vous devenu député ?

J’ai fait un stage à la mairie d’Hérouville-Saint-Clair. Après mon adhésion, j’en ai fait un avec un député, où j’ai découvert le parti et le fonctionnement de l’Assemblée. Puis, j’ai été collaborateur parlementaire à l’Assemblée en continuant mes études et ma thèse. J’ai pris des responsabilités au PS lors de congrès. J’ai travaillé avec la députée Valérie Rabault et je me suis rapproché de Laurence Dumont, députée du Calvados pendant quinze ans, qui m’a proposé de prendre sa suite en 2019.
J’allais vers une carrière universitaire, mais j’ai privilégié l’engagement politique. J’ai quitté Paris et le Cher, où j’étais proche du député Yann Galut, pour militer en Normandie. Je me suis présenté aux départementales, sur le canton de Ouistreham, que j’ai perdu à 500 voix. Je suis devenu responsable départemental du PS dans le Calvados en 2021. En 2022, je suis devenu député.

Je suis devenu député en voulant m’intéresser à tout : l’immigration, le logement, le travail, la retraite, la santé…

Vous êtes enseignant. Cela a-t-il influencé vos prises de position ?

Toute ma famille est dans l’éducation. Je ne m’étais pas projeté comme prof, mais je le suis devenu par reproduction sociale. En tant qu’élu, je me suis dit que je n’irai pas où on prédestine un prof, donc je n’ai pas trop porté ces sujets, un peu l’enseignement supérieur et la recherche. Je suis devenu député en voulant m’intéresser à tout : l’immigration, le logement, le travail, la retraite, la santé…

Avez-vous un projet dont vous êtes particulièrement fier ?

J’ai créé une loi sur les influenceurs, j’en suis très fier. C’est rare que des députés arrivent à faire voter des lois qu’ils ont écrites. La loi influenceurs régule l’influence commerciale, et a créé le statut d’influenceur qui n’existait pas.
J’ai porté une mesure : les Travaux d’Utilité Collective. Grâce à un rapport, on a vu que beaucoup de personnes qui ont eu des emplois aidés dans les années 80, n’ont pas cotisé, les TUC ont été pris en compte dans la réforme de la retraite, cela leur a redonné des droits.

Votre vision de l’engagement a-t-elle évolué ?

Je me suis engagé pour être utile. Étant élu, j’ai une fonction de représentation ; je contribue à la formation d’une parole, à la définition d’orientation stratégique. Je n’ai plus le même rôle ni la même vision de mon engagement, mais elle est plus forte aujourd’hui.

Quels sont les obstacles auxquels vous êtes confronté ?

On est en permanence confronté à des obstacles, humains notamment, avec mes trois collaborateurs, on a des moyens limités. On n’a pas la majorité, cela gêne notre action parlementaire.

Propos recueillis par Doriane Samson


Hélène Burgat : « C’est une tâche extraordinaire de s’occuper d’une ville et de ses habitants »

C’est à 29 ans qu’Hélène Burgat est maire de Mondeville pour la première fois. Elle occupe cette place depuis 2008 et est engagée en tant que vice-présidente chargée de la transition écologique à Caen la mer.

Comment êtes-vous devenue maire ?

L’ancien maire, Jean-Michel Gasnier, m’a proposé d’intégrer la liste en 2001. J’étais très jeune à l’époque, encore étudiante en Master de sciences de l’éducation. C’est une proposition que j’ai acceptée, ça ne me serait jamais venue à l’idée de devenir élue. J’ai été maire adjointe pendant six ans et à la fin de son mandat, il a décidé de quitter ses fonctions et m’a proposé de reprendre la suite. 

Est-ce que le fait d’être maire vous aide à vous engager politiquement ?

Je ne suis pas très politisée, je me tiens à l’écart de tout ce qui est parti politique depuis quelques années, donc j’ai un engagement d’élue locale qui me va très bien. Je m’en tiens à ça, je n’ai pas l’intention d’aller plus loin ni d’avoir un engagement plus militant ou plus politisé. Je m’engage plus localement pour la commune que pour l’extérieur.

Quels sont vos objectifs pour la ville de Mondeville ?

Mes engagements ont été d’abord de garantir un service public de qualité. Pour l’ensemble des habitants, des plus jeunes aux plus âgés, qui soit déjà adapté à leurs capacités financières, et puis à leurs besoins. J’ai tous mes services en régie, c’est-à-dire qu’on ne délègue rien à des entreprises privées, ou à des associations. Et puis l’aménagement de la ville, puisqu’on a une ville qui avait vraiment besoin de se renouveler, de changer son centre-ville, de se moderniser. Et tout cela dans un souci de transition écologique, de végétalisation. C’est vraiment les deux axes que j’ai souhaité développer ces quinze dernières années.

Vous êtes deuxième vice-présidente de Caen la mer pour la transition écologique, quels sont vos engagements ?

C’est la première fois qu’une vice-présidence est dédiée spécifiquement à la transition écologique. Donc déjà il a fallu construire une politique puisqu’elle n’existait pas, structurer un service. Pendant les deux premières années on s’est fixé des objectifs, et des actions prioritaires pour le mandat. Maintenant on les étend sur tous les volets : alimentation durable, biodiversité, mobilité, végétalisation des villes. On essaie de prendre en charge tous les sujets de la transition, soit en agissant directement, soit en accompagnant les communes dans la mise en oeuvre des politiques de transition.

Vous êtes aussi enseignante et directrice d’école. Cela vous permet-il d’être plus apte à parler de la jeunesse et de l’éducation au sein de votre mairie ?

Oui, à Mondeville c’est un sujet qui importe beaucoup. J’y suis très attachée car c’est lié à mon métier, et je suis aussi mère de famille. J’ai une sensibilité particulière.

Pensez-vous que la jeunesse doit s’engager politiquement ou localement, et si oui quelles peuvent être les possibilités de le faire ?

Je pense que c’est bien que dans les conseils municipaux, il y ait des plus jeunes. Après je sais combien c’est compliqué, combien ça parait lointain pour les jeunes. Je trouve ça naturel qu’ils aient d’autres préoccupations. Traditionnellement on peut se désoler du manque d’engagement des jeunes. Je mets à part le fait de voter, ça c’est autre chose. Je n’aime pas cette ritournelle permanente de se dire ‘’Les jeunes ils ne sont pas dans les…‘’. La politique, ce sont des contraintes, des réunions, des choses qui viennent s’ajouter et il y a peut-être un temps pour tout. S’amuser, se former, fonder une famille, puis s’engager en politique. Ce qui compte, c’est de pouvoir identifier les besoins des jeunes pour pouvoir y répondre. Donc avoir des temps d’échanges, de rencontre et une sensibilité pour la jeunesse.

Je suis une élue heureuse, c’est un beau mandat.

Quels sont les moyens de s’engager dans une commune ?

Il y a les conseils de quartiers et les conseils des sages pour les plus âgés qui sont des outils très intéressants pour des habitants qui souhaitent avoir un engagement dans leur ville. On a un conseil municipal des enfants et des jeunes aussi à Mondeville. Ce sont des instances qui permettent de discuter, de s’engager, d’apporter sa contribution. Puis après, il y a les élections pour être candidat. Il y a des gens qui très spontanément se disent ‘’ça me plairait bien‘’, ils vont voir les élus et font part de leur volonté d’être candidat.

Est-ce que le fait de s’engager en tant que maire est plaisant ?

Oui, c’est un formidable mandat. Je ne parle pas des élus qui sont agressés. Mais j’entends tellement régulièrement des élus qui se plaignent, alors que c’est une mission que l’on choisit. Je suis une élue heureuse, c’est un beau mandat. On fait de belles choses, on rencontre des gens, on leur rend service, on améliore leur quotidien. Il y a des difficultés, mais comme dans toute activité de responsabilité. C’est à dire qu’il faut gérer du personnel, un budget. Au bout du bout, c’est merveilleux. C’est une tâche extraordinaire de s’occuper d’une ville et de ses habitants. Et humainement je trouve que c’est vraiment très touchant de s’occuper des gens et de leurs problèmes.

Propos recueillis par Laura Pépin


Sophia Habibi-Noori : « Mon engagement politique est une revanche sur la vie »

Sophia Habibi-Noori, 23 ans, est conseillère régionale en Normandie sans étiquette et étudiante en Master 2 de droit des libertés. Engagée dans la vie politique depuis 2019, elle nous raconte son parcours, ses motivations et les défis auxquels elle fait face en tant que jeune femme en politique.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager en politique ?

J’ai toujours aimé faire des choses pour les autres, pour l’intérêt général. Je viens d’une famille d’immigrés où l’entraide est très présente. Ma mère, par exemple, a créé une association pour venir en aide aux femmes afghanes. Alors je me suis dit pourquoi pas ? Nouveaux défis, nouvelles rencontres, nouveaux projets !

Mon engagement est une sorte de revanche sur la vie. Je suis issue d’un milieu défavorisé. J’ai donc toujours dû travailler. Me lancer dans la politique, ça a été un échappatoire à cette vie.

