Directeur du petit conservatoire de danse de Mortagne-au-Perche, dans l’Orne, Bouchaïb Fathy, le gamin de Casablanca, a été danseur professionnel dans les plus grands opéras européens.
Bouchaïb Fathy, 61 ans, enseigne depuis trente ans la danse classique, le modern jazz et le hip-hop à des générations d’élèves, dans son petit conservatoire de danse à Mortagne-au-Perche. Il prend aussi la route de Bellême, Mamers, ou le Mêle-sur-Sarthe. Cette année encore, bien qu’il ait dû suspendre les cours à cause de la situation sanitaire, il préparera un spectacle de fin d’année avec ses élèves, « accessible à tous, mais beau ». De ses années d’apprentissage de la danse, il a retenu l’exigence technique. Aux débutants, il enseigne les fondamentaux de la danse classique. « La barre, l’échauffement, les variations. » « La danse est la plus grande école de la perfection » estime celui que tout le monde appelle par son nom, Fathy.
Rien ne prédisposait le jeune Fathy issu d’une famille modeste de Casablanca, à côtoyer un jour les grands noms de la danse. À la maison, il y a sept garçons et trois filles ; l’éducation paternelle est stricte. Son oncle a ouvert une école de danse. Fathy assiste aux cours. À l’école coranique, le gamin dyslexique se dévalorise sous le regard des adultes. Mais lorsqu’il passe les collants de danse, tout bascule. « Je n’étais plus le petit qu’on méprisait ». À onze ans, Fathy quitte l’école coranique et entre au Conservatoire de Rabat. En trois ans, au lieu de neuf, il sort diplômé. La danse est sa « revanche sur l’école ». Jeune diplômé, il quitte le Maroc pour la France.
Lors d’une audition en 1979, il est remarqué par Christian Comte, directeur artistique de la Compagnie de Ballet de Paris, qui l’engage. Il danse pour les Opéras de Bordeaux, Marseille ou Berlin, découvre l’Europe qu’il parcourt en tournée, entre ballets classiques et comédies musicales. Il rencontre de grands chorégraphes (Roland Petit), chefs d’orchestre (Herbert von Karajan) et danseurs (Patrick Dupont, Laurent Hilaire, Kader Belarbi, Mikhaïl Barychnikov). Un jour, le chorégraphe Maurice Béjart l’invite à Bruxelles pour l’auditionner. Mais Fathy ne s’y rend pas, ne mesurant pas l’enjeu de cette rencontre. Cela reste un de ses regrets.
Dans sa carrière, Fathy a joué près de 300 fois Le Lac des Cygnes. En 1988, en résidence à l’Opéra de Berlin, il rencontre à Cannes le chorégraphe Patrick Tridon, qui dirige la Compagnie Synadelphes, dans l’Orne. Un an plus tard, il prend les commandes de l’école de danse de Mortagne, qui compte à l’époque une quarantaine d’adhérents, contre 140 aujourd’hui.