Dans cinq villes normandes, l’association Advocacy propose aux personnes souffrant de pathologies mentales de se retrouver pour imaginer des projets ensemble et faire valoir leurs droits de citoyens.
« Le jour où ceux qui ont perdu l’habitude de parler seront entendus par ceux qui ont coutume de ne pas écouter, de grandes choses pourront arriver ». Voilà la devise de l’association Advocacy, dont la branche normande a été créée en octobre 1998, notamment par le créateur des Foyers de Cluny.
Cette structure médico-sociale recevait, accompagnait, hébergeait des adultes souffrant de diverses pathologies mentales. Mais la parole de ces adultes en souffrance n’était pas suffisamment entendue : certains droits fondamentaux n’étaient pas respectés comme la mise sous tutelle sans concertation, des discriminations professionnelles ou le non droit du choix de son médecin par exemple.
C’est à la suite de ce constat qu’Advocacy est née. Son objectif : redonner la parole aux usagers. L’advocacy, en anglais, est une pratique de médiation sociale qui introduit un tiers, afin d’amplifier la demande de l’usager, sans parler à sa place.
Lutter contre l’isolement et instaurer la convivialité
Advocacy Normandie compte 160 adhérents répartis dans le Calvados et la Manche. Sa vocation demeure de lutter contre la stigmatisation et l’isolement des usagers des dispositifs de la santé mentale. Utopie dans la tête des fondateurs et avant la formalisation dans la loi, cinq Espaces Conviviaux Citoyens sont ouverts à Granville, Lisieux, Vire, Caen et dernièrement Saint-Hilaire-du-Harcouet.
Dans ces espaces autogérés, les usagers, rassemblés sous la forme de Groupements d’aide mutuelle, organisent des activités d’expression artistique, des séjours de vacances, du jardinage, des sorties, etc. Ce ne sont pas des lieux occupationnels ou thérapeutiques mais des lieux où vivre ensemble des choses. Chaque année les Groupements d’entraide mutuelle élaborent en commun leur projet avec l’animateur affecté à cet endroit.
Chaque espace convivial citoyen entretient des relations avec son environnement. Celles ci sont dépendantes de leur localisation. À Caen, en plein centre ville, de nombreuses personnes en recherche de convivialité se sont rapprochées du local et ont l’habitude de passer pour rendre une visite aux adhérents, participer à une activité ou seulement prendre un café.
La ville de Louvigny met à disposition de l’association un grand terrain pour permettre aux adhérents de faire du jardinage ou de pouvoir les regrouper en plein air dans un cadre agréable. Deux fois par an sont organisés des moments festifs et fédérateurs, qui regroupent environ cent adhérents participants.
« Pour les adhérents, se sentir pleinement inclus dans la société est une exigence maintes fois exprimées, souligne Eve Vasselot Jouneau, déléguée régionale de l’association Advocacy Normandie. Ils ne souhaitent pas par exemple que soit apposé le logo de l’association sur le véhicule neuf places qui sert parfois aux déplacements. »
Se réapproprier sa citoyenneté et faire respecter ses droits d’usager
Les adhérents peuvent prendre part à la gouvernance de l’association. Des adhérents d’Advocacy sont élus au Conseil local de santé mentale et participent pleinement au projet territorial de santé mentale. La parole des usagers est reconnue comme une forme d’expertise par les instances décisionnaires, en matière de programmes de soin, de formation. « Aujourd’hui la parole des usagers ne peut plus être mise de coté, mais ils ne doivent pas être considérés comme la caution handicap dont on solliciterait le vote sans qu’ils soient pleinement au fait des domaines abordés », estime Eve Vasselot Jouneau. Advocacy propose ainsi des formations et des débats à ses adhérents.« La démocratie demande un travail qui se révèle souvent très riche, explique Vasselot Jouneau. Nous devons faire reconnaître la place de nos adhérents auprès des professionnels, des décideurs. »
C’est une particularité d’Advocacy Normandie d’avoir été moteur et précurseur dans la participation de l’association d’usagers au schéma régional de la planification des besoins des personnes handicapées et pour l’initiative de la création d’un réseau de santé.
Cette implication permettra-t-elle de mieux répondre aux besoins de ces personnes ? L’offre de soins reste très inégale en France, malgré les 13 millions de Français qui seraient concernés. En 2025, la santé mentale sera une grande cause nationale. Les associations d’usagers comme Advocacy resteront en première ligne du combat pour la reconnaissance des droits des personnes qui ont connu ou connaissent encore des souffrances psychiques.
François Raulais