Avant de devenir conseillère régionale en 2021, vous avez été membre du Conseil Régional des Jeunes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai intégré le Conseil Régional des Jeunes (CRJ) de 2019 à 2021. Nous étions une trentaine de jeunes à travailler ensemble sur des projets destinés aux jeunes. Un de nos plus gros projets a été les « Journées Normandes », une initiative pour faire découvrir des aspects plus méconnus de la région aux jeunes. Ce projet a tellement bien fonctionné qu’il a été intégré dans le programme « Atouts Normandie ».

Quelles sont vos missions principales en tant que conseillère régionale ?

Mes missions sont assez variées, avec deux grands volets. Il y a d’abord l’aspect représentation : je participe à des événements qui représentent la Région, comme la fête du Terroir. Le deuxième volet consiste à siéger à des commissions. Dans la commission Europe, international et attractivité, on gère les fonds européens qui permettent de financer des projets en Normandie. Je siège aussi dans la commission Environnement et développement durable qui traite des thématiques propres à la région. À cela s’ajoutent des commissions externes où la Région a des intérêts, par exemple les lycées.

« C’est chiant parce que quand tu es un mec, on ne se posera jamais la question. »

En tant que jeune femme, comment vivez-vous votre place dans ce milieu ?

Ce n’est pas toujours facile. Je me souviens d’un maire qui a refusé de me serrer la main. J’ai eu également des problèmes avec plusieurs personnes, des jeunes notamment, qui étaient jaloux parce que je n’ai adhéré à aucun parti. Certains ont même insinué que j’ai eu ce poste par des faveurs. C’est chiant parce que quand tu es un mec, on ne se posera jamais la question.

Est-ce que le poste est à la hauteur de vos attentes ?

Je ne sais pas vraiment ce que j’en attendais. C’est une expérience enrichissante avec des missions variées qui permettent de rencontrer énormément de personnes. Ce poste peut-être parfois difficile à gérer lorsqu’on souffre d’anxiété généralisée comme moi.

Avez-vous l’intention de vous représenter à la fin de votre mandat ?

Je ne sais pas encore. Mon mandat se termine normalement en 2027 mais les élections ont été reportées jusqu’en 2028 en raison des élections présidentielles et législatives. Mes études et ma carrière dans le domaine des droits de l’Homme pourraient m’amener à travailler à l’étranger. Je ne sais pas où je serai dans quatre ans.

Propos recueillis par Marion Mangeleer et Léa-Cassandre Tir


Aurélien Guidi : « Les combats de la Révolution sont encore à mener »

Aurélien Guidi, 40 ans, est professeur d’histoire-géographie en lycée professionnel et conseiller municipal LFI de Caen. Il raconte ses débuts dans la politique et ses combats dans la cité.

Quel est votre parcours ?

Je suis arrivé en Normandie en 1994, à l’âge de dix ans, d’abord dans la Manche, puis dans la région caennaise. J’ai fait mes études au lycée à Dumont Durville puis à l’université de Caen en histoire. Pour payer ma scolarité, j’ai travaillé, notamment comme surveillant à Hérouville-Saint-Clair ou contractuel. Je suis sorti de la précarité en passant le concours de prof. Je me suis politisé durant ma première année d’enseignement, lorsque le premier ministre Dominique de Villepin, a voulu imposer le contrat premier embauche (CPE), un nouveau type de contrat précaire pour les jeunes. Finalement, la forte mobilisation a fait reculer le gouvernement et le CPE n’a jamais vu le jour.

Quand avez-vous commencé à vous intéresser à la politique ?

Lors du bicentenaire de la révolution, en 1989, j’avais cinq ans et mes parents divorçaient. Alors que ma famille se déchirait, le village dans lequel j’habitais était en effusion pour fêter le bicentenaire. Je me suis demandé ce qui rendait les gens aussi heureux et j’ai essayé de comprendre. Cela m’a donné envie d’étudier l’histoire et l’engagement politique. Au fur et à mesure de mes études, j’ai compris que la Révolution n’était pas finie, et qu’il restait de nombreux combats à mener pour l’égalité et l’abolition des privilèges.

Quel est l’évènement à l’origine de votre engagement ?

J’ai eu mon bac en 2002, la même année où Jean-Marie Lepen arrive au second tour de la présidentielle pour la première fois. J’ai participé aux mouvements de contestation et à ma première assemblée générale à l’université. Je n’avais encore adhéré ni à un syndicat étudiant ni à un parti politique.

Par quel moyen êtes-vous arrivé à la politique et quels rôle avait vous eus  ?

Mes premiers combats de jeunesse sont la lutte contre l’extrême droite, le combat pour la justice sociale et financière et donc la lutte contre le libéralisme. En 2004, après les manifestations contre la réforme des retraites, j’ai intégré un collectif informel nommé « Résistance Caen » qui a pour objectif la convergence des luttes. Le collectif réunit tous ceux qui se retrouvent autour d’un même projet de société antilibéral.

En 2014, je suis candidat sur la liste alternative de gauche des municipales avec Étienne Adam. Je ne suis pas élu, mais cinq ans plus tard, ayant échoué à rassembler toutes les listes de gauche, je suis de nouveau candidat, en tête de la liste « Caen en commun ». Lors de mon mandat, mon principal combat a été de m’opposer au projet de centre commercial sur la place de la République. La commune a déjà cédé les rives de l’Orne, pour un projet commercial qui n’a pas eu le rendement économique attendu.

Pourquoi avez-vous choisi de vous engager dans la coalition du Front de Gauche puis chez LFI, plutôt que dans les autres partis plus classiques de la gauche ?

J’aurais pu être tenté de rejoindre EELV, mais j’ai été écœuré du premier vote des régionales en 2004. Ils avaient fait campagne contre l’installation des réacteurs nucléaires EPR en Normandie, mais ils n’ont pas été capables de défendre leurs engagements et les chantiers arrivent actuellement à la fin de leur construction. Les autres offres politiques sont le PC et LCR, mais j’ai accueilli avec plus d’enthousiasme les propositions du Front de gauche, devenant LFI en février 2016.

Propos recueillis par Augustin Darondel et Noa Touvet


Maiwenn Léger : « Un engagement, c’est pour les autres et non pour soi »

Maiwenn Léger, 30 ans, est conseillère municipale depuis 2020 et trésorière de l’association Lexo-Jeux de Lisieux. Elle veut diffuser son engagement auprès des jeunes.

Qu’est-ce qui vous a motivée à vous engager politiquement ?

Pendant longtemps, la ville de Lisieux n’a fait que peu de choses à destination des jeunes. Quand ils ont terminé leurs études, ils partent. Il y avait un vrai manque d’animation. Le nouveau conseil municipal est une équipe jeune, spécialement pour relancer la ville. Maintenant, tous les week-ends ont lieu des concerts et des animations. Le conseil municipal de Lisieux est devenu symbole d’implication citoyenne, de jeunesse et de changement.

Quels sont les enjeux politiques qui vous tiennent le plus à cœur et pourquoi ?

 J’ai postulé sans étiquette politique, je voulais voir avant de me présenter où je me situais. Je n’ai pas envie personnellement à 30 ans, de faire 30 km pour pouvoir accéder à des évènements. La nouvelle équipe développe des pistes cyclables, à destination surtout des jeunes, qui se déplacent à vélos majoritairement, et aménage des skates parcs. Nous avons sondé les jeunes sur les réseaux pour changer les noms de rues.  

Selon vous, quelles sont les qualités indispensables pour une élue ?

Il faut être volontaire. Ne pas hésiter à relancer, il faut savoir s’exprimer et se faire comprendre, ne pas avoir de jugements sur les autres. Il faut être de plus motivé, car le volontariat prend le dessus. Il faut être adjoint du maire pour être indemnisé.

Avez-vous été confronté à des obstacles dans votre parcours d’élue et comment les avez-vous surmontés ?

Les obstacles pour moi ont été de lier mon emploi du temps de jeune entrepreneuse, avec mon implication au sein du conseil municipal, mais aussi en tant que trésorière de l’association Lexo-Jeux. Un engagement représente beaucoup de sacrifices. S’engager, c’est pour les autres et non pas que pour soi.

Que pensez-vous de l’évolution de l’engagement politique, notamment avec l’essor des réseaux sociaux ?

L’essor des réseaux sociaux permet plus de visibilité, à destination surtout jeunes. La digitalisation informe un large public. Les réunions du conseil municipal ne suffisent pas pour la visibilité, et les lives permettent aux citoyens d’avoir une opinion publique. Cependant, le taux d’abstention est trop important, surtout chez les jeunes.

Quelles initiatives ou actions concrètes avez-vous mises en place ?

En dehors du Tour de France, peu d’activités étaient mises en place. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’évènements, comme le passage de la flamme olympique en 2024. J’ai déposé une demande de salle pour l’association Lexo-Jeux, mais elle n’a pas encore été acceptée. Cela met en péril l’association, alors qu’elle compte 120 personnes ; c’est l’une des plus grandes associations de jeux normandes.

Quelles recommandations donneriez-vous à ceux qui souhaitent s’engager davantage dans la politique ?

Il faut être force de proposition. Mais aussi croire en ses convictions, toujours se remettre en question, être proche des personnes qu’on représente.

