«On participe tous par l’ensemble de nos actes à écrire l’avenir.»

Timothy Duquesne est l’auteur de L’avenir [des pixels] est entre nos mains (avenirdespixels.net). Il développe des initiatives en faveur d’une plus grande sagesse numérique. Pour lui, le numérique peut favoriser notre liberté d’expression, mais aussi y nuire.

Qu’est-ce que pour vous les pixels? Qu’est-ce que voulez-vous faire comprendre à travers cette notion?

Quand je parle de “pixels”, je parle de tout ce à quoi nous avons accès par l’intermédiaire des écrans qui nous entourent. J’ai écrit ce livre parce que je souhaitais tirer le signal d’alarme. Le numérique est un outil fantastique, il nous offre des pouvoirs de super-héros, comme le don d’ubiquité, par exemple, et le fait de pouvoir se déplacer dans l’espace, mais il faut les utiliser de façon responsable. En écrivant mon livre, je voulais sensibiliser aux enjeux liés au numérique, alerter sur ces sujets là. En même temps je voulais attirer l’attention sur un certain nombre de personnes, d’initiatives, de projets, d’associations ou d’entreprises dont on pourrait s’inspirer pour concevoir le numérique de demain.

Il y a la surface des pixels et leurs coulisses. La surface des pixels, c’est tout ce que vous voyez lorsque que vous regardez des pixels (une série sur Internet, une photographie, la musique, un article,…) : la mise en page, le montage, le cadre, le message, etc. Les coulisses, c’est ce que vous ne voyez pas à l’écran : par exemple l’intention de la personne ou des personnes qui les ont créés, les données personnelles que vous générez à votre insu ou encore la liberté artistique ou éditoriale qui a nourri ces pixels. Il y a des pixels toxiques, un peu comme une marée noire. Il y en a qui vont être mensongers par exemple avec les fake news dans le domaine de l’information. Il y a des pixels bio, porteurs d’espoir, qui nous informent sincèrement sur le monde et qui vont nous aider à nous informer sur certains sujets. A nous de les identifier et de nous demander : est-ce que ça c’est un pixel toxique? Est-ce que je suis en train de consommer de la marée noire ? Est-ce que je suis en train de consommer quelque chose qui va m’apprendre vraiment des choses ?

En quoi le numérique peut-il favoriser la liberté d’expression?

Dès que vous avez un accès à Internet, vous avez la capacité de vous exprimer. Il vous suffit d’un ordinateur, par exemple d’un traitement de texte et d’une connexion Internet pour écrire un texte et pour le partager. C’est pareil pour un son ou une vidéo. N’importe quel individu sur terre peut le voir. C’est en quelque sorte notre super pouvoir. Le numérique peut augmenter votre connaissance. On peut exprimer un point de vue négatif en restant très courtois, et favoriser un débat apaisé.

La liberté d’expression, ce n’est pas avoir la possibilité de dire tout et n’importe quoi. Insulter quelqu’un ou le harceler, ce n’est pas de la liberté d’expression. Par contre, c’est plutôt faire passer des messages qui sont importants pour la société, ou partager des opinions.

Pouvez-vous nous donner les limites ou restrictions d’internet sur la liberté d’expression?

Aujourd’hui, on a des acteurs très importants du net tels Google, YouTube, Twitter, Facebook ou TikTok etc. Tout est centralisé, toute l’information que vous partagez sur Twitter est au même endroit et donc si Twitter décide de supprimer votre compte, c’est facile. Il suffit de prendre la décision, de cliquer sur un bouton et votre compte est supprimé.

Ce qui peut nuire à la liberté d’expression, c’est la façon dont l’information circule sur Internet. Je vous disais qu’on est aujourd’hui immergés dans un océan de pixels. Cet océan est infini et il se remplit de façon infinie chaque jour. En effet, sur YouTube, à chaque seconde, il y a 400 heures de contenus publiés, soit, si on veut tout visionner, 72 ans d’une vie humaine pour seulement une journée de publications. L’algorithme de YouTube peut supprimer automatiquement n’importe quelle vidéo dont le contenu ne correspondrait pas aux normes de l’application. Les responsables de You Tube peuvent aussi mettre à part la vidéo pour qu’elle ne soit plus recommandée et ainsi ne plus être vue par les internautes.

Thomas Soares , Kellian Damiens , Quentin Bermond, Nathan Bisson, Lilian Simoën , Océane Louveau-Ruis

Les résidences

De quelques jours à plusieurs semaines, les journalistes et photographes de Grand-Format s’immergent dans un établissement scolaire, une médiathèque, une ville... pour y mener des ateliers d’éducation aux médias et un travail journalistique. Avec des jeunes et des moins jeunes, nous construisons ensemble ces éditions spéciales de Grand-Format issues de ces résidences.