En difficultés financières, ces étudiants forcés d'arrêter leurs études

Publié le 29 novembre 2022

Selon une note ministérielle sur les parcours et réussite en licence publiée en 2017, 31 % des étudiants renoncent dès la première année. Employée dans un cinéma à Cherbourg depuis février 2021, Lucie, 21 ans, est une ex-étudiante de l’université de Caen. Elle a abandonné ses études pour des raisons financières.

 « J’étais heureuse d’être à la fac, de trouver l’indépendance. » À cause de soucis de santé, Lucie (prénom d’emprunt) a décroché son bac en septembre 2019 au lieu de juin. Elle a raté l’inscription à Parcoursup et a dû frapper à la porte de la Mission locale. Ce n’est qu’à la rentrée suivante qu’elle a pu entrer à l’université. Avec l’ambition de faire de grandes études. Elle a vite déchanté. Car Lucie s’est rapidement heurtée à la réalité de la vie étudiante et des charges qui y incombent. Dès le début de sa licence, celles-ci se sont avérées trop élevées comparées à ses revenus. Lucie touche encore un reliquat de la garantie jeune (1) attribuée par la Mission locale : en conséquence, elle se voit refuser l’aide sociale de l’État. Ça bloque aussi avec la bourse du Crous (Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires, qui a pour mission d’améliorer les conditions de vie et d’études des étudiants) par manque de pièces justificatives : elle ne peut fournir l’avis d’imposition de ses parents, avec qui elle est en rupture.

«Je n’avais pas assez d’argent pour subvenir à mes propres besoins ».

Après plusieurs semaines à dormir sur le canapé de ses camarades, elle obtient finalement une chambre universitaire par le Crous. Elle pense être sortie d’affaire. Mais Lucie s’est vite rendu compte que ses problèmes n’étaient pas résolus. « J’étais soulagée d’avoir enfin un endroit où vivre, mais c’était le début de la fin. Je n’avais pas assez d’argent pour subvenir à mes propres besoins ». Comme se nourrir. « Un jour, une amie m’a achetée un plein de courses parce qu’elle savait que je ne mangeais pas à ma faim et je culpabilisais parce que je savais qu’elle n’en avait pas les moyens ».

Sans solution, elle se désinscrit de l’université

Pour survivre, Lucie a essayé de trouver des solutions : « J’ai cherché de l’aide avec la CAF, les assistantes sociales du Crous, j’ai sollicité les banques financières et alimentaires, je me suis tournée vers des associations. Aucun n’avait de solutions pour moi ». Après avoir rendu les clefs de son logement, Lucie doit se désinscrire de l’université « J’ai vécu ce moment comme un échec », confie-t-elle. Surtout, au moment où elle a dû prendre toutes ses affaires pour rentrer à Cherbourg, dans sa ville d’origine, « J’avais le moral au plus bas, mais quelque part, j’étais quand même soulagé de m’enlever cette pression ». Le sentiment de culpabilité est un point commun à tous ces étudiants qui abandonnent leurs études supérieures sous la pression. Lucie culpabilisait de devoir dépendre des autres. Elle a vu l’abandon comme la seule solution.

Aujourd’hui le manque d’aide et les difficultés administratives découragent et empêchent certains étudiants de vivre dignement. Lucie ne s’est pas découragée pour autant, et envisage de reprendre des études. Elle recherche actuellement un travail étudiant pour subvenir à ses besoins dans les années à venir et porte un message d’espoir : « Même si les choses ont été très compliquées pour moi, j’espère que l’année prochaine, si je suis acceptée en licence de droit, je pourrais y assister. Aidée de l’État ou non, je compte bien m’en sortir ».

(1) La garantie jeunes est un droit ouvert qui s’adresse aux jeunes de 16 à 26 ans, en situation de précarité qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude. Depuis le 1er mars 2022, le contrat d’engagement jeune (CEJ) remplace la garantie jeunes.

Théo Bourge, Abigaëlle Dusart, Alisée Harivel, Romane Lerit, étudiants en Licence 3 Humanités Numériques, Université de Caen

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