Propos recueillis par Margot Moulin


Guillaume Dujardin : « On est sur tous les fronts »

Guillaume Dujardin est maire de Cahagnes depuis 2020, une petite commune de 1500 habitants, située dans le Bocage virois. À 42 ans, ce natif du village est aussi un agriculteur bio.

Comment êtes-vous rentré en politique ?

Ce n’était pas du tout prévu. Il y a 6 ans, mon exploitation me demandait beaucoup de temps, on m’a fait des propositions pour entrer au conseil municipal mais je les ai refusées. Puis j’ai vu la composition de la seule liste qui se présentait dans la commune et en échangeant avec certains, on m’a dit que Cahagnes était un « village-dortoir ». Étant natif d’ici, je ne me retrouvais pas à entendre des choses comme ça. De fil en aiguille, j’ai discuté avec des personnes, je me suis retrouvé à des réunions publiques avec des anciens de la ville et on m’a proposé de me lancer dans les élections municipales. Il a fallu faire une liste en 3 semaines donc ça a été difficile de trouver les dernières personnes.

Qu’est-ce qui vous motive dans votre mission municipale ?

J’ai connu Cahagnes depuis mon enfance, donc j’ai connu son évolution, ses projets comme la vente de la Vallée de Craham [ndlr : zone d’activité située à proximité] et ça a été un déclic. Je me suis dit qu’il y a eu des choses qui ont été plus ou moins bien faites par nos prédécesseurs et avec mon équipe, on est en train de tout modifier peu à peu. Pour trouver d’autres personnes motivées, je me suis tourné vers des personnes présentes dans des associations et je voulais avoir un panel divers et varié de représentants de la commune, que ce soit au niveau professionnel ou associatif.

En parlant du cas de la Vallée, quels sont les autres projets pour la commune ? Comment arrivez-vous à les mettre en place ?

C’est très difficile. Je me rends compte que la première chose qu’on a fait, au tout début du mandat, ça a été de repenser le bourg et d’aller voir le Département pour présenter l’ensemble du projet. On a tout listé, on avait plein d’idées. Mais après, plus on a présenté nos projets à la sous-préfecture, à la communauté de communes, au Département et à la Région, plus ça nous a permis de nous dire qu’il fallait les phaser et qu’il y avait des priorités. A force de persévérance, on a été sélectionné par la Région et par les services de l’État dans le cadre du dispositif « Villages Avenir » pour pouvoir toucher une subvention.

Selon vous, qu’est ce qui fait la particularité d’un élu en zone rurale par rapport à celui d’une grande ville comme Caen ?

On est sur tous les fronts, sur tous les domaines. On est sur le terrain en permanence. On n’a pas de pôles, de directeurs de pôles comme dans les grandes agglomérations. Pour être écouté, il faut présenter nos projets à tous les services régionaux, que ce soit la communauté de communes Pré-Bocage Intercom ou encore la sous-préfecture, comme dans le cas de la Vallée de Craham.

Propos recueillis par Evan Lefortier


Jérémie Patrier-Leitus : « Il faut suivre ses convictions »

Jérémie Patrier-Leitus est député Horizons de la troisième circonscription du Calvados depuis 2022. C’est un homme politique engagé, qui aime se battre pour des causes justes et pour le bien des citoyens.

Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Je suis député de la troisième circonscription du Calvados depuis 2022. Avant, j’étais chargé de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. J’habite à Lisieux et j’ai un garçon.

Quel est votre parcours étudiant ?

J’ai fait des études d’économie. J’ai un master d’économie à l’Université Dauphine et aux États-Unis. J’ai toujours été intéressé par plusieurs choses. Comme par l’économie, la politique, la culture. J’ai étudié un peu la politique.

Qu’est-ce qui a créé chez vous cet intérêt pour la politique ?

Depuis tout petit, j’ai toujours été intéressé par la vie politique. Mais j’ai voulu travailler après mes études, parce que je considère que pour faire de la politique correctement, il faut être libre, avoir un métier pour ne pas être dépendant de la politique.

Ce qui me plait en politique, c’est de pouvoir essayer, même modestement, de changer un peu les choses, d’être utile, de défendre son territoire. Ce qui est passionnant dans le travail de député c’est qu’on peut aussi changer la loi. C’est une vraie responsabilité.

Quand on fait de la politique, c’est un peu comme quand on est médecin ou professionnel de santé, il faut vraiment aimer les gens, parce qu’on est, toute la journée, avec eux.

Depuis que vous êtes député, avez-vous plus de marge de manœuvre pour changer les choses ?

Je pense qu’on peut changer les choses sans forcément faire de la politique. Les personnes qui s’engagent dans des associations changent la vie des gens. Celles qui s’engagent dans une entreprise participent à la création d’emplois, ce qui permet à des familles de vivre et d’avoir des salaires. Je suis toujours admiratif de tous les bénévoles. En revanche, il est évident qu’en politique, on dispose de plus de leviers. On a davantage de moyens d’agir, que ce soit en faisant une loi ou en votant le budget. C’est donc important.

Est-ce qu’il est important pour vous que vos convictions soient en accord avec ce que vous faites ?

Il faut être engagé, il faut avoir des convictions. On ne devient pas député juste pour dire « je suis député ». Il faut des idées, des combats qu’on a envie de porter. J’ai toujours voté à l’Assemblée nationale selon mes convictions, et non parce que mon parti m’a dit de voter ça. Je n’ai jamais voté non plus pour faire plaisir aux gens. Quand vous êtes député, vous représentez 100 000 habitants. Vous imaginez bien que chaque habitant pense différemment. Si vous essayez de représenter tous les habitants, vous n’y arriverez pas. […] Il faut voter selon ce que vous croyez bon pour le territoire, pour Lisieux, Livarot… et pour la France.

« Tous les jeunes devraient se mobiliser. »

Pourquoi avoir choisi le partir Horizons ?

Je n’ai jamais été un homme d’extrême. Je pense que quand on est extrême, on ne peut pas transformer le pays. Souvent les extrêmes ne regardent pas la réalité telle qu’elle est, mais telle qu’ils voudraient qu’elle soit. C’est facile d’être extrême et de dire, il n’y a pas de sécurité, il n’y a rien qui va dans le pays, mais derrière, c’est quoi les propositions ? […] C’est pour ça que j’ai toujours été plutôt un modéré. Ça ne veut pas dire mou. Je pense qu’il faut des réformes radicales dans le pays, sur la sécurité, sur la santé, les médecins qu’on ne trouve plus, sur l’éducation nationale. Mais la radicalité, ce n’est pas l’extrême.
La radicalité, c’est qu’on regarde le pays comme il est, avec ses problèmes, et puis on essaie de changer les choses de manière forte. Les extrêmes, à part de dire que tout va mal, il n’y a pas beaucoup de propositions.

Pour vous est-ce que la jeune génération doit se mobiliser pour se faire entendre ?

Il faut que les jeunes se mobilisent, qu’ils prennent la parole, fassent de la politique, aient envie de s’engager. Beaucoup de jeunes se sont engagés dans ma campagne parce qu’ils croyaient en ce que je proposais. On peut aussi s’engager dans une association ou pour l’environnement. Étudiant, j’étais engagé dans un syndicat et membre du conseil d’administration de l’université. Tous les jeunes devraient se mobiliser, que ce soit dans les partis, dans les syndicats, dans leur université ou dans les associations.

Propos recueillis par Ilona Romain


Nicolas Baray : un maire heureux dans sa ville

Nicolas Baray, actuel maire délégué d’Aunay-sur-Odon, sur la commune nouvelle des Monts d’Aunay, est engagé pour le bien-être de sa ville.

Quelle serait votre définition de l’engagement ?

Se mettre au service des autres. Je trouve que l’on est dans un monde de plus en plus individualiste ; l’engagement envers les autres doit donc rester un objectif.

Pourquoi avez vous décidé de vous investir dans la vie démocratique ?

Ça m’a toujours intéressé ; enfant, j’étais délégué de classe. À l’âge adulte, je me suis impliqué dans des associations, dans du bénévolat. Le service à l’autre m’a toujours motivé. J’ai commencé mon parcours en tant que directeur général des finances publiques en région parisienne. Ensuite, j’ai pris le rôle d’agent immobilier d’État et des collectivités. Puis, j’ai poursuivi comme percepteur en Alsace pour revenir ensuite à Aunay-sur-Odon. Je me considérais comme un percepteur atypique quand j’étais au maximum avec les gens pour les sortir des difficultés.

L’engagement est-il une activité à plein temps ?

Oui. Je regrette de ne pas avoir plus de temps à consacrer à la mairie et à mes différents engagements. J’essaie de me libérer en prenant des journées (j’ai pris il y a quelques temps mon premier congé depuis 12 ans). Dans une commune comme Les Monts d’Aunay, il est compliqué de remplir toutes les missions d’élu, notamment à cause des réunions dans la journée. De plus, nous sommes confrontés à beaucoup de violence, en particulier sur les réseaux sociaux.

Ces missions, est-ce ce à quoi vous vous attendiez ?

En tant qu’ancien percepteur, j’avais déjà une idée précise. Mais il restait tout de même des choses inconnues à découvrir et dont les Français n’ont pas idée non-plus : la sélection des cercueils par exemple, ou les divagations d’animaux.

