Depuis plus de 10 ans, le restaurant solidaire Soliself, à Lisieux, prépare des repas à bas prix pour les personnes avec peu de ressources. Une façon de créer du lien et de se nourrir à prix raisonnable.
Un repas à bas prix, lutter contre le gaspillage alimentaire et contre l’isolement. Telles étaient les trois volontés majeures de Jean-Michel Turba, ancien informaticien puis famille d’accueil, lorsqu’il a ouvert en 2014 son restaurant solidaire Soliself, à Lisieux. Et depuis plus d’une décennie, les trois piliers tiennent la route et la formule reste inchangée. Du mardi au vendredi, le midi, « le repas est à 5 euros pour les personnes qui ne gagnent pas plus que le SMIC », explique le fondateur de l’association. Cependant, des exceptions peuvent être accordées pour les personnes avec un revenu plus élevé, mais le repas est alors fixé à minimum 10 euros, « ce qui permet d’avoir des repas gratuits pour les gens vraiment dans la mouise ».
Un modèle économique stable puisque la cuisinière, seule salariée de l’association, est payée par les subventions et que les 5 euros des repas permettent de payer les charges et la location du local, dont la capacité atteint 40 couverts. Légumes, viandes, laitages, fruits… tout est récupéré à la banque alimentaire de Caen et les menus – entrée, plat, dessert – sont concoctés en fonction de ce qui est récolté. « On essaie de faire un voire deux plats », note le gérant, pour qui la lutte contre le gaspillage alimentaire était une facette incontournable du projet associatif.
Lutter contre l’isolement
« La troisième idée, la plus importante selon moi, c’est le lien social ». En plus du tarif solidaire, la lutte contre l’isolement tenait à cœur à l’ancien famille d’accueil, qui met « un point d’honneur à toujours être en salle, à discuter avec les gens seuls, à essayer de les faire discuter avec les autres, etc. ». À l’écouter, Jean-Michel a l’art du lien social dans les veines. À tel point que « c’est ce qui me fait avancer, c’est mon salaire, c’est ce qui me donne du courage et c’est pour ça que je continue », intime celui qui s’est lancé dans l’aventure Soliself dès qu’il a pu, quand ses enfants sont devenus autonomes, et cela sans moyen financier.
Alors que les complicités se nouent autour des tables, les partenariats se forgent également autour du restaurant. Tous les mercredis, 10 repas préparés ici sont distribués par l’institution Saint-Vincent de Paul aux personnes à la rue, des soirées publiques sont organisées tous les deux mois, le Secours Populaire et le Secours Catholique sont en contact régulier avec Soliself… « On travaille aussi avec toutes les écoles de Lisieux et les élèves pour leurs stages de découverte, ainsi qu’avec l’IME (Institut médico-éducatif, ndr) pour des stages, énumère Jean-Michel. On prend facilement le temps avec eux parce qu’on n’a pas la même urgence que dans les vrais restaurants ». D’autres encore effectuent leurs travaux d’intérêts généraux dans le restaurant. Dans tous les cas, les missions sont les mêmes : aider à préparer les entrées, couper les légumes, préparer la salle, etc. Un travail collectif qui ajoute de la joie et de la fierté à Jean-Michel, qui ne s’en cache d’ailleurs pas : « Ici, on donne beaucoup, mais on reçoit tout autant ».
Pierre-Yves Lerayer