Chercheur en physique nucléaire, Hugo décide à la fin de sa thèse de partir à l’étranger pour une année sabbatique en Guadeloupe. Il suit sa femme qui va travailler et entend profiter de ce temps disponible et choisi pour s’occuper de son premier enfant. « Enfin ça consistait surtout à aller à la plage, ce n’est pas là que je vais me mettre à pleurer ».
De retour à Caen, après un an « loin des radars », pas de poste à l’horizon. Peu importe. Hugo va réaliser un vieux projet qui lui tient à cœur : produire de la bière dans son garage tout en enseignant les maths quelques heures dans un lycée pour gagner sa vie. La cohabitation dure deux ans, mais Hugo voit plus grand. Chercheur, il veut comprendre « comment les choses sont faites » et approfondir.
Avec un ami architecte, Olivier, ils décident de monter une microbrasserie bio. Formés dans une brasserie en Mayenne et soutenus par la Nef, coopérative de finances solidaires, le projet prend forme en 2017. Ils trouvent un grand hangar rue Bicoquet, à Caen, pour brasser et vendre leurs productions sur place.
Brassée à la main dans d’anciens tanks à lait
« La Mouette » est née. Une bière citadine, 100 % artisanale et certifiée bio. Car pour Hugo, fils d’un agriculteur adhérent à la Confédération paysanne et d’une aide-soignante, le bio est une évidence, « un héritage à laisser à nos enfants ». Les fournisseurs sont locaux, la bière biologique et la vente en circuit-court. Dans sa brasserie, Hugo brasse les bières à la main dans d’anciens tanks à lait transformés. « C’est pratique quand t’as un problème, tu t’en prends à toi, tu sais d’où ça vient et tu peux réparer ! ». L’aventure lancée, Olivier a repris son métier d’architecte. Hugo envisage aujourd’hui de passer l’agrégation de math et peut-être reprendre un poste de prof.
Ras le bol de la brasserie ? « Jamais de la vie ! Oui c’est parfois difficile de ne pas en vivre décemment et ce poste de prof pourra m’aider à ça, mais pour rien au monde je n’arrêterai la brasserie, c’est ma priorité ! ». Et puis être prof, c’est la possibilité de susciter la curiosité chez les élèves et partager avec eux ce savoir immatériel acquis dans sa deuxième vie : la prise de conscience et la conviction que l’on peut agir pour changer les choses et préparer l’avenir.
Un portrait réalisé par Romuald Poretti. Retrouvez sa série sur celles et ceux qui ont changé radicalement de voie professionnelle dans notre grand reportage de février, « Bienheureux les reconvertis ! »
Illustration Isadora Chinoh