Depuis le début de votre mandat, de quels changements avez-vous été le témoin ?

Aunay-sur-Odon était une belle endormie. Un de nos projets va se réaliser bientôt : la particularité de la commune est de n’avoir aucun immeuble avec ascenseur, un énorme problème pour les personnes âgées. Nous avons racheté l’ancien Weldom (usine) de la ville, ancienne friche industrielle. Nous allons la raser pour construire des logements accessibles aux personnes à mobilité réduite. Nous avons aussi un projet d’assainissement en plus de la station d’épuration, qui nous permettra de séparer les eaux usées de l’eau de pluie, actuellement toutes les deux mélangées dans la station d’épuration. C’est essentiel au niveau écologique.

Comment vous placez-vous par rapport aux maires qui démissionnent ?

Je les comprends, surtout par rapport au désengagement de l’État et aux violences ; c’est comme un ras le bol. L’agressivité exprimée peut être physique pour des choses qui ne sont pas à la hauteur des missions confiées. Ce harcèlement nous a été exprimé verbalement. Nous n’avons aucune difficulté à discuter des problèmes en général, cela fait partie du principe de démocratie, mais avec internet, les gens se cachent pour écrire tout et n’importe quoi.

Pensez-vous qu’il y ait un désengagement chez les jeunes ?

Je ne le ressens pas comme ça. Sur le plan politique, c’est propre à l’ensemble de la population. Niveau engagement, le territoire a beaucoup d’associations qui sont portées par des jeunes au niveau sportif, mais aussi dans le conseil municipal d’Aunay-sur-Odon. Qu’un jeune de 20 pense à autre chose est aussi normal.

Une phrase qui inspirerait à s’engager ?

M’être investi représente beaucoup de soucis, mais aussi de la satisfaction de voir des gens contents. Des habitants viennent nous remercier, ce qui est génial. Me dire que je serai sur Aunay dans 20 ans pour voir se réaliser des choses que j’avais initiées me rend heureux.

Propos recueillis par Bénédicte Osmont et Aglaë Poindessault

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Des associations pour faire bouger les lignes

Une association qui relooke les demandeurs d’emploi, une autre qui prend soin du moral des étudiants, ou de celui des seniors, des étudiants qui accompagnent les enfants des quartiers, des associations engagées pour la biodiversité… Voici une série de reportages auprès de celles et ceux qui ne veulent pas rester inactifs face à une société parfois excluante.

Agir pour changer la société

Chloé Mateo est coordinatrice des colocations à projets solidaires pour l’Afev de Caen. Elle accompagne au quotidien 53 jeunes sur la création de projets pour animer et dynamiser bénévolement leurs quartiers. 

Dans les bureaux de l’Afev, notre interlocutrice nous propose au choix café ou thé. La jeune femme de 24 ans se présente, « Je travaille sur les colocations à projets solidaires de lAfev depuis juillet dernier. » L’association AFEV (qui signifie association de la fondation étudiante pour la ville) a été créée en 1992, par trois étudiant·es. Indignés par les inégalités, ils veulent réagir et font le pari que la jeunesse et notamment les étudiant·es, peuvent réduire les inégalités, en particulier éducatives. Leur idée consiste à faciliter la rencontre entre les étudiants et les quartiers. Sur ce principe, l’association œuvre à travers deux grands programmes : le mentorat bénévole dans les quartiers, qui consiste à accompagner un jeune en difficulté scolaire, et les colocations à projets solidaires Kaps (un loyer modéré en échange d’animer des actions dans le quartier).

Chargée du mentorat à l’Afev de Caen, puis responsable des « Kaps » de Caen et d’Hérouville-Saint-Clair, Chloé Matéo revient sur son entrée à l’Afev. « Quand j’étais étudiante, j’étais partie pour souffler en plein milieu dun cours et sur une porte il y avait une affiche de lassociation », raconte-t-elleavec un sourire amusé. « Je me suis renseignée pour faire un service civique à lAfev après mon master en Histoire moderne pendant lequel jai passé mon BAFA et mon BAFD (diplômes d’animateur et de directeur de centres de jeunesse)» 

 « Je cherchais à mengager dans une association qui ait du sens pour moi, confie Chloé. À peu près en même temps, je me suis engagée à la Croix rouge» La sensation pesante de solitude pendant sa dernière année d’étude l’a poussée à s’engager : « On était dix en Master 1 et je suis la seule à être passée en Master 2. Je devais faire beaucoup plus de travail que les autres, en plus lhistoire cest une discipline où tu es dans des archives, tu ne parles à personne. Javais besoin de voir du monde. »

Mais son engagement ne découle pas d’un besoin à combler sa solitude. « Mes parents ne sont pas très engagés mais mes grands-parents l’étaient. Jai eu la chance de les connaître. » Grâce à eux, elle a acquis des valeurs fortes :

 « Je parle du principe que je n’ai pas le droit de me plaindre de la société si je ne fais rien pour essayer de la changer. »

« Agir à notre échelle »

« On agit sur des choses qui sont petites pour certaines personnes, mais qui peuvent changer les choses. » Chloé réalise auprès des bénévoles « Kapseurs » des actions qui profitent aux enjeux sociaux et environnementaux, comme par exemple des repas auprès des seniors ou bien la création d’un compost dans un quartier. 

« Le bénévolat, c’est pour donner. »

Son choix a été de prendre le chemin ayant le plus de sens pour elle. « La plus grande valeur c’est le partage, c’est ça qui m’anime. » Animatrice auprès des jeunes dans un quartier prioritaire en plus de ses études, c’est cela qui lui a fait prendre conscience de la valeur de la diversité des quartiers : « Quand on les connaît, c’est une richesse de la vie. Ma richesse elle est ailleurs que dans l’argent. […] la richesse humaine est plus valorisante. » Et c’est avec cette vision de la vie que Chloé guide ces kapseur·reuses : « Si tu fais du bénévolat pour attendre quelque chose des autres, c’est que tu n’as pas ta place ici. Le bénévolat, c’est pour donner. Et moi, je suis quelqu’un qui préfère donner que recevoir » nous dit-elle.


Lors de notre rencontre avec les jeunes Kapseur·reuses que Chloé accompagne, tous nous ont parlé des bénéfices de leurs engagements. Ils ont pu apprendre à être patient et à vaincre leur timidité à travers les petites actions qu’ils ont réalisé à leur échelle, mais avec un vrai impact.

Doriane Samson et Laura Pépin


« L’habit ne fait pas le moine, mais il y contribue »

Depuis 2015 à Caen, La Cravate Solidaire accompagne les personnes en réinsertion professionnelle à préparer leur entretien d’embauche. Avec les bons arguments et le bon costume.

Mercredi 13 novembre 2024, dans la salle Gutenberg à Caen, est organisé l’évènement « Tous unis contre les discriminations ». Une fresque sur les discriminations est affichée sur la scène, des cravates accrochées à toutes les chaises. Autour des tables, des petits groupes débattent. L’ambiance est chaleureuse.

Organisée par l’antenne de Caen de l’association La Cravate Solidaire, cette matinée a pour objectif de sensibiliser le public sur les discriminations dans le monde du travail. Au programme : des ateliers ludiques et une table ronde animée par des invités comme Joyce Lawson, juge aux prud’hommes de Nanterre et Christophe Delabre, co-leader « les entreprises s’engagent » du Calvados et président d’entreprises.

Créée en 2012 par trois jeunes diplômés parisiens, La Cravate Solidaire s’attaque à un problème souvent occulté : les discriminations liées à l’apparence vestimentaire lors des entretiens d’embauche. « Quand on n’a pas les moyens ou les codes, on part avec un désavantage face à un recruteur », explique Rène Tsiro, responsable de développement de l’antenne caennaise de la Cravate Solidaire. Celle-ci a été créée en 2015 et compte aujourd’hui trois salariés et plus de 70 bénévoles.

« L’association fait des ateliers. Le plus célèbre, c’est l’atelier coup de pouce où on aide les gens pour leurs entretiens en intervenant sur l’image : un temps d’accueil qui peut se passer dans les dressings et des simulations d’entretien avec les bénévoles RH. » Les vêtements sont issus de différentes collectes auprès des particuliers, dans les entreprises solidaires et des marques de textile qui donnent les invendus et les fins de série. « On a du neuf et de la seconde main. Pour la seconde main, il y a un gros travail de tris, parce que les vêtements doivent être propres, en bon état et respecter la charte. »

La Cravate mobile, un dressing sur la route

À la fin de l’événement, tout le monde se retrouve autour d’un buffet cuisiné par un restaurant du quartier. Les gens sourient, animés par la même cause. Les bénévoles et les salariés circulent au milieu de la foule, l’équipe est soudée. La présence d’élus locaux comme Baya Mokhtari, maire adjointe d’Hérouville-Saint-Clair et Théophile Kanza Mia Diyeka, conseiller municipal de la ville de Caen, confirme l’engagement de l’association sur son territoire.

