Montée des eaux, biodiversité et littoraux normands

«Le cycle est lancé pour des siècles et des siècles»

Sans aucune surprise, le changement climatique est la première source de ce phénomène environnemental. Il est en partie lié à l’augmentation des températures moyennes et atmosphériques, ayant pour conséquence l’augmentation des températures marines. Ces causes entraînent une dilatation de l’eau, c’est-à-dire que «l’eau chaude prend plus de place que l’eau froide» selon l’explication de Romain Debray, responsable de l’Agence Normande de la Biodiversité (ANB). Jusqu’à maintenant, les glaciers qui fondaient étaient marins. Ainsi, la fonte des glaciers ne faisait pas augmenter le niveau des mers pour autant. Romain Debray l’illustre de cette manière-ci: «quand vous mettez un glaçon dans un verre d’eau, l’eau dans le verre ne va pas pour autant déborder». Les répercussions de l’activité humaine sont l’une des sources de l’intensification de la montée des eaux. Elles sont visibles à travers le changement climatique. Les répercussions sont visibles sur les littoraux puisqu’il occupe grandement ces espaces artificialisés et industrialisés. Un risque se crée car toutes les activités industrielles, mais aussi beaucoup d’habitations, y sont concentrées.

Plage de Moliets-et-Mâa, Nouvelle-Aquitaine @Candice Delente

«On sous-estime ce phénomène, nous ne sommes pas encore dans le dur »

Selon une étude de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, datant du 7 décembre 2020, les territoires susceptibles d’être sujet à une submersion recouvrent1 000 km²du territoire normand, soit 3,5% de la Région. La population habitant en bord de mer est la première concernée. En effet, elle est obligée de penser à se reloger. Pour se protéger et protéger la biodiversité présente sur les littoraux, il est nécessaire d’arrêter de vouloir habiter en bord de mer et de faire construire.

Comment participer aux stratégies d’adaptation?Le sujet peut représenter une angoisse, c’est pourquoi il est difficile d’en parler. A l’échelon régional, plusieurs programmes ont été élaborés, à l’image de la stratégie «Littoraux normands 2027». Ce programme permet, sur le plan régional, d’anticiper des conséquences et de s’adapter. Il a pour vocation de sensibiliser mais également de mettre en avant les actions mises en place par l’Etat. Les quatre grands enjeux de ce programme présentés sur le site de la DREAL Normandie sont l’adaptation, la réduction de vulnérabilité face aux risques, la restauration de la biodiversité et l’accompagnement des territoires dans la transition écologique et énergétique.

Un second projet régional instauré : le programme « LittoBlocs ». Ce programme a pour objectif de protéger au maximum les espaces naturels présents en bord de mer, les protéger surtout des érosions. Le béton est le matériau phare de ce programme car il est le plus utilisé dans le domaine de la construction marine. Il aide au maintien et à la protection de la biodiversité en participant à la création d’espaces naturels tels que des enrochements, ce qui permet de participer à la fondation ou à la protection d’habitats marins. 

Candice DELENTE


«Il faut laisser l’environnement marin vivre»

Interview. Romain Debray, responsable de l’Agence Normande de la Biodiversité et du Développement Durable, travaille pour la protection de l’environnement local et propose de sensibiliser les élus aux questions environnementales.

Quelles sont les conséquences de ce changement climatique sur la biodiversité de nos littoraux?

Les milieux naturels sont généralement coincés entre la mer et les infrastructures humaines. S’ils se retrouvent confrontés à un obstacle tels qu’une route ou un mur ils ne vont plus pouvoir se replier et vont se retrouver submergés. L’exemple typique sont les dunes sur lesquelles vous retrouvez toute une végétationdunaire : vertébrés et insectes. Sur les plages de sable du Calvados vous retrouvez beaucoup d’oiseaux qui nichent au sol, ce que l’on appelle des limicoles. Ces oiseaux vont faire leurs couvées à ras le sol et l’échec typique d’un nid est lorsqu’il est emporté par une vague. Donc, si les espaces sont de plus en plus fins, ces oiseaux vont être de plus en plus vulnérables.

Quelle conséquence sur la population?

Un point important à souligner, et peu abordé, est l’augmentation des masses d’eau.Si les masses d’eau marines augmentent, par effet physique, les masses d’eaux souterraines aussi. L’eau de la mer pousse les masses d’eaux à se déplacer. On assiste ainsi au déplacement des biseaux salés: point de rencontre entre les eaux douces et salées. Plus le niveau marin augmente, plus ce biseau salé se rend vers les terres. On constate que dans certaines stations de captage d’eau potable on commence à détecter de l’eau salée, ce qui n’est pas bon signe. Ainsi, notre accès à la ressource en eau est remis en question car l’eau salée ne peut pas être distribuée au robinet.

Qu’est-ce que le dispositif Territoires Engagés pour la Nature proposé par l’ANBDD?

Le dispositif national a été créé par l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Il s’agit d’un appel auprès des collectivités qui sont prêtent à s’engager sur un plan d’action de 3 ans pour la biodiversité. Si le plan d’action joint à la candidature est intéressant, adapté à la taille de la collectivité et à ses moyens, la collectivité est reconnue Territoire Engagé pour la Nature pendant 3 ans. L’ANBDD la suit pour voir si elle met en place son plan d’action, la conseille, l’accompagne pour les financements. Il y a peu, l’ANBDD a décidé de revoir le dossier de candidature pour plus y intégrer le volet marin et littoral, peu mis en avant dans les éditions précédentes.

Propos recueillis par Candice DELENTE


Etretat, entre érosion et surtourisme

La montée des eaux implique également l’érosion des falaises. Des mesures sont prises afin de protéger celles-ci. A Etretat, à la suite de nombreux éboulements et plusieurs morts, dont 3 en 2023, la mairie a pris exemple sur d’autres villes qui avaient déjà expérimenté des mesures pour réguler le surtourisme. Ainsi, la mairie a décidé de redessiner le parcours balisé, pas toujours respecté, que les visiteurs doivent suivre lorsqu’ils se promènent au bord des falaises. Elle les invite par ailleurs à prendre des mesures de sécurité telles que « ne pas s’approcher à moins de trois mètres » du bord des falaises. Le dispositif mis en place par la mairie a pour objectif de protéger au mieux le littoral car l’érosion des falaises, de plus en plus accentuée, est aussi provoquée par le surtourisme. En effet, le nombre de visiteurs foulant chaque jour et chaque année les lieux est estimé aux environs d’1,5 millions, ce qui ne fait que renforcer ce phénomène d’érosion en abîmant et fragilisant le sol. De ce fait, les érosions engendrent des éboulements pouvant être meurtriers pour les promeneurs. 

C.D.

Candice DELENTE