L’hôpital en crise de soignants

Publié le 8 juin 2022

Le 31 mai, Emmanuel Macron, en visite à l’hôpital de Cherbourg, a annoncé la création d’une «mission d’information d’un mois» sur l’état des services d’urgence. L’objectif est de trouver des réponses rapides face à la pénurie de médecins, d’infirmiers, d’aides-soignants ou de lits qui touchent au moins 120 hôpitaux en France, selon une liste établie par l’association Samu-Urgences de France.

Aucun territoire n’est épargné, avec au moins 60 départements touchés. L’hôpital de Cherbourg a déjà mis en place un système de filtrage aux urgences par le Samu (concrètement, il faut appeler le 15 pour pouvoir ou non accéder aux urgences).A Alençon, cet été, l’hôpital fermera des lits pour permettre à ses salariés de partir en congé.Il manque entre quarante et soixante soignants selon la direction et les syndicats, notamment des aides-soignantes, des infirmières et des sages-femmes.A Caen, Cherbourg,Saint-Lô, Aulnay-Bayeux, Avranches-Granville, Lisieux, Le Havre, on manque de personnel et des fermetures de services sont envisagées (voir la carte des urgences en difficultés publiée par Mediapart).

Soigner d’abord, et pas dans une logique comptable

Les syndicats des soignants avaient tiré la sonnette d’alarme bien avant la crise sanitaire liée au Covid-19: manque de personnel, fermeture de lits et de structures. Ilsréclament des investissements massifs, pour soigner d’abord et pas dans une logique comptable.«En dix ans, on a fermé une centaine de lits à l’hôpital psychiatrique de Caen, dénonce un membre du syndicat CGT de l’EPSM (Établissement public de santé mentale) de Caen.Pour diminuer la masse salariale, la réponse de l’administration a été d’anticiper une baisse de l’offre: «Vous êtes assez nombreux, c’est un problème d’organisation, nous disait-on. Il faut rationaliser».C’est ce que disait encore l’ancienministre de la santé, Olivier Véran, en mai dernier.«En réalité, on n’a jamais cessé de se réorganiser. Le problème n’est pas là: on fonctionne, même en temps normal, en service minimum.»

« Cet été, on ne fermera pas de services : les salariés prendront moins de vacances. »

Lesdeux années de crise sanitaire liée au Covid-19 n’ont fait qu’accentuer le problème: le système a été déstabilisé et les personnels ont été un peu abandonnés après avoir beaucoup travaillé. Nombre de soignant.e.s ont décidé de faire une pause ou de changer de métier. Et les recruter est de plus en plus compliqué, même en intérim.

«Cela fait dix ans qu’on réclame un statut moins précaire pour les contractuels,poursuit le syndicaliste.On nous répond que les jeunes aujourd’hui veulent pouvoir bouger. Nous avons un autre son de cloche: à force de cumuler des contrats de trois mois, ils vont voir ailleurs, pour avoir un contrat plus long. Alors que tous les établissements de santé peinent à recruter, c’est la loi du plus offrant.
La dégradation des conditions de travail a eu pour conséquence d’accélérer les départs: certains prennent des disponibilités, d’autres partent vers le privé. On n’a jamais retrouvé les effectifs d’avant le Covid. Aujourd’hui, il nous manque une quinzaine de médecins et une trentaine de soignants.L’administration nous rétorque que nous avons assez de soignants: c’est peut-être vrai dans une logique bureaucratique, mais ce n’est pas la réalité sur le terrain. »

Illustration Marine Duchet, mars 2020.

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