Céline, surveillante pénitentiaire
« Quand je suis arrivée chez les femmes, il a fallu que j’oublie tout de mon travail avec les hommes. L’approche est différente en tant que femme, en tant que maman. On a beaucoup plus de temps à discuter avec elles de leur mal-être et aussi de leur bonheur parfois de voir leurs enfants au parloir.
Le quartier femme se trouve à part du quartier hommes, il y a plusieurs grilles à passer ; c’est pour ça qu’on est souvent oubliées. Ici on gère tout, les arrivées, les placements, les petits bobos, les demandes particulières. On désamorce, on réconcilie, on trouve des solutions.
Les détenues sortent très peu du quartier femmes. Tout le monde vient ici, que ce soit pour les cours, les activités, les consultations. Certaines connaissent déjà la détention et savent gérer leur stress. Les arrivantes sont plus tristes, plus inquiètes. Physiologiquement, ça se voit tout de suite, car elles ne sont plus indisposées. Elles craignent d’être dans une cellule avec des personnes ultra dangereuses, comme dans une prison américaine.
Certaines détenues s’entendent très bien et deviennent des binômes de soutien, de solidarité. Mais il y a toujours un mais derrière. Il y a souvent de la jalousie entre elles.
Les gens à l’extérieur s’imaginent des prisons à l’américaine. Quand je leur dis que dans notre service, on n’a que nos bras pour se défendre, ils sont très étonnés.
Les gens ne s’imaginent pas que la prison, c’est ouvert à tout le monde. N’importe qui peut y arriver.
L’image du prisonnier est déformée, comme celle du surveillant. C’est un métier qu’on ne connait pas. »
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Christophe, surveillant pénitentiaire
« À la santé à Paris, on m’appelait surveillant. Quand je suis arrivé ici, on m’a appelé par mon prénom. Les anciens m’ont dit : « t’inquiètes, c’est bon, on les connait. Tu les croiseras dehors, tu les recroiseras dedans. »
À force de les voir partir et revenir, ça me donne la sensation que c’est un deuxième chez eux ici. Eux, ils ne disent pas je suis en prison, ils disent je suis à Duparge. Ça veut tout dire, ils se sont approprié le lieu.
Je suis psychologue, pompier, diplomate, médiateur. Si j’ai quelqu’un en face de moi qui est malade, que c’est sérieux, j’appelle l’infirmerie, je n’attends pas qu’il fasse un courrier. Je ne suis pas le Samu, mais presque. Je suis content quand j’ai accompli une mission, c’est le côté humain de mon métier.
Je les connais. Le matin, le grand dormeur qui veut toujours prendre sa douche en dernier, je lui dis qu’il ne peut pas être privilégié sur les autres. La vie c’est l’équilibre, l’égalité, ce n’est pas toi plus que l’autre.
Tout droit implique un devoir. C’est une forme de pédagogie.
Je ne suis pas religieux, mais j’aime bien cette maxime : « aide-toi et le ciel t’aidera ». Si tu ne fais pas le premier pas, tu ne pourras pas faire le deuxième. Il faut te dire : il faut que JE. »
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Jean, responsable d’atelier
« Je tourne avec une vingtaine d’ouvriers. À une époque, on allait recruter directement dans les cellules et on jaugeait les gars. Maintenant ça passe par une commission, ce sont des gens qui décident pour nous. Des fois, au bout d’une semaine on s’aperçoit que ça ne le fait pas. Parce qu’ils se sont inscrits pour pouvoir bénéficier de choses, pas parce qu’ils voulaient travailler.
Moi je veux savoir pourquoi ils sont là. Parce que je m’adapte à la personne que j’ai en face de moi. Donc, j’ai beaucoup de procédures criminelles et il y a un peu de tout, des violeurs, des criminels. C’est bien d’avoir un peu de tout sinon ça fait des groupes et ce n’est pas bon. C’est l’harmonie qui m’importe et si tout le monde va bien, on va bien dans le travail.
Toutes les classes sociales sont représentées. Des fois je ne comprends pas comment ce type a pu dérailler comme ça. Parce que j’ai une personne en face de moi qui est à l’opposé de ce qu’il a fait. L’humain est bizarre des fois.
Tous les matins quand ils arrivent, je leur sers la main, c’est le respect des gens.
Et on voit à la tête que ça ne va pas des fois. Je les laisse se confier, parce que le travail c’est important, mais il y a le côté humain aussi.
Moi je viens d’une cité, j’ai perdu mon papa à dix ans et ma maman a élevé seule ses neuf enfants et on s’en est tous sortis. Comme quoi, si on se met des coups de pied au cul, on s’en sort. Il ne faut pas remettre ça sur le dos des autres. C’est nous qui décidons. »
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