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Soumaya, la fibre sociale

Depuis plus d’un an, Soumaya Nfaoui, 23 ans, est conseillère numérique, à la Scène Nationale 61 à Alençon. Tous les jours, elle aide les personnes qui la sollicitent à prendre en main et à utiliser les outils numériques pour communiquer avec leurs proches ou réaliser leurs démarches en ligne.

Un jour, une dame âgée est venue voir Soumaya Nfaoui pour lui demander comment appeler son petit-fils à partir de son téléphone avec caméra. Soumaya lui a montré comment l’appeler en «FaceTime». Et à partir de ce jour, la personne est revenue toutes les semaines avec un nouveau problème ou juste pour parler. Parfois, glisse la jeune femme, «les personnes inventent un problème pour pouvoir venir».

En effet, le passage de la conseillère numérique dans le village est devenu pour certaines personnes âgées isolées un moyen d’échanger, de raconter sa vie parfois, de rompre l’isolement toujours. Soumaya ajoute «qu’il ne faut pas juger», mais écouter de façon bienveillante les problèmes des gens, parfois liés au numérique, parfois un peu éloignés. Elle reconnaît que son quotidien va bien au-delà des missions qui lui sont confiées et relèvent parfois de l’écoute psychologique. Elle a accompagné des personnes éloignées de leur famille pour renouer avec leurs proches grâce à l’achat d’une tablette ou d’un smartphone. Elle a ainsi recréé du lien familial avec ces échanges redevenus possibles. Beaucoup lui ont dit que cela avait «changé leur vie».

Parfois aussi, Soumaya aide les personnes à s’informer de ce qu’il se passe autour d’eux, dans leur commune, leur village, les offres culturelles à proximité. Cela les amène à sortir davantage, à être moins seuls, moins exclus, notamment ceux qui vivent en zone rurale. Certains ont aussi découvert grâce à elle des activités à faire en ligne: jeux de société, mais aussi communauté d’échanges, groupes de discussions, réseaux sociaux, autant d’outils pour rompre l’isolement et recréer du lien social, qu’il soit virtuel ou réel.

Un métier méconnu, mais utile

Le travail de Soumaya ne se cantonne pas à Alençon: elle se déplace dans différentes villes de l’Orne: Flers, Rémalard, Lonrai et Essay. Elle assure des permanences mais on peut aussi prendre rendez-vous avec elle, seul ou en groupe. Il lui arrive aussi d’animer des ateliers avec des objectifs précis. Elle aide gratuitement les gens qui viennent la voir à utiliser des téléphones, des ordinateurs, des tablettes. Ce sont principalement des personnes âgées qui ne savent pas utiliser le numérique. Elle leur apprend par exemple à envoyer des mails, naviguer sur Internet, à installer des applications sur leurs smartphones, à partager des contenus numériques…

A la fin des rencontres, elle laisse souvent des «tutos papier» (modes d’emploi) aux gens qu’elle aide pour qu’ils puissent se débrouiller ensuite de façon autonome. « Quand je rentre chez moi le soir, je me dis que c’était très enrichissant » explique Soumaya, qui rappelle qu’il y a 13 millions de Français qui ne savent pas utiliser le numérique. Ce service rendu par une structure privée coûte environ 30 euros de l’heure, donc il est inaccessible pour beaucoup de personnes. Il peut s’adresser aussi à des associations ou des entreprises, mais 90 pour cent de ses usagers sont des individuels.

Des tiers-lieux de vie

Ce «nouveau» métier dépend du dispositif France Services et il peut être implanté dans des mairies, des centres sociaux, des lieux publics divers. Soumaya, elle, est basée à la Scène nationale où elle côtoie 18 autres salariés. Son activité s’insère dans le tiers-lieu ouvert sur ce site il y a plus d’un an. Le hall du théâtre est ainsi devenu un espace où chacun peut venir se reposer, travailler, boire un café, lire au calme. Les usagers sont surtout des étudiants, des retraités, des gens qui attendent leur train. C’est aussi un espace de co-working pour des gens qui ont besoin d’avoir un lieu pour se réunir et échanger.

Un tiers-lieu est un espace physique et ouvert pour faire ensemble, où des individus peuvent se réunir pour travailler, s'approprier des savoirs et des compétences, se rencontrer ou simplement échanger de façon informelle. (Source Wikipédia)

Et demain?

Ancienne élève du collège Louise Michel à Perseigne à Alençon, Soumaya Nfaoui a commencé des études de biologie avec une licence à l’Université du Mans. Mais l’aspect trop «médical» de cette formation ne lui plaisait plus trop. L’aspect social qu’elle avait exploré à travers le bac ST2S (Sciences et technologie de la santé et du social) lui manquait. « Je me suis réorientée vers le lien social » raconte Soumaya. Elle a obtenu un BUT Carrière Sociales à Damigny et juste après, elle est tombée sur cette annonce basée à Alençon et elle a été retenue de suite. Elle est actuellement en contrat à durée déterminée jusqu’en juillet 2023. Son salaire oscille entre 1200 et 1500 euros.

Et après? Elle souhaiterait poursuivre dans ce secteur de métier; les services aux personnes, les relations humaines, peut-être dans un autre contexte. Elle a toute la vie devant elle et encore beaucoup à offrir.

Perseigne (Alençon) – Collège Louise Michel

Les résidences

De quelques jours à plusieurs semaines, les journalistes et photographes de Grand-Format s’immergent dans un établissement scolaire, une médiathèque, une ville... pour y mener des ateliers d’éducation aux médias et un travail journalistique. Avec des jeunes et des moins jeunes, nous construisons ensemble ces éditions spéciales de Grand-Format issues de ces résidences.