Harcèlement scolaire : des parents témoignent

Publié le 31 octobre 2022
Illustration Jue Jadis

Il y a six ans, Juliette, 15 ans, se jetait sous un train, victime de harcèlement scolaire, à Lisieux. Les auteurs, désormais majeurs, viennent d’être condamnés. Les parents souhaitent témoigner pour prévenir de tels drames.


Lundi 10 octobre 2022 avait lieu un procès très attendu pour la famille Lebas, dont la fille s’est suicidée il y a six ans. Juliette, âgée de 15 ans, a été victime de harcèlement scolaire suite à la divulgation de photos d’elle, nue, envoyées à son ex-petit ami quand elle était en 4e.Elle s’est jetée sous un train Deauville-Lisieux le 3 mars 2016. Si les cinq prévenus sont désormais majeurs, le procès s’est tenu à huis clos, devant le tribunal pour enfants de Caen car ils étaient mineurs au moment des faits.

Ils ont été condamnés à des peines allant de deux à quatre mois de sursis simple et à près de 30.000 € d’indemnisations de préjudices destinées aux parties civiles pour avoir partagé, commenté, regardé les photos intimes de la victime. «Avec tes photos, on ferait un site de cul», lui avait lancé un jour l’un de ses camarades. Autant d’insultes quotidiennes qui l’ont blessée, jusqu’à ce qu’elle commette l’irréparable.

Une relation complice avec ses parents

«La veille, on rigolait encore en faisant les magasins», confie la mère deJuliette en décrivant une relation complice basée sur la confiance et l’écoute avec sa fille. «On avait déjà parlé de harcèlement scolaire et je lui ai toujours dit qu’il fallait qu’elle me parle. Mais elle s’est sentie face à une montagne et n’a pas su nous demander d’aide alors que nous aurions été là pour elles», assure-t-elle.

Cette infirmière à l’hôpital de Lisieux travaillaitau blocquand sa fille est arrivée aux urgences… Depuis le drame, elle est intervenue une fois dans le lycée pour raconter l’histoire de Juliette, mais n’a pas pu réitérer l’exercice, trop bouleversée encore par la disparition de sa fille pour un «motif aussi futile». Aujourd’hui, elle veut pourtant témoigner, pour éviter lemême sort à d’autres.«J’aimerais dire aux victimes qu’elles ne doivent pas se sentir seules et à ceux qui partagent en masse les contenus, que ce n’est pas anodin

L’adolescente avait déjà fait une tentative de suicide en attendant un train sur les rails, quelques jours plus tôt. Elle avait été sauvée de justesse par ses amies, qui, suspicieuses, l’avaient discrètement suivie.L’une d’entre elles s’était confiée à son père qui avait prévenu le lycée. Mais les parents de Juliette n’avaient pas été prévenus.Depuis 2016, de sordides affaires similaires se sont multipliées.

Le harcèlement scolaire, un délit pénal

Depuis le 3 mars 2022, le harcèlement scolaire est désormais reconnu comme un délit pénal qui pourra être puni jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 € d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime harcelée. La nécessité de renforcer le dispositif législatif survient alors queprès d’un élève sur dix chaque année serait concerné par ce phénomène.

Le revenge porn ou vengeance pornographique consiste à se venger d’une personne en rendant publics des contenus pornographiques où figure cette dernière, sans son consentement. Cette pratique inclut aussi bien lesphotos et lesvidéos que les propos à caractère sexuel tenus à titre privé.

En 2020, l’Association e-Enfance a enregistré une hausse de 57 % des cyberviolences (cyberharcèlement, revenge porn, insultes…). Une enquête menée par la fondation des Apprentis d’Auteuil et OpinionWay, durant l’été 2022 auprès d’un millier d’élèves a entre autres révélé que plus de trois jeunes sur quatre a subi des violences au sein de l’école, et 29 % ne s’y sentent pas en sécurité ».

Alors que les violences progressent, la prévention est toujours jugée défaillante par la moitié des jeunes et les deux tiers des parents qui réclament plus de sensibilisation dans les établissements pour mieux recevoir la parole des victimes et mieux protéger les élèves.

Un numéro existe pour les victimes de violences scolaires : 3020 – numéro d’écoute Non au harcèlement, le 119 – Allô enfance en danger, ou le 3018. Pour établir la première communication avec ses proches ou vers ses plateformes, l’application Kolibri a aussi été créée et est destinée notamment aux enfants âgés de 9 à 17 ans.

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