5 septembre 2019. Grégoire Fraty reçoit un texto du gouvernement. Il vient d’être tiré au sort pour participer à la première convention citoyenne pour le climat. Annoncée par Emmanuel Macron à la fin du « grand débat national », pour répondre à la colère des Gilets jaunes, cette convention doit permettre d’oxygéner une représentation démocratique grippée. Elle confie à 150 citoyens la tâche de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 ».
Marié et père d’une petite fille de un an, habitant Épron (Calvados), Grégoire Fraty, 31 ans, travaille dans l’insertion sociale et professionnelle. Sa sensibilité « écolo » se limite à faire le tri sélectif et consommer local. « Avec le public que j’accompagne, j’étais plus préoccupé par les fins de mois que par la fin du monde », concède-t-il. Pourtant, ce 5 septembre, il répond « oui » au texto, sans savoir dans quelle aventure il s’engage.
Pendant neuf mois, il a travaillé près de dix heures par semaine, participé à sept week-ends de travail à Paris, écouté des experts, monté des commissions, débattu avec ses pairs, organisé des rencontres sur son territoire. « On a fait le boulot des élus, explique-t-il. Conscients de la grande responsabilité et de la chance que nous avions d’œuvrer pour le bien commun, nous avons travaillé, dans le débat et le consensus, pour aboutir à des propositions ambitieuses, techniques et acceptables. »
En juin 2020, la commission a rendu ses 149 propositions. Le Président de la République s’est engagé à soutenir et à soumettre « sans filtre » 147 d’entre elles. Le travail de la convention est théoriquement terminé. Mais pour les « 150 », pas question de voir leurs propositions reprises par d’autres ou détournées. Ils ont créé l’association « Les 150 », une sorte de « vigie citoyenne » afin de suivre l’avancée des propositions remises à l’Etat. « Nous n’étions pas des experts en écologie, mais nous le sommes devenus, poursuit Grégoire Fraty. Avec la connaissance, nous avons acquis des convictions et nous voulons aujourd’hui les défendre, alors que se prépare la future loi sur le climat. » L’expérience a fait de Grégoire un « citoyen engagé » pour le climat, qui réfléchit aujourd’hui à poursuivre son action sous d’autres formes, associatives ou politiques.
PhotoKatrin Baumann©