Lois, décédé à l'âge de quatre mois, a-t-il été secoué ?

Publié le 16 septembre 2025

A Caen, une nourrice vient d’être condamnée à cinq ans de prison pour avoir été reconnue coupable de la mort de Loïs, il y a 12 ans, dans le Calvados. Le nourrisson de quatre mois aurait été secoué, ce que la nourrice a toujours nié. Les expertises médicales présentent-elles des limites ou des erreurs pouvant conduire à la méprise ? La question était au cœur du procès.

Pas d’aveux, ni de preuves irréfutables, mais des expertises médicales qui désignent principalement une coupable : la nourrice. Le 17 janvier 2012, face à des pleurs anormaux et une perte de tonus musculaire, la nourrice du petit Loïs, âgé de quatre mois, appelle les pompiers. Les urgences du CHU de Caen qui le reçoivent détectent un hématome au cerveau et une hémorragie rétinienne latérale, des symptômes qui peuvent être provoqués par le syndrome du « bébé secoué ». Loïs décède le lendemain.

Les parents et la nourrice sont placés en garde à vue. Mais l’enquête ne permet pas d’identifier l’auteur des possibles secousses ayant conduit à la mort du petit garçon. L’affaire est classée sans suite en 2013. Pourtant, la mère de Loïs veut comprendre ce qui a provoqué le drame. De nouvelles expertises sont menées, qui confirment les hématomes et l’hémorragie. Un collège de trois experts apporte un élément nouveau : d’après eux, ce n’est que chez la nourrice que le secouement du bébé a dû intervenir. Ce qui conduit la nourrice de l’enfant à être mise en examen en 2022. Et jugée par la Cour d’assises de Caen, du 13 au 16 septembre.

« Je ne lui ai pas fait de mal »

La nourrice a-t-elle perdu son sang-froid, ce 17 janvier 2012, alors que Loïs pleurait beaucoup ? Les expertises médicales exposées pendant le procès sont quasi unanimes : les blessures observées chez Loïs ont été provoquées par un tiers, lors de secousses ou d’un choc brutal. Mais quand ont-ils eu lieu ? Après son arrivée chez la nourrice ou avant ? Le fait que l’enfant ait pris sans problème un premier biberon à son arrivée, indiquerait que ce n’est qu’après qu’il aurait pu être maltraité.

Treize ans après les faits, la nourrice, aujourd’hui âgée de 54 ans, n’est pas toujours très claire dans l’exposition des souvenirs de cette journée. Mais tout au long du procès, comme depuis 2012, elle ne cesse de nier les faits qui lui sont reprochés « Je ne lui ai pas fait de mal », répétera-t-elle à plusieurs reprises. Les autres mamans qui lui avaient confié leur enfant expliquent « qu’elles ne l’ont jamais sentie dépassée ».

Controverses scientifiques

D’autres causes ont-elles pu être à l’origine du décès de l’enfant ? Les experts médicaux les ont explorées : une maladie infectieuse, des raisons génétiques… Mais les ont toutes finalement écartées. Depuis quelques années, des médecins et des chercheurs, notamment à l’étranger, remettent en cause les certitudes scientifiques jusque là établies à propos des causes de ces hématomes et hémorragies rétiniennes. Ces symptômes peuvent en effet être provoqués par des secouements du bébé, mais aussi par une infection. Et des parents ou des nourrices ont été pris dans des tourbillons judiciaires et parfois condamnés, à tort, pour la maltraitance de leur enfant (lire l’enquête de la revue XXI).

« Il n’y a aucune preuve de culpabilité, a lancé Clément Bossis, un des deux avocats de la prévenue. Est-ce qu’on condamne sur de la vraisemblance ? Les expertises médicales ne sont pas des preuves. » Et la science avance en reconnaissant que parfois, elle se trompe, a-t-il plaidé en pointant du doigt les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), qui ont guidé le corps médical dans leurs conclusions. Mais une maladie non identifiée et non recherchée a-t-elle pu provoquer ces lésions ?

Sa plaidoirie n’a pas convaincu les jurés qui ont finalement condamné l’ancienne nourrice à cinq ans de prison, dont deux ans fermes. Elle a 10 jours pour faire appel du jugement. En avril, un père du sud du Calvados a été condamné à cinq ans de prison avec sursis après avoir été reconnu coupable d’avoir provoqué la mort de son fils de trois mois. Il a lui aussi nié ces violences.