Ce militant CGT et spécialiste de la santé au travail est engagé depuis longtemps contre les risques chimiques et la joue désormais collectif avec Lubrizol.
27 septembre 2019. Gérald a été informé pendant la nuit par des camarades de la catastrophe à Lubrizol (Rouen). Quand le jour se lève, il découvre le panache de fumée. Sur la route pour aller animer une formation, il allume France Bleu. «Les autorités disent : c’est pas dangereux on attend les résultats d’analyse.Je me suis dit : il y a un problème là…» Avec ses stagiaires, il débat des conséquences sanitaires de l’incendie. Un premier communiqué est rédigé et un appel unitaire lancé. Gérald Le Corre est un élément moteur de la mobilisation car il connaît bien le sujet. Il anime en effet un collectif syndical autour des pathologies à effets différés, liées à l’activité professionnelle au contact d’amiante ou de produits cancérogènes. «En 2019, ça fait dix ou quinze ans que je bosse sur ces questions là et j’ai l’impression de prêcher dans le désert.»
Le militant CGT sollicite alors très vite son réseau associatif, politique, scientifique… Il se réjouit de pouvoir partager son expertise à ses camarades, mais aussi aux habitants touchés, de tous horizons : «les ouvriers de la rive gauche autour de l’usine, les habitants huppés de la rive droite qui ont pris des débits amiantés dans leurs jardins».
Syndicalisme éclairé
Premières manifs au lycée contre la loi Devaquet (sélection à l’université) en 1986, engagement syndical idéologique dans un premier temps puis pratique ensuite à Alstom. Le jeune Gérald lutte d’abord sur le terrain et a l’opportunité de se former à l’université (droit, sociologie, histoire). Sans y croire, il décroche le concours de l’inspection du travail en 2001.
Il continue aujourd’hui d’éplucher des publications universitaires sur la santé au travail, «passionnantes et bien documentées». Des lectures précieuses pour lui, comme le fait de s’avoir s’entourer. «Nos pratiques militantes ont besoin d’être appuyées. Il faut travailler avec l’inspection du travail, des ingénieurs chimistes, des sociologues…»
Les positions tranchées de Gérald Le Corre sur les risques industriels ne plaisent pas au ministère du Travail, qui ne veut plus de lui dans certaines instances locales de dialogue social. «Que je sois dans la réunion ou pas ne change rien. Mais je me bats parce qu’il n’y a pas de raison que j’en sois exclu.» Ce militant aguerri a plus peur pour la relève, qui peut être découragée par ces batailles juridiques interminables.
Malgré l’âpreté des luttes, le carburant de Gérald c’est encore et toujours de pouvoir les mener à plusieurs : «Je ne souhaite pas être un martyr de quoique ce soit, je cherche à convaincre de rentrer dans un combat et de le partager». À ce titre il est fier de la large alliance forgée aujourd’hui au sein du collectif unitaire Lubrizol, dans la rue encore samedi dernier pour les dix-huit mois de la catastrophe.
photo: ©CGT Seine-Maritime