Malgré son succès, La Cravate Solidaire fait face à des défis. « Nous devons chercher constamment des financements », explique Rène Tsiro. L’association répond à des appels à projets publics, reçoit des dons privés et noue des partenariats avec des entreprises. Elle rêve désormais d’une Cravate mobile : un camion aménagé pour intervenir dans les zones rurales où les besoins sont criants. « Ce serait un véritable atout pour étendre notre action à travers toute la région », affirme Rène Tsiro.

L’association fête ses dix ans en 2025 et espère poursuivre son engagement avec ses bénévoles et ses partenaires pour sensibiliser sur la question de la discrimination.

Esther Perrot et Léa-Cassandre Tir


Du Bessin au Népal : une solidarité qui traverse les frontières

L’association bayeusaine Du Bessin au Népal œuvre depuis 2012 pour la survie et le développement durable de Dhye. Face aux faibles précipitations, dues au réchauffement climatique, le petit village népalais a dû déménager.

C’est à plus de 7 297 km de Bayeux que les villageois de Dhye récoltent des pommes sous la chaleur. L’association Du Bessin au Népal, à la demande des villageois népalais, apporte des compétences techniques et des soutiens financiers afin de les aider à aller au-delà de ce qu’ils peuvent accomplir par leurs propres moyens. Elle propose de partager des moments de convivialité solidaire et des rencontres. Le comité organise des voyages découverte au Népal. « En petit groupe, pas plus de six personnes », indique Michel Houdan le coordinateur du projet de Dhye.

Dhye : un village à sauver, un projet en action

Le projet a été lancé en 2005 par les villageois de Dhye et des Normands, et s’est renforcé en 2012 avec l’appui de l’association Du Bessin au Népal. À ce jour, 85 % du projet d’installation du village à Thangchung est achevé. Cela inclut la construction de bâtiments provisoires pour loger les villageois participants au chantier, ainsi que l’édification d’une école, d’un dispensaire et de maisons. Parallèlement, un projet de plantation et de développement économique durable a vu le jour. Des canaux d’irrigation ont été creusés en collaboration avec des ONG spécialisées dont Électriciens Sans Frontières. La plantation de pommiers promet une activité économique durable par la vente de fruits frais et séchés, et par leur transformation en jus.

Une association portée par 250 membres

Le projet est porté par le conseil d’administration de l’association Du Bessin au Népal, composé de 12 membres originaires du Bessin et du Calvados. « Les membres du conseil et les bénévoles partagent un fort intérêt pour le projet, et l’implication des villageois les encourage à s’investir encore davantage », affirme le coordinateur avec fierté. Leurs motivations sont diverses : certains viennent par curiosité, d’autres contribuent financièrement ou physiquement, tandis que d’autres s’investissent en apportant leurs compétences d’experts. Au total, l’association comprend 250 membres. « Au fil des années, des liens solides se sont tissés entre la France et le Népal, et ils continuent de se maintenir en ligne », explique-t-il.

« Nous nous efforçons de laisser le comité de village maître de son propre projet. »

Un compromis entre deux parties 

Une convention de partenariat a été signée par les deux parties pour garantir la liberté des villageois. L’association n’a le droit de proposer que des options. Aussi, par le biais d’une délégation, l’association représente, dans les démarches, les Népalais en Europe. « Nous nous efforçons de laisser le comité de village maître de son propre projet », insiste Michel Houdan. Le comité du village de Dhye est constitué d’un représentant de chaque famille.

Un projet financé par tous

L’association parvient à vivre grâce aux dons récoltés lors des événements. Elle participe directement au financement du projet de Dhye et sollicite des fondations. Ainsi la moitié des maisons construites à Dhye sont financées par la Fondation Abbé Pierre ; les autres par l’association Du Bessin au Népal et ses partenaires associatifs. Par exemple, la construction d’une maison coûte 16 163 €. Du Bessin au Népal fournit les matériaux à hauteur de 11 200 €.

Candice Delente et Marion Mangeleer


La Capsule, une bulle de convivialité pour les étudiants

L’association étudiante de l’Institut Régional du Travail Social, à Hérouville-Saint-Clair, aide les étudiants à se sentir chez eux, en leur apportant l’aide dont ils ont besoin.

La première association étudiante, créée en 2005, s’appelait les CASOS 14. Son objectif était d’ouvrir une salle permettant aux étudiants de se retrouver. L’association s’est dissoute avant de l’avoir atteint et ne s’est reformée qu’en 2020 sous le nom d’Association Etudiante IRTS (AEI). À l’époque, il n’y a plus de restaurant scolaire et le nouvel objectif est d’ouvrir une salle dédiée aux étudiants pour qu’ils puissent manger le midi et boire un café. C’est ainsi que la Capsule, espace de détente et de convivialité, est née. À partir de là, l’association a décidé de s’attaquer à la question de la précarité étudiante. Un sujet qui tient particulièrement à cœur à Augusta, la secrétaire de l’association.

Du café, des livres et un sondage

« L’AEI met à disposition des couverts, des livres, des instruments de musique, des protections hygiéniques. Elle propose du thé, du café et de la nourriture en accès libre. » Des activités sont proposées comme des goûters et des soirées d’intégration. Surtout, « les étudiants en difficultés peuvent se confier auprès de leurs tuteurs pour évoquer leur situation, explique Manon, la présidente. Cela permet de créer des liens et une relation de confiance ».

En début d’année scolaire, ils ont eu la volonté de mettre en place de nombreuses actions, comme la vente de sweat avec l’inscription du logo de l’association et celui de l’IRTS, des soirées à thème dans le cadre de Noël ainsi qu’un projet de sondage afin de recueillir la parole des étudiants.

L’association peut compter sur ses adhérents pour organiser les différents projets. Samuel, le trésorier, a commencé à faire la passation avec les premières années. « L’objectif est de valoriser l’entraide entre les étudiants. »

En plus de leur vente de sweat, ils ont la chance de recevoir beaucoup de dons, pour équiper la Capsule (micro-ondes, instrument de musique) et les étudiants (matériel scolaire, protections hygiéniques…). Tout est gratuit pour les étudiants. L’an dernier, l’association a reçu un cadeau de noël anonyme. « Nous sommes arrivés un matin et il y avait un petit carton avec une inscription : Cadeau pour la Capsule, de la part du Papa Noël. » À l’intérieur, ils ont trouvé une enceinte. Depuis, la musique résonne dans la Capsule. 

Ilona Romain


Protéger les oiseaux contre l’agriculture intensive

Depuis ce début de siècle, les populations aviaires voient leurs populations chuter à une allure effrayante, en particulier dans les régions littorales. Plus de 50 % des individus identifiés ont disparus. La Ligue de Protection des Oiseaux veut ralentir leur déclin.

Les chaises de la salle de réunion raclent le sol alors que leurs occupants se préparent lentement à quitter. C’est ici, dans cette salle d’une petite mairie bretonne, que se rassemble tout les quelques mois les représentants des associations pour la biodiversité. Des membres de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, de la Fédération Connaître et Protéger la Nature, des représentants de l’Atlas Communal Biodiversité, tout ce beau monde se rejoint régulièrement pour discuter de ce qui a été effectué, de ce qui est en cours, mais surtout, de leurs futurs projets.

« Tout ne pourra pas être sauvé »

La première personne à sortir est Denise Mazeau. Elle est bénévole et administratrice au sein de la LPO Loire-Atlantique, sur la coordination et les différentes fonctions de l’organisation. Elle semble fatiguée, et un peu mécontente : malgré le fait que la réunion ait durée plus longtemps que prévu, ils n’ont pas eu le temps d’aborder la totalité des sujets. « Depuis le Covid, notre charge de travail ne fait qu’augmenter » dit-elle. « Nous sommes requis sur de plus en plus d’affaires, et celles-ci sont de plus en plus urgentes. » En tant qu’administratrice, c’était celle qui avait reçu les demandes d’affaires à traiter. Aujourd’hui, les membres avaient discuté de sanctions envers un paysan irrespectueux, de règlement de conflit avec la SNCF, concernant leur destruction d’espace supposés protégés, et l’organisation de futur projets. L’un d’entre eux, le projet Varade, celui de la réhabilitation d’une ferme et de sa location à des fermiers respectueux de l’environnement, venait d’être bouclé.

Même avec ce programme si chargé, les membres de la réunion avaient pourtant dût ignorer certains dossiers. Malgré le travail acharné de ces hommes et femmes, pour la plupart bénévoles, tout ne pourra pas être sauvé : leur dévotion, pourtant si énorme, ne suffit pas à tout couvrir, et les nouvelles recrues sont peu nombreuses et prennent du temps à être formées. Ils manquent de personnel de terrain, notamment pour les opérations de recensement, ils manquent aussi de personnel administratif. Et malgré le fait que leur combat est perdu d’avance, qu’ils ne pourront jamais boucler tout leurs dossiers, ils continuent à marcher de l’avant, car ils savent que personne ne le fera à leur place.

Elliot Manoury


Un demi-siècle de lutte pour l’écologie en Normandie

Le CREPAN regroupe depuis 1968 des particuliers et des associations qui luttent pour la protection de l’environnement en Normandie. Il compte aujourd’hui un millier d’adhérents.

