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Réagir face à un acte raciste : pas toujours facile

Face à un acte raciste, quelle réaction pouvons-nous adopter ? Témoignage et interview sur ces façons de réagir, pas toujours à la hauteur du problème.

« Il y avait beaucoup de monde dans la rue et personne n’a réagi. »

Lors d’une sortie à Caen, l’ami de Cynthia reçoit des insultes racistes.

« Lors d’une sortie à Caen avec mon copain de l’époque, un homme à vélo, que nous ne connaissions pas, me bouscule puis m’insulte de «grosse pute» et de «grosse salope». A ce moment-là, mon compagnon et moi ne comprenions pas la situation. Je pensais que l’individu s’adressait à quelqu’un d’autre puisqu’il y avait beaucoup de monde dans la rue, mais il nous a regardés avec insistance. Mon copain, contrarié mais très calme, décide d’aller le voir pour lui demander des explications suite à ce qui venait de se passer. Je n’étais pas rassurée car nous ne connaissions pas cet homme et ne savions pas de quoi il était capable.

Après plusieurs minutes, j’ai décidé de les rejoindre. L’agresseur s’énervait de plus en plus car mon petit ami, d’origine camerounaise, me défendait. L’inconnu l’insulte avec des propos racistes : «espèce de négro», «sale noir»… sans aucune raison valable. Je les rejoins, et l’homme nous menace de «ramener sa bande » pour retrouver notre domicile et nous tuer. Avec mon compagnon, nous avons décidé de partir car l’ambiance devenait très angoissante et violente. Il nous a suivis avec deux autres personnes pendant plusieurs minutes, le but étant de nous faire peur.

Ce qui m’a le plus choquée, c’est qu’il y avait beaucoup de monde dans la rue et personne n’a réagi, personne ne nous a aidés ou défendus. Suite à cet événement, j’ai eu très peur que cet homme nous retrouve et qu’il nous fasse du mal. J’étais très stressée et angoissée, je n’osais pas sortir dans la rue pendant plusieurs jours. »

« On ne voyait pas forcément le mal. »

M.Suteau est professeur. Il a été témoin d’insultes racistes lors de matchs de foot.

Avez-vous un exemple d’un acte raciste dont vous auriez été témoin ?

Oui, moi j’ai beaucoup côtoyé le milieu sportif et les stades de foot notamment. C’était de manière hebdomadaire, tous les week-ends on pouvait entendre des insultes racistes dans les tribunes et sur le bord des terrains. Dans les années 90-2000, le match continuait, personne ne s’arrêtait, ça ne choquait pas plus que ça.

Pourquoi pensez-vous que ces actes ont eu lieu ?

Je pense que ça avait lieu car les gens ne se rendaient pas compte de la portée des propos qu’ils avaient. Dans les actes de discriminations il y a toujours une majorité contre une minorité. C’était tellement facile de dire “sale arabe” ou “blackos”, ou des choses comme ça sur un terrain de foot !

Quelles ont été vos réactions, vos émotions face à ces discriminations ?

Bizarrement, on avait peu de réactions car c’était dans l’air du temps et les médias en parlaient peu. On ne voyait pas forcément le mal. C’était une époque où l’on se moquait de tout et n’importe quoi. Dans les milieux du sport, on avait l’impression que les gens se chambraient, c’étaient des moqueries, des choses comme : “Dans ton pays on est super fort au foot”, envers quelqu’un de noir.

Est-ce que les gens qui ont subi ces discriminations-là se sont défendus ?

A ma connaissance, non, c’était une sorte de condescendance, je pense qu’ils étaient blessés mais ils ne le disaient pas car ils étaient vraiment en minorité et ils n’avaient pas la force de se plaindre. Et comme je l’ai dit, c’était tellement peu médiatisé et peu dans l’air du temps, ils se disaient “Bah oui, c’est peut-être que des plaisanteries”. Et pour certains, cela devait être des plaisanteries mais de mauvais goût !

Selon vous, quelles sont les sanctions adaptées envers les actes de racisme ?

Déjà, il y a eu une belle évolution, au-delà des sanctions, en terme d’éducation, une éducation empathique ; voir qu’on peut faire de la peine à quelqu’un malgré soi et voir que toutes les blagues ne sont pas bonnes à faire en fonction des contextes. Pour les sanctions, si c’est avéré que les personnes sont conscientes du mal qu’elles font, oui, il faut sanctionner.

Si ces actes avaient lieu maintenant, en 2024, comment réagiriez-vous ?

Moi j’interviendrais directement pour dire “Stop c’est débile et méchant”. Quand on fait partie d’une équipe, si c’est en sport collectif même envers l’équipe adverse, ce n’est pas acceptable. Ça a tellement de portée historique. Il faut stopper tout ça : il n’y a plus la place pour cette méchanceté gratuite.

Ce que dit la loi

Pour rappel, les propos injurieux, les comportements abusifs et la violence sont interdits et sanctionnés par la loi.
Selon le gouvernement, s’il y a injure envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur religion, les agresseurs peuvent encourir une peine de six mois de prison et une amende pouvant aller de  750 à 22 500 euros. 
S’il y a violence ou apologie des crimes contre l’Humanité envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur religion, les agresseurs peuvent encourir une peine de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Pour plus d’informations, le site “Egalité contre racisme” contient la rubrique “Je veux alerter” qui peut compléter notre article.

Inès, Mélanie, Alexane, Clément, Candice, Louise.