À l’occasion de La Toussaint, la sixième coopérative funéraire de France a ouvert ses portes à Ifs, près de Caen (Calvados). Constituée depuis lundi 18 octobre, elle prend place au rez-de-chaussée d’un immeuble rempli d’entreprises telles qu’une agence d’intérim, une assurance ou encore un bureau d’études.
Jeudi 28 octobre, tandis que François Esquerré et Gaëlle Desfontaines, fondateurs du projet, investissaient les lieux, emménageaient, floquaient leur vitrine, ils découvraient aussi, pour la première fois, l’un des modèles de cercueils en cellulose qu’ils vont commercialiser. La légèreté de ce semblant de carton associée à l’imitation bois a séduit les deux gérants.
L’accompagnement avant le commerce
Si la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) funéraire normande a les mêmes fonctions que les pompes funèbres conventionnelles, hors de question pour ses gérants de conserver les codes d’un commerce. Exit les plaques funéraires, les fausses fleurs pour créer un showroom. « Au moment de payer les frais d’obsèques, peu de personnes rechignent devant le devis. Endeuillées, vulnérables, elles renoncent à comparer et acceptent le prix fort. Ici, nous avons aménagé l’espace de sorte à ce que chacun se sente accueilli, puisse s’exprimer », expliquent-ils. La relation commerciale est troquée contre une relation d’accompagnement. « Trop de gens ignorent leurs droits, qu’ils peuvent bénéficier de dispositifs selon la situation familiale. » Un coup de pouce de 3000€ de la Caisse primaire d’assurances maladie (CPAM), 600€ de l’assurance vie, un autre de la Caisse d’assurance retraite et santé au travail (Carsat), ou encore de la commune, sont possibles.
Un marché juteux et des véreux
En moyenne, l’inhumation et la crémation coûte 4 500€. A la coopérative, cela coûte 3 500€. « C’est un modèle économique pensé pour rentrer dans nos frais. Nous payons nos salariés et nos charges mais en proposant des prestations moins chères. » Pour ce faire, la coopérative funéraire marge peu et n’a pas de stock. Les clients choisissent le cercueil grâce à un modèle en exposition et pour le reste, grâce à un configurateur. « Comme les cuisinistes ! » Au lieu d’épargner 55% des bénéfices, comme c’est souvent le cas chez les pompes funèbres classiques, la coopérative met en réserve 80 % de ses bénéfices.
« Ces mises en réserve servent d’investissement, puis on réduit 40 % des soins de conservation, ce qui représente 300 € de moins. Le remplacement du sang par du formol est très polluant et nous estimons qu’il n’est pas toujours nécessaire de proposer ces soins de conservation. 75 % des décès viennent d’établissement de santé, avec la prise de médicaments, les corps ne se décomposent pas. Moins cher, plus écolo ! », s’exclament-ils.
Et lorsque les soins de conservation sont de mise, la coopérative propose des soins non invasifs tels que l’argile, entièrement naturelle et dont le sac est vendu à 100 €. Les cercueils en cellulose coûtent 690 € et les prix de ceux en bois oscillent entre 290 € et 990 €. Après l’embauche de François Esquerré en tant que dirigeant d’entreprise funéraire et maître de cérémonie, la seconde personne embauchée est une conseillère funéraire, incollable sur les dispositifs d’aides sociales.
Coûts réduits, plus d’écologie
«Nous prévoyons d’embaucher jusqu’à sept personnes. Nous nous appuyons également sur un partenaire chargé de retrouver les compagnies d’assurances auxquelles le défunt aurait pu souscrire et voir si l’argent ne dort pas dans des comptes.» Estimé à 2,5 milliards d’euros par an, le marché de la mort s’avère juteux et les pratiques peuvent se révéler abusives. D’après François Esquerré, de 2014 à 2019, l’inflation, dans le secteur funéraire, a augmenté de 14 %. Et avec la génération Baby-boom qui approche de la fin de vie, les décès sont estimés à 1 % de plus, chaque année.
Importée du Canada, cette « alternative funéraire » est en plein essor. « Avec les autres coopératives funéraires de France, nous avons créé une fédération, cette année. On espère ainsi faire poids auprès du gouvernement pour proposer de réguler cette activité. » Avant de créer la coopérative, les fondateurs ont créé une association pour parler de la mort sans tabou. Des « cafés mortels » sont ainsi proposés pour échanger autour de la perte d’un enfant, par exemple. Durant ce week-end d’Halloween, une balade avec énigmes et autres mystères étaient organisés pour découvrir l’origine de cette fête païenne. D’autres animations sont prévues.