Lorsque Claudine Joly prend la direction du CREPAN, en 2009, il n’y a que des bénévoles. C’est à ce moment-là que l’association commence à se professionnaliser. Elle compte aujourd’hui une dizaine de salariés. Avec son mari agriculteur, Claudine vit sur l’exploitation agricole. Vétérinaire et agricultrice, elle décide à 52 ans de passer une maîtrise de gestion environnementale pour parfaire ses connaissances en espaces agricoles et environnementales. « Je voulais m’engager collectivement pour l’écologie. » Le CREPAN, qui signifie Comité Régional d’Étude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature en Normandie, fait partie du mouvement national France Nature Environnement (FNE). « Sa mission est surtout d’informer les élus locaux et le public sur les enjeux de la biodiversité tout en participant au débat public », précise Claudine Joly.  « Ce qui divise les associations de protection de l’environnement, ce sont les questions des énergies renouvelables, et notamment l’énergie nucléaire et les parcs éoliens offshore. »

Au-delà des partis…

Le CREPAN a toujours travaillé avec la ville de Caen, quelle que soit sa couleur politique, et est régulièrement invité dans les instances officielles, comme le conseil local de la nature en ville. « On sollicite notre avis, même si notre influence reste limitée », tempère la présidente. L’association plaide pour plus d’espaces verts dans les aménagements de nouveaux logements en ville. Elle promeut la végétalisation des pieds de mur et à ce sujet, elle fait le point une fois par an avec le service espace vert de la ville.

Les relations sont plus compliquées avec le Conseil régional où les sujets de désaccord sont nombreux. Claudine Joly cite en exemple « le projet autoroutier de contournement est de Rouen, porté par la Région, contesté par les associations à cause de l’artificialisation des sols. D’autres sujets nous opposent comme le nucléaire ou le modèle d’agriculture productiviste défendus par la Région. » 

Néanmoins, le CREPAN ne se positionne pas politiquement et défend un rôle d’expert écologique, qui lui permet jusqu’à maintenant de pouvoir bénéficier de subventions publiques.

… une question de survie

Le CREPAN réunit beaucoup de jeunes retraités compétents. « Les jeunes engagés dans ces causes en font leur profession et partent du milieu associatif, constate Claudine Joly. Les plus jeunes ont aussi du mal à s’investir quand ils voient le peu de résultats obtenus sur le plan environnemental. »

Le CREPAN dénonce une « vision réductive véhiculé par les médias, qui traitent rarement des sujets sur le fond et décrédibilisent la parole écologique, en assimilant les écologistes à des utopistes ou des extrémistes ». Il y a pourtant urgence à agir, « car l’écologie n’est pas une question politique mais de survie ».

Augustin Darondel et Noa Touvet


Des postiers d’amour pour les seniors

Depuis 2020, l’association 1 Lettre 1 Sourire sort les seniors de leur isolement en leur envoyant des lettres manuscrites, écrites par des jeunes.

2020, le premier confinement est annoncé ; c’est le début d’un isolement forcé. Dix cousins, de 14 à 24 ans, étudiants ou scolarisés à Lille, Paris, La Haye, Lausanne ou Madrid, pensent aux seniors privés de visite dans les maisons de retraite. Leurs parents travaillent avec les aînés, aussi sont-ils sans doute plus sensibles que d’autres. « Il faut agir », se disent-ils. Mais comment apporter du réconfort et recréer du lien sans porter atteinte à leur santé ? C’est alors que naît le projet de l’association 1 Lettre 1 Sourire : devenir « postiers » pour envoyer des mots d’amour.

Le projet se fait d’abord au format numérique pour que toute personne volontaire puisse écrire une lettre à un aîné. Ces dernières ont pour but d’être imprimées dans les structures afin de faciliter la prise de contact avec les seniors sans risquer de les contaminer avec la pandémie. Quand les portes des Ehpad se sont à nouveau ouvertes, l’association a continué d’envoyer des lettres, manuscrites cette fois. Le projet s’est même élargi aux seniors isolés à leur domicile.
« La lettre est parfois plus commode pour créer du lien avec les aînés, explique Aymeric Corbé, représentant de l’association en Normandie.  Elle permet de transmettre des savoirs et apprendre à se connaître comme à l’époque. »

La lettre est un grand vecteur qui permet de créer des liens. Elle peut être écrite aussi bien par des jeunes qui viennent tout juste d’apprendre à écrire que par des personnes adultes. Nous avons beaucoup à apprendre des aînés : c’est pourquoi l’association propose des ateliers au sein des écoles et des résidences pour sensibiliser les jeunes et favoriser un lien intergénérationnel. « Il ne faut pas marginaliser les seniors comme si l’Ehpad était une fin de course. »

Des bénévoles dans toute la France

A l’origine, les dix cousins fondateurs ont mis leurs compétences au service de l’association. Certains sont ingénieurs, comédiens, commerciaux ou littéraires. Ils vont créer un site, faire de la com, animer des ateliers. Et surtout recruter beaucoup d’autres jeunes qui, comme eux, vont mettre leurs compétences à profit, devenant « ambassadeurs » bénévoles de l’association sur les territoires, auprès des établissements. 

L’association est aujourd’hui dépendante de subventions et d’appels à projets publics et de mécénats privés. Elle travaille avec de nombreux partenaires associatifs localement. Elle compte trois salariés au siège central à Paris et rayonne sur les territoires grâce aux bénévoles.  De nombreux jeunes sont intéressés pour faire des stages ou leur service civique. « Cette synergie fait la vie de l’association et permet son développement », poursuit Aymeric Corbé. Aujourd’hui 1600 établissements en France sont inscrits pour que leurs résidents reçoivent des lettres. « On reçoit du courrier en français, en anglais, en allemand, en espagnol et en néerlandais de plus de dix pays. »

Des postiers à vélo

Portant les valeurs de la simplicité et de la flexibilité, l’association réalise des ateliers au sein des résidences et parfois auprès des seniors à domicile. En 2023, grâce aux services civiques, un tour de France à vélo des structures seniors – essentiellement des Ehpad – a été organisé. L’initiative a beaucoup plu aux structures d’accueil et a essaimé. Ainsi en août 2024, l’idée d’un tour intergénérationnel, entre un parent et son fils a germé dans le Calvados. Le binôme proposait des activités et transmettait des courriers entre les résidences seniors.

Aglaë Poindessault et Bénédicte Osmont


NORMA fait bouger les musiques actuelles en Normandie

NORMA soutient la scène musicale actuelle en Normandie. L’association, basée à Hérouville-Saint-Clair, accompagne les artistes, fédère la filière et fait remonter les observations du terrain.

9h08. Il fait froid, le verglas a recouvert la chaussée suite aux importantes chutes de neige de la veille. J’ai failli chuter plusieurs fois d’ailleurs. Le bus me conduit vers le Pentacle, dans la zone d’activité Citis, où siège l’association NORMA. Pour Normandie Musiques Actuelles, anciennement connue sous le nom du FAR. Elle met tout en œuvre pour promouvoir la scène musicale régionale et permettre aux artistes normands de développer leur activité en ayant accès à studios d’enregistrement ou les labels indépendants régionaux.  

Arrivé devant le Pentacle. Une façade de verre et de tôles. Le soleil s’est levé mais il fait toujours aussi froid. Je suis accueilli par Aurélie Étienne, responsable de la communication, qui m’emmène directement vers son bureau, au premier étage. « Je vous montre le chemin, on peut parfois s’y perdre » me dit-elle. Elle m’explique qu’en effet, le Pentacle est le siège d’autres associations que NORMA, ce qui explique le nombre de portes.

Auréie se présente rapidement : responsable de la communication et des partenariats, elle faisait partie du FAR, la structure qui précédait NORMA. Elle m’explique ensuite l’histoire de l’association, « née de la fusion du FAR et du réseau RMAN, chargé de fédérer les acteurs des musiques actuelles en Normandie, au moment où les régions Haute-Normandie et Basse-Normandie ont-elles aussi fusionné en 2016. L’idée était d’avoir une seule structure référente pour les partenaires ». La dénomination « musiques actuelles » regroupe différents styles musicaux allant des musiques amplifiées (rock, métal) aux musiques traditionnelles en passant par le jazz.

Développer les musiques actuelles sur le territoire

NORMA vise à faciliter l’accès aux aides, l’accompagnement et la formation des artistes normands. L’association est subventionnée par l’Etat via la DRAC [ndlr : Direction régionale des affaires culturelles], ainsi que par la Région. Mais le lien est même plus ancien. « Avant NORMA, il existait des missions Musiques actuelles qui descendaient du ministère de la Culture. L’idée était la même : avoir des antennes, des référents au sein de chaque région. »

L’autre objectif de l’association est de développer les musiques actuelles en région. Pour cela, elle dépend du Centre National de la Musique. NORMA lance des appels à projets régionaux pour répondre aux besoins identifiés sur le territoire. Pour identifier ces problématiques, des réunions territoriales ont lieu deux fois par an dans chaque département avec les artistes et les acteurs de la musique.

Et la place des femmes ?

