Jeanne Cherhal, chanteuse, autrice-compositrice et pianiste, nous parle de sa musique à travers laquelle se reflète sa liberté d’expression.
Qu’est-ce que vous voulez partager à travers votre musique ?
C’est avant tout des choses qui m’importent personnellement, je n’ai pas l‘impression d’avoir besoin d’aborder tel ou tel sujet, je n’ai pas envie de cocher des cases. J’ai toujours trouvé que c’était important et intéressant de parler de ce que c’est d’être une femme, ça m’a toujours importée et ça m’a toujours inspirée je pense, de mettre mon regard singulier de femme sur le monde. J’aime bien partir de de mon vécu pour donner ma toute petite lumière personnelle sur les choses qui m’entourent, et écrire.
Ce que j’aime dans les artistes que j’écoute et qui me touche, c’est quand ils partent vraiment de leur intimité. En général, je n’aime pas trop avoir l’impression qu’on me donne une leçon. Quand j’écoute une chanson ou même quand je vois un film, c’est un peu agaçant. Je préfère vraiment qu’un artiste parte de son point de vue, sans être impudique.
Vous avez écrit une chanson qui parle des règles. Elle s’appelle: «Douze fois par an.»
C’est une chanson qui a 20 ans aujourd’hui, et c’est vrai que c’est un sujet dont on commence à beaucoup parler. Quand j’ai écrit cette chanson, «Douze fois par an», je partais d’un évènement très intime et en même temps très universel. C’était ma manière de parler, de vivre cette chose que sont les règles pour une femme pendant une bonne partie de sa vie et quelque chose dont on parlait encore, en tout cas il y a 20 ans, avec presque du dégoût, des tabous.
J’avais eu envie que mon disque s’appelle «Douze fois par an». Je trouvais que c’était un titre qui sonnait bien. Il y avait douze chansons mais ma maison de disque trouvait ça étrange de mettre ça en avant. J’avais trouvé qu’il le fallait au contraire, c’était dommage d’en faire un sujet interdit.
Une chanson ne change pas les choses ni le monde, mais peut-être qu’elle pointe une idée. Elle met en lumière un évènement, une histoire, quelque chose qu’on aimerait changer.
Y’a t-il des choses qu’on ne peut pas dire sur scène, posez-vous des limites à votre liberté d’expression ?
Franchement, non, je ne crois pas. Cela m’est même arrivé d’aborder des sujets que je trouvais délicats. J’ai toujours considéré que je n’‘avais aucun tabou dans mes chansons, même des choses qui peuvent paraître très personnelles. Les mettre en chanson, c’est comme si ça mettait une certaine distance. Je pense que le tabou, je le mets plutôt dans la forme plus que sur le fond. J’ai l’impression de me permettre de tout aborder. C’est un grand mot, mais le fait d’utiliser des formes un peu poétiques dans les chansons, dans les textes, contourne la crudité de la vie.
Vous-êtes vous déjà produite dans un pays où les droits de la femme sont restreints ?
J’ai chanté en Iran, il y a quelques années, c’était un véritable périple juste pour avoir les visas, une galère sans nom. En Iran, une femme ne peut pas chanter seule sur scène, il faut qu’elle soit couverte par une voix d’homme et tout le défi de ce concert était de faire en sorte qu’il y ait des interprètes féminines qui chantent en solo. Nous sommes parvenus à mener ce concert.J’ai pris une grosse claque pendant ce projet-là.
«Cela saoule de voir des représentations par genre, mais ça bouge et je trouve ça super enthousiasmant.»
Je me suis rendu compte que je jouissais d’une liberté totale dans mon pays, je chante ce que je veux, je m’habille comme je veux. Si je veux mettre une mini jupe, je la mets, je ne me pose même pas la question. Et c’est loin d’être le cas dans tous les pays du monde.
Méva Lazaharivony , Océane Louveau-Ruis , Julie Tatin , Diego Lebacle , Domitille Bévillard