Semer des graines dans les fissures du bitume, aux pieds des murs donnant sur la rue: depuis 2018, à Caen, l’association Caen au pied du mur tente d’introduire un peu plus de nature dans la ville.
Au milieu du béton, fleurs et plantes poussent librement et embellissent la ville. «Multiplier les pieds de murs dans une ville permet d’en augmenter la biodiversité banale et de changer le regard que nous portons sur elle», explique Sylvain Girodon, président de l’association. L’entretien de ces espaces est facilité par la prise en main des 400 propriétaires qui font aujourd’hui partie de l’aventure. « Les plantes sont aussi plus facilement tolérées dans tous les stades de leur développement, y compris la période des graines et des plantes sèches, ajoute Sylvain Girodon. Cela favorise sensiblement la biodiversité végétale et par conséquent la biodiversité animale qui s’en nourrit.»
L’initiative a commencé à partir de 2014. Le comité régional d’étude pour la protectionet l’aménagement de la nature en Normandie (Crépan) se rapproche de la ville de Caen pour proposer des actions de renaturation en ville. Depuis 2013, Caen a banni l’utilisation des produits phytosanitaire dans l’espace public. En 2017, la loi Labbé viendra élargir cette interdiction à tout le pays. La démarche du Crépan aboutit à la création de l’association, dans un quartier résidentiel de Caen en pleine transformation, situé sur la rive droite de l’Orne.
Des discussions sont alors entamées avec la municipalité pour que le désherbage de l’espace public respecte les plantations des riverains. Un accord est trouvé et un cahier des charges technique est élaboré avec les services techniques de la ville pour «la végétalisation à titre précaire du domaine public routier communal». Chaque propriétaire pourra faire une demande afin que les services techniques de la mairie découpent une bande bitume de quelques centimètres de largeur et de profondeur dans le trottoir afin qu’il puisse l’ensemencer et s’engage ensuite à l’entretenir.
Pour ce faire, il faudra réunir plusieurs maisons. Dans un premier temps, c’est l’association qui est chargée de recueillir les demandes, d’instruire les dossiers puis de les transmettre à la mairie. Un petit logo est apposé au pied du mur, à l’aide d’un pochoir, afin que les agents municipaux ne désherbent pas les plantations ! Le logo devient un repère pour les passants.
Depuis 2024, à l’initiative de la municipalité, il est possible de faire directement une demande en ligne et à titre individuel. Le rôle de l’association s’en trouve amoindri et les demandes auprès de celle-ci ont connu une baisse importante, comme les adhésions à l’association.
Les pieds verts ont essaimé dans l’agglomération
Mais les «pieds verts» ont essaimé de l’autre coté du fleuve, au sud-ouest en partenariat avec l’association «Vent d’ouest», et au nord de la ville. Des associations de même nature se sont créées à Lion-sur-mer (Lion Environnement) et Bernières-sur-mer (Bernières au pied du mur) en 2019, à Ouistreham (GoElan), à Bénouville (Bénouville environnement) et Mondeville (Mondeville au pied du mur) en 2021, à Langrune-sur-mer (Land growan) et Bretteville-sur-Odon (InTERREactions) en 2022.
Petit à petit, l’association a choisi de favoriser la création de collectifs de voisins engagés dans le projet: avec des boucles Whatsapp, les citoyens se regroupent pour entretenir ensemble des pieds de murs. Ils organisent aussi des temps festifs autour de visites de jardin. «Ce nouvel espace des pieds de murs que nous avons créé présente l’intérêt d’être un espace ni tout à fait public, ni tout à fait privé », souligne Sylvain Girodon. «C’est en quelque sorte un commun que les riverains consentent à entretenir et à partager avec les passants et les autres habitants », peut-on lire sur le groupe Facebook de l’association.
Renaturer les pieds de mur: un projet d’écologie participative et conviviale, des actions simples et facilement réalisables, rendant concrète la prise en compte et la défense de la nature en ville, le respect de la biodiversité et la mise en valeur de notre environnement immédiat.
François Raulais
Contact : caenaupieddumur@gmail.com
Photos : Caen, au pied du mur