« L’idée c’est d’abord l’interconnaissance. On se rend compte que sur un même territoire, les différents acteurs ne se connaissent pas forcément ». L’association va ainsi écouter, prendre en compte les difficultés entendues lors de ces réunions et amener des solutions pour pallier à celles-ci. « C’est une méthode de concertation » me dit-elle. Comme le rappelle la responsable, il y a des difficultés communes : manque de formation, besoins matériels, besoins techniques… « C’est vraiment cette notion de travailler en réseau, aussi dans un objectif d’économies mais pas que. »

Il y a un vrai travail aussi sur la place des femmes dans les musiques actuelles. « Les chiffres sont parlants, les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes et même dans un groupe, on se rend compte qu’elles n’ont souvent pas la place de leader ». Pour illustrer son propos, je lui cite une actualité récente : le départ de la chanteuse du groupe L’Impératrice, Flore Benguigui, qui a dénoncé un environnement où elle se faisait « rabaisser et humilier » au sein du groupe, comme elle explique dans un article récent de Libération.

Mobilité et environnement

NORMA compte quatre groupes de travail : festivals, développement artistique, transmission-pratique-pédagogie et vie associative. Le but de ces groupes est de discuter, d’échanger sur des thématiques de travail communes afin de réaliser des états des lieux et des études. Études qui vont permettre de proposer par la suite des améliorations à l’administration et aux pouvoirs publics, ainsi que d’inspirer d’autres structures nationales à faire la même chose que ce que NORMA a fait.

Aurélie Etienne prend comme exemple la problématique de la mobilité et de l’environnement, notamment durant le cadre d’un festival : « Comment est-ce que les gens viennent ? Comment les inciter à prendre les transports en commun ? Est-ce qu’il y a suffisamment de trains venant de Paris ? Toutes ces questions sont posées ». Elle me précise aussi que c’est dans un effort commun, notamment pour les questions écologiques, que l’association « accompagne [les autres] à atteindre leurs objectifs ».

Aide aux artistes

NORMA porte un dispositif appelé START&GO aidant les artistes à bénéficier des aides, toujours dans cette volonté d’avoir une seule entrée. « L’idée, c’est que les artistes ne perdent pas de temps à aller à droite et à gauche » m’affirme Aurélie. L’association recueille ainsi tous les dossiers qui sont étudiés par des comités de sélection composés de professionnels régionaux et nationaux pour la neutralité. Après avoir évalué leur qualité et leur diversité musicale, les groupes sélectionnés pourront être retenus dans deux programmes : START, réservé aux artistes émergents, et GO, pour les projets en voie de professionnalisation.

Faire bouger les choses

Au travers de ces actions, je me rends compte qu’on ne peut connaître que la partie émergée de l’iceberg. NORMA n’est pas qu’une association qui vient en aide aux artistes, elle soutient en réalité toute une filière au niveau régional. Vient enfin la question de l’avenir pour l’association. Comment l’envisage-t-elle ? « On avance en fonction de trois enjeux : animer et coopérer, développer notre projet et observer ». L’association avance constamment, évolue en permanence avec les structures, les acteurs. « On est tout le temps en renouveau ; on veut faire bouger les choses, en lien avec les enjeux environnementaux et sociaux actuels. ».

Evan Lefortier

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Des jeunes concernés

Ils et elles se sont engagées dans la politique, pour la défense des droits, auprès des enfants, pour l’égalité des sexes ou pour trouver une place, une communauté. Ils et elles sont étudiant-es et racontent à la première personne ce cheminement vers l’engagement.

« Je me suis engagé avec mes idées et mon cœur »

Eloi Gatineau, jeune étudiant normand à Sciences Po Toulouse, âgé de 21 ans, raconte comment son engagement politique, né en 2022, est devenu une source d’enrichissement personnel et un moyen essentiel de contribuer au changement.

« Vivant entre Caen, Toulouse et Madrid, je me suis intéressé à la politique comme mode d’action pour porter la voix de celles et ceux qui n’en n’ont pas. J’ai toujours été sensible aux enjeux de société qui traversent notre époque. La politique a quelque chose de très personnel, dans la mesure où c’est d’abord ta vie et tes expériences qui conditionnent le chemin que tu prendras. Je me suis construit en tant que citoyen qui, voyant les choses changer, pensait à construire un futur meilleur pour la collectivité. 

Une révélation

Je me lançais dans l’inconnu. C’était autant un centre d’intérêt intellectuel qu’une curiosité personnelle. Je me suis engagé avec mes idées et mon cœur. Les rencontres que j’y ai faites étaient d’emblée une motivation supplémentaire. Je me suis rendu compte que la politique était surtout une aventure humaine. L’idée du combat politique m’a aussi stimulé, dans la mesure où c’est un engagement de tout temps :  les déceptions, les victoires, les doutes. En tant qu’étudiant, la politique me permet de mieux comprendre comment fonctionne notre système. 

« Je me suis intéressé à la politique comme mode d’action pour porter la voix de celles et ceux qui n’en n’ont pas »

Sans relâche

Je me suis engagé en tant que militant en 2022, à l’âge de 19 ans, auprès d’un candidat aux élections législatives dans le Calvados. J’ai ensuite rejoint son équipe parlementaire en tant que stagiaire, à trois reprises entre 2022 et 2024. Je milite par ailleurs dans un parti politique sur de nombreuses thématiques : travailleurs des plateformes, SNU, logement, droit aux vacances… En 2024, la dissolution de l’Assemblée nationale nous a contraints à repartir en campagne, j’ai assuré la direction adjointe de la campagne de ce parlementaire, candidat à sa réélection. Concrètement, je dirigeais la mobilisation militante, je participais à l’organisation d’événements, l’agenda du candidat, la coordination de l’équipe de campagne et des 500 personnes mobilisées, soit la direction logistique de campagne.

Vouloir toujours plus

Cet engagement peut être très chronophage et énergivore. J’ai « de la chance » d’être encore étudiant et de ne pas m’y dédier à 100%. Ce genre de métiers-passions mènent à un effort physique et mental élevé avec des journées à rallonge et une grosse charge émotionnelle. L’incertitude du lendemain et les espoirs qu’on y met transforme notre quotidien. S’engager en politique, c’est aussi être perfectionniste, vouloir toujours plus.

Un enrichissement personnel et professionnel

Étant en master de sciences politiques, c’est évidemment une entrée en matière privilégiée. J’ai pu y découvrir tout le monde institutionnel, en découvrant le Parlement, les collectivités territoriales et les institutions locales. Au-delà d’une riche culture politique, cet engagement permet d’étudier avec une vision critique la richesse des phénomènes qui s’y jouent. Le monde de la politique est tellement grand, c’est un apprentissage et une remise en question permanents.

L’importance de l’engagement

« L’engagement peut être un rempart contre l’isolement et le repli sur soi »

L’engagement peut être un rempart contre l’isolement et le repli sur soi. Il permet d’avoir confiance en ses capacités et de découvrir du monde. À l’université, il est fondamental car les enjeux sont nombreux : réussite académique, vie étudiante et associative, précarité, santé mentale, lutte contre les violences sexistes et sexuelles et contre les discriminations. Chacun peut s’engager à son échelle.

Et après ?

Mon engagement est diversifié et je compte le poursuivre après mes études. Je souhaite me diriger vers le conseil politique auprès d’élus. Il me permet de militer activement au sein d’un parti politique ou d’une organisation militante. Pouvoir allier connaissance scientifique, réflexion politique et action de terrain pour être utile au plus grand nombre serait bien sûr un accomplissement. C’est mon objectif en terminant ces études de sciences politiques. »

Propos recueillis par Candice Delente et Marion Mangeleer


« Le drag est un outil de protestation »

Drag Queer et co-fondatrice du collectif caennais « Misandrag », Carleuh Bloom parle de son rapport à l’engagement en tant que jeune drag.


Le drag est une forme de performance utilisant notamment le vêtement, le maquillage, la coiffure, et l’expression scénique afin de jouer un genre de façon volontairement exagérée.

Propos recueillis par Lea Cassandre Tir et Esther Perrot


Sulyvan aide les enfants à vivre ensemble

Sulyvan est étudiant en alternance au CRAF2S à Caen et travaille au centre d’animation de Bénouville géré par la Ligue de l’enseignement. Il se reconnait dans les valeurs de l’éducation populaire.

« Ma mission principale est la sensibilisation aux valeurs de l’éducation populaire auprès des enfants par la création de projets d’animation qui leurs plaisent. Le cœur de mon travail réside dans l’apprentissage du vivre ensemble aux jeunes enfants, notamment la gestion des conflits entre les enfants. Au début, je ne savais pas trop comment réagir mais avec l’expérience, j’ai appris à calmer les tensions. Quand deux enfants ne sont pas d’accord, je les assois et j’essaie de trouver la source du problème. Je commence par les faire discuter pour qu’ils se réconcilient et me disent leur version des faits. Souvent les conflits se règlent par le dialogue et nous ne donnons pas de punitions.

Une autre problématique rencontrée est celle du harcèlement, dont sont victimes les enfants les plus différents des autres. Bien que l’on n’y pense pas toujours, les parents aussi ont un impact sur le harcèlement. Pour éviter ces problèmes, les éducateurs essaient à contrario de faire valoir ce qu’il y a d’unique en chaque enfant et de les faire accepter auprès des autres. On leur apprend à ne pas avoir peur des enfants différents car c’est ce qui fait la richesse de chacun, et ce travail s’applique aussi aux parents de ceux qui harcèlent.

