Lettre à un EHPAD : « Mourir de solitude, n’est pas un mythe, c’est une réalité. »

Publié le 8 janvier 2021

Décembre 2020. Perrine Lévêque adresse un courrier à la directrice de l’EHPAD où est hébergée sa grand-mère. Lors de la deuxième vague du Covid, les établissements ont autorisé à nouveau les visites. Pour la grand-mère de Perrine, ce sera dans le hall d’entrée, masqués, derrière un plexiglass, pendant une demi-heure. Mais la famille s’alerte : la grand-mère ne semble ni voir ni entendre ses proches. A-t-elle seulement conscience de leur présence ? Nous reproduisons ici quelques extraits de la lettre que Perrine a écrit à la directrice et à l’Agence Régionale de Santé.

« Ma grand-mère a 88 ans, elle ne parle plus, ne bouge plus et n’est certainement pas au courant qu’une pandémie touche notre planète mais ma grand-mère ressent des émotions, elle est vivante. Ainsi, elle ressent certainement l’absence de ses proches depuis bientôt un an sans comprendre pourquoi ils ne viennent plus la voir. Nous ne pouvons lui téléphoner, elle ne parle plus. Nous ne pouvons lui écrire, elle ne lit plus. Sans notre présence physique nous ne pouvons échanger avec elle.
En tant que « directrice », il est de votre droit de vouloir protéger vos salariés et vos résidents ; c’est tout à votre honneur. Permettez-moi de vous dire qu’en tant que petite fille d’une Mamie aimante, il est de mon devoir d’offrir une fin de vie digne à ma grand-mère. Je peux accepter que ma grand-mère meure de quelconque maladie, je n’accepterai jamais qu’elle meure de solitude. Mourir de solitude n’est pas un mythe, c’est une réalité.
Au-delà d’être une petite fille qui est en colère, je suis aussi étudiante en Master de Psychogérontologie. Les EHPAD, je les connais donc en tant que famille de résidente, en tant que remplaçante ASH, en tant qu’animatrice mais aussi en tant que psychologue. Si j’ai choisi cette voie c’est par passion. Cette passion j’espère que vous la partagez avec moi car pour diriger un EHPAD il faut connaitre et comprendre les différentes pathologies liées au vieillissement ; il faut connaitre l’humain. Ainsi, vous devriez savoir que le toucher est le premier sens avec lequel l’homme nait mais il est aussi le dernier à se détériorer. Le toucher est un sens vital. Chez une personne qui n’a plus accès à la parole, il est le seul moyen de communication.
Protéger la vie biologique à tout prix n’a pas de sens lorsqu’on observe les dégâts psychologiques qui en émanent chez les résidents et leurs familles. La majorité des personnes qui ont fait du grand âge leur combat s’accorde à dire que les décisions prisent en EHPAD aujourd’hui sont catastrophiques d’un point de vue éthique. »

Photo ©Virginie Meigné

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