Le 22 novembre, le tribunal administratif de Caen a ordonné à 11 communes de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie, autour de Deauville, d’effacer les données personnelles acquises à partir de leurs caméras de vidéosurveillance. En cause, l’utilisation depuis 2015 du logiciel d’analyses «Vidéo Synopsis» développé par la société israélienne BriefCam, aujourd’hui filiale de Canon et spécialisée dans la vidéosurveillance algorithmique.
Grâce à l’intelligence artificielle, cette technologie permet d’analyser en quelques secondes des images captées par des caméras ou des drones et de détecter des situations jugées « anormales ».
La reconnaissance faciale interdite en France
Sauf que l’utilisation de ce logiciel, qui permet l’emploi de la reconnaissance faciale, n’a jamais été autorisée en France. Jusqu’en mai dernier, la vidéosurveillance algorithmique ne pouvait être utilisée par la police nationale que dans de très rares cas. Mais à l’approche des Jeux olympiques de Paris, le gouvernement est parvenu à faire adopter une loi au parlement qui autorise son expérimentation par la police nationale à une large échelle et ce, jusqu’au 31 mars 2025. Face aux risques d’atteinte à la vie privée, les député·es ont néanmoins interdit le recours à la reconnaissance faciale, qui permet d’identifier une personne sur des images à partir des traits du visage. Un outil ultra-intrusif que le logiciel commercialisé par Briefcam permet d’activer en quelques clics.
Le 14 novembre, le média d’investigation Disclose révèle que de nombreux services de police et de gendarmerie en France utilisent depuis 2015 le procédé BriefCam. Illégalement puisque la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’en a jamais été informée par le ministère de l’Intérieur. L’enquête confirme qu’une centaine de villes ont équipé leur police municipale avec l’application BriefCam. Comme Nice, Vannes, Aulnay-sous-Bois, Perpignan, Roubaix… et la communauté de communes Cœur Côte Fleurie.
Qui peut utiliser ces images?
Saisi en référé par un collectif d’associations (Ligue des droits de l’homme, le syndicat Solidaires, le syndicat de la magistrature, l’association de défense des libertés constitutionnelles et le syndicat des avocats de France), le tribunal administratif de Caen a ordonné à la collectivité Cœur Côte Fleurie d’effacer dans un délai de cinq jours toutes les données personnelles.
Le maire de Deauville et président de la communauté de communes, Philippe Augier, cité par France 3 Normandie, s’est justifié : « Nous avons installé tout ça en accord avec l’État. Moi, dans ma mairie, aucun élu n’a accès à ces images. Elles ne sont visionnées que sur réquisition et seulement par les forces de l’ordre. C’est un outil qui nous aide beaucoup. » Et de fustiger une telle décision alors que « ces caméras permettent d’arrêter des délinquants, des agresseurs, et surtout elles protègent nos citoyens. »
Un collectif d’habitants des communes de Ouistreham, Colleville-Montgomery et Saint-Aubin-d’Arquenay, dans le Calvados, s’inquiète pourtant de l’utilisation de la vidéosurveillance par les élus. Dans une pétition publiée sur change.org, ils s’interrogent sur la possibilité, pour le maire de Ouistreham, d’accéder au Centre de Supervision Urbain, qui centralise les images de vidéosurveillance au sein de la police municipale. D’autant que le maire en question, Romain Bail, a déjà eu affaire avec la justice…
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