Le rapport aux parents

Les relations avec les parents peuvent être un peu différentes, il y a des parents qui demandent comment ça s’est passé et d’autres avec qui on ne parle pas. Mais ils sont généralement très bienveillants avec nous, je n’ai jamais eu de problèmes avec les parents car ils ont toujours été très à l’écoute dans la plupart des centres ou j’ai travaillé. Les parents sont plutôt contents d’avoir le centre à disposition, ils les y mettent soit pour des raisons professionnelles soit pour avoir une journée de repos où ils peuvent souffler.

Tout ce que l’association peut proposer [comme activités aux enfants] est régi par un projet pédagogique, qui répond aux objectifs du centre : développer l’art et la culture chez les enfants, une sensibilité écologique et le sens de la citoyenneté et du savoir vivre. Par exemple, sur l’aspect citoyen, j’ai mis en place un conseil des enfants, où chaque enfant à un rôle prédéterminé dans le centre, qui lui confère une responsabilité particulière. Il peut y avoir le ministre des LEGO, le ministre des ballons, ou le ministre des puzzles, etc. Chaque enfant peut donc gérer lui-même un domaine du centre et les rôles sont changés tous les mois pour que tous les enfants puissent être responsables du domaine qu’ils veulent.

Un engagement personnel

J’étais en licence de LEA mais ça ne me plaisait pas. J’ai quitté la fac pour passer mon BAFA et j’ai passé le reste de l’année à travailler dans l’animation.  Et j’ai vu que c’était un métier qui me plaisait vachement. Juste le fait de pouvoir inculquer des choses aux enfants, à la limite du professeur et du grand frère, je trouve ça cool. Les enfants que j’ai encadrés se souviennent de moi : ça me touche énormément et ça m’a convaincu d’en faire mon métier. C’est comme ça que j’en suis venu à entrer en formation pour obtenir le CPJEPS, formation diplômante pour devenir animateur professionnel.

Travailler avec la Ligue de l’enseignementet de l’éducation populaire m’a apporté plus d’expérience que dans la plupart des centres gérés par les municipalités. L’association demande plus d’investissements aux animateurs, qui doivent proposer au minimum deux ou trois animations par jour dans ces centres. Ils nous apportent aussi plus d’expérience car ce sont des centres plus petits. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé tout seul à devoir tout gérer et m’autonomiser. »

Propos recueillis par Augustin Darondel et Noa Touvet


Soutenir ceux qui se mobilisent

Bérénice Saiter est étudiante sage-femme, présidente de la FCBN, fédération d’associations étudiantes qui soutient l’Agoraé, dont Bérénice est aussi membre. L’Agoraé est l’épicerie solidaire étudiante de Caen.

« On a beaucoup d’étudiants et d’étudiantes qui se sentent isolés et c’est important pour eux d’avoir un lieu de rencontre. Quand je suis rentrée au sein de l’Agoraé, mon but était d’aider les étudiants mais aussi ceux qui tiennent cette association puisque c’est un projet lourd à porter au quotidien. Il y avait besoin de ressources humaines pour gérer l’épicerie, les accompagner sur les collectes ou encore faire le lien avec les fournisseurs. »

Propos recueillis par Evan Lefortier


« Engagez-vous ! »

Mathis Revellat est un étudiant engagé. Il étudie en deuxième année de Licence en Humanités Numériques, à Caen, et est syndicaliste chez Solidaire étudiant.es. Il nous reçoit au sein du local du syndicat pour nous parler de son engagement.

Propos recueillis par Laura Pépin, Ilona Romain et Doriane Samson


Être une personne sur laquelle on se repose

« Je m’appelle Noémie Alves, j’ai 21 ans, je suis étudiante à l’université de Caen, en L2 gestion. J’ai rejoint l’Association des étudiants en économie et gestion (ASEG) grâce à mon copain, qui en est aujourd’hui le président. Je suis vice-présidente, chargée de l’évènementiel. 

Un BDE est un bureau étudiant, une association qui vise à aider et assurer une bonne intégration aux étudiants de la promo, et en cas de besoin, les accompagner. Je rejoint sentais qu’avoir un rôle important m’apporterait de l’assurance et de la motivation pour aider les autres en retour. Être une personne sur laquelle on se repose. J’aurai aimé avoir un BDE quand j’étais étudiante. 

En tant que membre du BDE, je me sens plus importante et cela m’apporte une responsabilité en plus, c’est surtout un travail d’équipe. Cela m’apporte de nouveaux objectifs que je n’avais pas avant. Nous sommes présents aussi pour le bien-être des étudiants, et les accompagner, peu importe de quelle manière.

Mon rôle au sein de l’association est de trouver des projets, des concepts, des lieux propices, des idées novatrices. Il faut savoir se renouveler. Nous avons organisé des soirées pokers, on vise maintenant un projet autour du foot. Notre but est de proposer diverses activités pour toucher un large public, pour les étudiants fêtards ou au contraire plus calmes. Il faut essayer d’inclure tout le monde. 

« Le plaisir de donner son temps pour aider les autres »

Depuis ce début d’année, nous avons eu l’opportunité d’organiser une soirée pour relancer le BDE ; c’était l’occasion de se présenter et d’ouvrir une cagnotte. C’était la première fois que j’organisai un tel évènement, avec beaucoup d’étudiants. À la suite de cela, nous avons pu faire une soirée d’intégration, surtout à destination des L1, et une soirée poker dans un restaurant du centre-ville. Juste avant noël, j’ai travaillé sur un calendrier de l’avent virtuel sur Instagram, pour faire découvrir des traditions de Noël d’autres pays, des recettes de cuisine, des idées de films…

Pour les projets à venir, nous pensons à organiser une soirée au mois de janvier, pour la nouvelle année, avec une sortie en boite de nuit. Je suis aussi en ce moment sur la création de pulls ; suivi d’une soirée Saint-Valentin en février. On adorerait avoir une place sur le marché de Caen ! Il est parfois difficile d’organiser des évènements, comme la soirée d’Halloween qui n’a pas abouti. Nous n’avons pas toujours les mêmes emplois du temps sur les trois niveaux de licence, ou pas assez d’argent.  Mais le faut que nous nous connaissions tous avant d’entrer au BDE facilite les choses.
L’engagement étudiant est mieux valorisé qu’auparavant, c’est une chance d’avoir du tutorat. Il ne doit pas être une contrainte, mais un plaisir de donner son temps, pendant une année scolaire. On aimerait qu’il soit repris l’an prochain. Quant à moi j’aurais appris à écouter les besoins des autres. »

Propos recueillis par Margot Moulin


« J’ai trouvé une bande de potes dans l’association »

Raphael Marin, 19 ans, en 2eme année de licence d’économie à l’Ecole de Management de Caen s’est engagé dans la vie associative en organisant la « Ch’Empion cup », un tournoi de volley-ball inter-écoles.

« Je n’avais jamais voulu rejoindre une association, quelle qu’elle soit. Je voyais toujours ça comme une perte de temps, temps que je ne pouvais pas me permettre de gâcher quand j’étais lycéen. Mais quand j’ai rejoint les études supérieures, je savais que je voulais me lancer. Ça me donnerait un point d’accroche durant l’année, ça me permettrait de rencontrer de nouvelles personnes, tout en supportant un projet qui me plaisait.

J’ai rencontré Ch’EMpion cup en début d’année dernière, lors d’un rassemblement d’associations que mon école avait organisé. Je ne savais pas laquelle rejoindre, mais son concept très novateur m’a conquis. Le but de l’association est l’organisation, une fois par an, d’un tournoi inter-école sde volleyball. Je n’ai jamais fait de volley en club, mais le concept était intéressant et les membres trop motivés pour que je passe à côté. Je l’ai donc rejoint, et j’étais durant la première année membre du pôle partenariat. On se voyait avec les autres membres environ une fois par semaine sur instagram, pour discuter de nos avancées, et débattre des trucs à faire par la suite. L’ambiance était cool et on est tous rapidement devenu potes, mais on travaillait de manière sérieuse quand même, y avait un entre-deux très sympa. On a au final pu organiser notre évènement et même composer une équipe à l’arrache pour y participer.

J’ai donc décidé de renouveler mon engagement et cette fois-ci en tant que trésorier. Cette année, on voulait aussi fonder une équipe de l’école, lui donner des entraînements, etc : c’est ce qui fait vivre une école, c’est ce qui la fait connaître, c’est vraiment plus important que ce que l’on croit. On tenait aussi à ce que l’équipe soit mixte, avec un quota garçon-fille à respecter. L’ambiance dans l’association n’est pas la même que l’année dernière, il y a moins de cohésion qu’auparavant, mais le projet est toujours très plaisant. Le tournoi aura lieu au printemps 2025. L’équipe est formée. On a même remporté le concours organisé par l’école pour soutenir l’association ayant le projet le plus convaincant ! Cela nous a apporté un énorme coup de boost au moral et des moyens. L’an prochain, je ne sais pas si je continuerai : j’aimerais partir à l’étranger pour mes études. »

Propos recueillis par Elliot Maunoury

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