Atteint d’une spondylarthrite ankylosante qui l’oblige aujourd’hui à marcher avec une canne, Anthony Boscher a décidé de remonter sur un ring de boxe une dernière fois en juin 2024, à 38 ans. De son combat contre la maladie, ce Normand en a fait un film, Spondyfight, qui sera présenté à l’Assemblée nationale le 5 mars 2025.
Pouvez-vous nous parler de votre maladie ?
Il y a 12 ans, j’ai été diagnostiqué d’une spondylarthrite ankylosante. C’est une maladie inflammatoire chronique qui touche essentiellement les articulations des vertèbres et l’articulation entre la colonne vertébrale et le bassin. Cette maladie auto-immune, d’évolution lente, peut être à l’origine de handicap. Elle est peu connue : 0,3% de la population française est concernée, soit 180 000 personnes. Les premiers diagnostics me prédisaient un fauteuil roulant très rapidement. Pourtant au départ de la maladie, je ne me sentais pas affecté, je vivais avec.
Le cap était franchi, j’ai pris ma carte d’handicapé.
Quand avez-vous ressenti un handicap ?
Au fur et à mesure des années, j’allais de plus en plus souvent chez le médecin ; j’ai eu d’autres complications, aux yeux, au coeur. C’est après le Covid qu’a eu lieu la bascule. J’avais testé tous les traitements, grillé toutes les cartouches : il n’existait plus aucun nouveau médicament à essayer. J’ai commencé à marcher avec une canne, d’abord chez moi, puis à l’extérieur, puis tous les jours. Le cap était franchi, j’ai pris ma carte d’handicapé. Je me suis dit : là, j’ai atteint un point de non-retour. Il faut que j’accepte ma maladie et que je fasse quelque chose pour sensibiliser les gens.
Et qu’avez-vous fait ?
J’avais fait de la boxe avant la maladie et je me suis lancé ce défi : remonter sur un ring de boxe une dernière fois. J’habite Beuzeville, dans l’Eure, où réside Lancelot de la Chapelle, un boxeur professionnel (champion de France des super-moyens en 2024). Je lui ai demandé de m’entrainer. Il a accepté et m’a proposé de participer à un combat amical lors d’un gala de boxe qu’il organisait le 24 juin 2023 au KindArena de Rouen. J’avais six mois pour me préparer. J’ai fait des études de cinéma à Caen et travaillé comme attaché de presse dans le cinéma à Paris. Je me suis dit : pourquoi ne pas en faire un film ? J’ai contacté un copain réalisateur, Florent Zelmire, et c’était parti.
On a monté une association, un financement participatif. J’ai frappé à la porte de tous les commerçants de la ville. J’ai reçu le soutien de la fondation Arthritis (qui finance des recherches sur les maladies articulaires). On avait un budget de 12 000 euros pour faire un film : six mois de tournage, quatre mois de montage.
C’est compliqué de parler du handicap. Moi, je ne lâche rien.
Parlez-nous du film…
« Spondyfight » est un film documentaire d’1h10. Mes six mois d’entrainement sont un fil rouge pour parler de la maladie avec des médecins, du sport qui est un moyen de se battre contre la maladie, avec des entraineurs et des sportifs, et du handicap. À la fin du film, on entend ma femme qui explique à ma fille pourquoi j’ai fait ce combat de boxe : « Tu ne crois pas que ça l’aide à avancer ? Il relève un défi et veut montrer à tout le monde qu’il est courageux. » Je souffrais chaque jour après l’entrainement, mais je serrais les dents. Je n’avais pas le choix. J’étais porté par tous ceux qui m’accompagnaient dans cette aventure humaine : les commerçants, les écoles, des malades qui m’écrivaient tous les jours. Ça a nourri ma force mentale. Le film parle aussi du dépassement de soi. D’ailleurs, pour la petite histoire, il est sorti en même temps que le film du youtuber Inoxtag.
Que devient le film ?
Il a été projeté en avant-première à Beuzeville en juin 2024. Il tourne dans les écoles et les collèges, dans des festivals et dans les cinémas d’art et essai : il sera projeté à la Ferté Macé et à Lille début 2025. Il sera bientôt disponible sur youtube. Le 5 mars, il sera également diffusé à l’Assemblée nationale pour interpeller nos élus sur le handicap. C’était aussi l’un de mes objectifs. On a beaucoup parlé du handicap avec les JO de Paris, mais le souffle est très vite retombé. C’est compliqué de sensibiliser les gens. Moi, je ne lâche rien.
Propos recueillis par Marylène Carre