La pollution de nos défunts : un danger méconnu pour notre planète ?

La crémation et l’inhumation, bien que des méthodes courantes de rituel funéraire, ne sont pas sans impact sur l’environnement. La crémation émet des gaz à effet de serre et des substances polluantes, tandis que l’inhumation pollue les sols et les eaux. Trouver un équilibre entre des pratiques respectueuses de l’environnement et les besoins culturels et spirituels est un défi important pour l’industrie funéraire.

Quels impacts écologiques lors d’une crémation ?

Pour rappel, la crémation est un processus funéraire qui implique la combustion contrôlée d’un corps pour réduire ses restes en cendres. Lors de ce processus, le cercueil est placé dans un four spécialement conçu, à des températures particulièrement élevées. Manon Moncoq, anthropologue du funéraire et de l’environnement, spécialiste des funérailles écologiques, explique dans une interview que ce choix de sépulture est perçu comme plus écologique. Mais en réalité, il pollue 1,3 fois plus qu’une inhumation, soit 233 kg d’émission de C02. Non seulement les gaz que dégage une crémation ont un impact écologique très fort, mais il ne faut pas oublier les infrastructures liées aux crémations qui représentent une partie conséquente des émissions de gaz. Selon une étude de la Fondation des services funéraires de la ville de Paris réalisée en 2017, une crémation équivaut en moyenne de 3% des émissions d’un français moyen sur un an.

De plus, l’utilisation de certains cercueils en crémation peut contribuer à la pollution, car certains matériaux, tels que les vernis, les colles ou les plastiques, peuvent émettre des substances nocives lorsqu’ils sont incinérés, soulignant ainsi la nécessité de privilégier des cercueils respectueux de l’environnement. Le cercueil en carton est majoritairement demandé, qui semble plus écologique, mais c’est en réalité une fausse bonne idée. En effet, le carton demande plus d’énergie pour se consumer à contrario du bois qui nécessite moins d’effort à sa combustion, selon Gautier Caton, directeur général des pompes funèbres “Caton », membre du conseil d’administration du Groupement « Le choix funéraire » qui représente les professionnels du secteur.

Concernant, le formol, ce soin de conservation, pour remplacer les liquides corporels et préserver le corps du défunt pour la cérémonie, il est constitué de produits biocides, et de produits chimiques, 40 à 45 % des défunts qui ont ses soins. Il faut injecter 6 à 10 litres de formol dans un corps, il est interdit partout en Europe sauf en France. Il faut savoir qu’un être vivant pollue obligatoirement lorsqu’il décède étant donné qu’il accumule du plomb, du mercure, des molécules médicamenteuses, des métaux lourds tout au long de sa vie. Donc peu importe le mode de sépulture, un défunt pollue autant dans un processus de crémation que d’inhumation.

Quand est-il de l’inhumation ?

L’inhumation consiste à placer le corps du défunt dans un cercueil; qui est obligatoire en Europe; soit en pleine terre soit dans un caveau (construction bétonné à l’intérieur de la terre). Cela présente un impact environnemental certain.” définit Manon Moncoq. L’inhumation en pleine terre équivaut à 182 kg d’émission de C02, et avec une construction de caveau c’est 7 fois plus d’émission. Une inhumation équivaut en moyenne à 11% des émissions d’un français moyen en 1 an.

Selon l’étude de la fondation des services funéraires de Paris, certains granits extraits en Afrique du Sud, au Brésil, en Norvège ou en France sont façonnés en Chine (70% à 80%). Leur impact en gaz à effet de serre est au moins 3 fois plus important que celui d’un monument extrait et façonné en France. Au total, 4 monuments aux morts sur 5 sont importés. Sans compter que le processus de fabrication du béton est très énergivore. Une inhumation en pleine-terre sans monument a un impact écologique un peu inférieur à celui de la crémation. A contrario, le scénario le moins écologique est une inhumation avec construction d’un caveau et pose d’un monument, souvent importé du Sud-Est asiatique, qui équivaut à plus de 5 crémations !

Concernant les cercueils utilisés, imposés par la législation française, ils sont généralement recouverts de plusieurs couches de polyuréthane (élément de la famille des plastiques donc toxique) et sont teints, ce qui représente 28% de la pollution d’un cercueil. Ces éléments polluent le sol lorsque le cercueil est mis en terre, mais le corps pollue également.

Le formol, conservateur pour les corps, fait débat et est en concurrence avec le froid physique. Les caves en béton ne sont pas étanches, alors le formol se répand dans les sols et tombe également dans les nappes phréatiques environnantes aux cimetières. Sans oublier que les cultures autour de ceux-ci se retrouvent contaminées à leur tour.

L’inhumation est un rituel funéraire traditionnel et religieux. Mais au fur et à mesure, la crémation prend sa place et se démocratise. A Paris par exemple, la crémation représente la moitié des pratiques funéraires.Il y a une diversité d’utilisation entre ces 2 modes de sépultures.

Des alternatives envisageables ?

De nouveaux modes de sépultures ont récemment vu le jour en Europe, tel que l’aquamation, qui consiste à dissoudre le corps grâce à de l’eau à 96°, mélangée à du sodium et du potassium. Ce mélange transforme le corps en cendres. L’humusation, quant à elle, a pour but d’inhumer un corps en terre avec des feuilles, de la paille et des tontes de pelouse. Au bout de 12 mois on récupère 1,5 m2 de terre. Malheureusement illégales en France, l’aquamation et l’humusation ne nécessitent ni monument, ni cercueil, ce qui pose problème à la tradition française. Ces pratiques révolutionnaires sont pourtant beaucoup moins polluantes car elles ne produisent aucun gaz. La France n’est manifestement pas prête à inclure de nouvelles méthodes funéraires contrairement à d’autres pays d’Europe, et même du monde.

Par exemple, les filtres des crématoriums ont été instaurés très récemment en France grâce à une loi datant de 2018, contrairement au reste de l’Europe qui les a adoptés depuis un certain temps. En outre, chaque année, une forêt de 100 000 stères de bois sert à construire des cercueils en France. Il faudrait donc utiliser d’autres matériaux plus respectueux de l’environnement pour construire des cercueils, comme la laine, l’osier, le feutre utilisés dans d’autres pays d’Europe. La France, trop ancrée dans ces traditions, se montre réfractaire vis-à -vis de ces nouvelles alternatives.

Jeanne Surire et Solenn Pessy

Quelques sources pour plus de détails :

Études de la fondations des services funéraires de la ville du Paris :

Podcasts :

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