L'écrivaine Sarah Barukh milite contre les violences conjugales depuis Deauville

Publié le 3 septembre 2024

Depuis la sortie de son livre « 125 et des milliers », en mars 2024, où elle dresse le portrait de femmes tuées par leur conjoint, Sarah Barukh développe d’autres projets pour aider les femmes à quitter leur relation amoureuse abusive.

L’écrivaine Sarah Barukh a subi des violences conjugales pendant dix ans. Pour se convaincre qu’elle n’était « pas folle » et mieux comprendre comment elle avait pu en arriver là, Sarah Barukh est donc allée chercher les réponses chez 125 autres femmes et a réalisé un livre.
« J’ai grandi dans l’amour, sans manquer de rien, j’ai fait dix ans d’études. J’avais toutes les cartes en main pour avoir une vie jolie. Donc, une victime de violences conjugales, ça ne pouvait pas être moi. » Dans son ouvrage, le portrait de ces 125 femmes a été dressé par leurs proches car celles-ci ne sont plus là pour raconter qui elles sont. Celles-ci n’ont pu échapper au caractère mortifère de leur relation amoureuse.
Pourquoi 125 témoignages ?Parce que « 125, c’est le nombre de féminicides en moyenne, par an, en France », explique l’écrivaine qui s’est employée à trois ans d’enquête pour raconter qui elles étaient, avant d’être tuées.

Du traumatisme au militantisme

« Je suis juive ashkénaze. Certains membres de ma famille ont été déportés, leur identité réduite à un numéro sur leur bras », raconte-t-elle au Hibouville, restaurant de Deauville, où la Parisienne a fini par emménager il y a deux ans. « Et si j’avais été le 22e féminicide de l’année en cours ? Si moi aussi, j’avais été réduite à un numéro ? Ma mère aurait pété les plombs. »
Après être sortie vivante de l’enfer, la quadragénaire a été guidée par une pulsion d’espoir contagieuse dans laquelle elle entraîne les autres femmes concernées. Concernées, comme elle le fut, par le « grignotage » de la violence qui ne s’annonce pas, qui s’immisce lentement, sûrement, sourde et insidieuse. Car « personne ne va au devant d’un mec qui se balade avec une hache dans la rue « , ironise Sarah Barukh. La violence progresse masquée, s’arme de l' »emprise » et de la « domination » jusqu’à ce que soit toléré l’inadmissible.

« J’ai quitté 700 fois le père de ma fille avant de partir une bonne fois pour toutes. »

« Enfuie-toi », l’avait sommée par texto sa psychiatre alors qu’elle encaissait la double peine pendant le confinement, avec son bébé.Il lui a fallu quitter « 700 fois » le père de sa fille avant de partir, une bonne fois pour toutes. Lui, traumatisé dans son enfance, avait une peur panique de l’abandon et la retenait physiquement, psychologiquement, par tous les moyens. Déçue en amour, souvent quittée, Sarah Barukh était flattée d’être devenue, soudain, indispensable à quelqu’un.Désormais séparée du père de sa fille, elle entretient des relations apaisées avec cet ex-conjoint malade, qui se soigne de son enfance traumatisée.

Podcast, parrainage, hébergement d’urgence…


Outre cet ouvrage collectif – qui rassemble les plumes de femmes d’affaires, d’actrices, de chanteuses, de femmes politiques… Comme Roselyne Bachelot, Olivia Ruiz, Marlène Schiappa, Alessandra Sublet, Julie Gayet ou Andrea Bescond -, Sarah Barukh a développé d’autres projets pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales.
Un podcast a été lancé pour « lutter contre les idées reçues sur la violence » et des collaborations sont à venir avec le secteur de l’entreprise puisque « 62 % des femmes sujettes à des violences conjugales sont salariées. On consacre les deux tiers de notre temps au travail, c’est du bon sens que d’investir le monde de l’entreprise, sinon on se passe d’une énorme possibilité de lutter contre ce fléau ».
Sarah Barukh développe un système de parrainage entre des femmes victimes et des marraines ou parrains inspirants, qu’elles puissent choisir. Enfin, une solution d’hébergement d’urgence est en phase de test dans le département du Val-d’Oise et pourrait être déployée à plus grande échelle par la suite.
Un sac a été créé en collaboration avec la marque Rive droite. Doté d’un faux fond dans lequel se trouve un QR code, les femmes y trouveront la liste de tout ce qu’il faut emmener, du doudou de l’enfant à sa propre carte d’identité. » Je voyais la nécessité d’outiller les proches pour qui c’est peut-être plus facile d’offrir un sac que d’aborder une conversation difficile.  »

Enfin, le livre « 125 et des milliers », édité en mars 2024, est sorti en même temps que le documentaire Vivante(s). Le film, signé Claire Lajeunie, montre le quotidien de l’écrivaine devenue militante contre les violences faites aux femmes. Car après le livre, Sarah Barukh s’est sentie « redevable » envers les familles.

Propos recueillis par Laura Bayoumi. Photo Lucie Mach.

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