« La couleur végétale est une démarche militante »

C’est au 49 rue froide à Caen que Zoé Demarquay, coiffeuse de profession, accueille ses clients au salon “Le 49”. Véritable lieu engagé, la jeune coiffeuse y prône l’image d’un salon groovissimo chaloupé et sympathico écolo coloré. Bien plus qu’un simple salon de coiffure, Zoé Demarquay témoigne de ses engagements et de son goût pour l’écologie qu’elle souhaite transmettre dans son salon.

Le 49, c’est quoi ?

Zoé Demarquay : “Le 49” est un salon de coiffure qui existe depuis plus de 30 ans, moi je l’ai racheté depuis 6 ans. J’y travaillais avant en tant qu’apprentie. Aujourd’hui, on est deux personnes à y travailler à plein temps, une salariée et moi-même. J’ai aussi pris Sarah, une stagiaire.

Dans une démarche écocitoyenne, que mettez-vous concrètement en place au sein du salon ?

Zoé Demarquay : Il y a plusieurs choses que nous avons mises en place. Il y a déjà la couleur végétale. Elle permet de ne pas polluer les eaux, elle colore naturellement les cheveux et elle n’est pas allergène ni pour les coiffeurs ni pour les clients. La plupart des salons utilisent de la chimie et c’est très mauvais pour la santé de tous. On valorise aussi les cheveux. Par exemple les cheveux coupés sont destinés à être à l’intérieur d’une hutte en terre/paille pour servir de fibre de verre. Après je vous avoue, ce n’est qu’un projet, nous espérons qu’il verra le jour. On essaye aussi de réduire au maximum nos déchets. On achète du café en vrac et des sachets de thé cousus. Mais forcément c’est difficile de ne rien perdre. On a fait le choix d’une nouvelle gamme de shampooings zéro déchet mais d’un autre côté on a toujours des bouteilles et des flacons. Il y a encore des choses à améliorer. Dans le milieu professionnel il est très difficile d’échapper à certains déchets.

Je pousse mes clients à changer leurs habitudes

Sur quelle base choisissez-vous vos produits ?

Zoé Demarquay : Nous travaillons avec un seul fournisseur et cela pour tous nos produits : la couleur, les shampoings, les démêlants, les huiles et les coiffants. Il y a juste pour le matériel de coiffure que je suis obligé d’acheter dans des commerces spécialisés. Les produits que j’utilise sont tous naturels mais ils ne sont pas certifiés BIO car ils n’ont pas le label AB. Le fournisseur avec lequel je travaille se place dans une démarche assez rebelle en ce qui concerne l’écologie. Il considère que la charte BIO est absurde et a décidé de créer la sienne et de créer ses propres règles en prônant sa vérité. Il m’a d’ailleurs donné un livre qui s’appelle “Transparence” dans lequel tous les ingrédients sont écrits clairement et en grosses lettres ce qui permet, pour les personnes ayant des allergies, d’éviter tous produits allergènes. Je trouve ça plutôt réglo.

Quelles étaient vos motivations à faire de votre salon de coiffure une enseigne respectueuse de l’environnement ?

Zoé Demarquay : Je dois dire que c’est avant tout pour des convictions personnelles. Je suis écolo depuis toujours et je savais très bien que lorsque j’ouvrirai mon premier salon j’allais changer totalement de style pour être en accord avec ce en quoi je crois. Sinon j’aurais arrêté la couleur et je n’aurais fait que des coupes. Pour l’instant, il n’y a qu’une seule chose qui n’est pas écologique : les décolorations. C’est tout simplement impossible de le faire d’une autre façon. Mais la recette que j’utilise pour cette technique est la plus naturelle du marché.

Quelles valeurs souhaitez-vous transmettre à travers votre salon de coiffure?

Zoé Demarquay : Je dirais le respect de l’environnement et surtout l’idée du slow cosmétique. Cette idée consiste à arrêter de se mettre une tonne de produits sur ses cheveux. Je crois en l’idée que c’est la beauté au naturel qui est la plus importante, de ne pas modifier qui nous sommes. Selon moi se teindre les cheveux n’est pas indispensable et il faut y réfléchir avant de passer le cap. Ce que je veux c’est que mes clients s’aiment. Le respect de la planète compte aussi beaucoup pour moi. Dans les conversations avec les clients hors de la coiffure, nous parlons souvent de ce que l’on fait en zéro déchets, nous mélangeons les idées de chacun et tout le monde s’aide. Je pousse vraiment les personnes à changer leurs habitudes.

La couleur végétale, c’est l’avenir

Que répondriez-vous aux sceptiques de la coiffure naturelle ?

Zoé Demarquay : Je leur dirais qu’ils n’ont jamais essayé. Ce que je dis lorsque des personnes rentrent pour demander des renseignements c’est que la couleur végétale est un concept, une démarche presque militante. Je n’ai pas envie de les forcer en leur disant “c’est génial” pour qu’ils soient déçus du résultat. Alors oui, il y a beaucoup de contraintes, nous ne pouvons pas tout faire. Mais il faut se dire que les produits naturels permettent à la fois de respecter l’environnement mais aussi son corps et de ne pas s’empoisonner. Selon moi la couleur végétale c’est l’avenir, il faut s’y faire et s’y préparer. Je suis sûre qu’à l’avenir il y aura encore des améliorations qui feront émerger un nouveau panel de choix de couleur et que l’on pourra plus facilement se contenter de tout cela. Je suis positive pour l’avenir

Au quotidien, avez-vous des habitudes ou des pratiques écoresponsables ?

Zoé Demarquay : Oui, je consomme souvent à “la Maison du vrac”, j’essaye de faire vivre les petits commerçants du coin et je me déplace en vélo. Je privilégie les achats d’occasion pour ne pas acheter de vêtements neufs. Pour moi, chaque objet est un engagement. Si on s’engage avec l’objet, on sait que l’on va l’avoir pour un moment. J’essaie aussi de tracer au maximum les produits pour voir s’ils sont issus d’une agriculture responsable. Selon moi il faut réfléchir à tous les achats que nous faisons au quotidien. Peu importe ce que l’on fait, chaque action et dépense doivent être réfléchies pour que personne ne soit exploité et pour que la planète ne soit pas plombée. Moi j’y crois.

Avez-vous des projets futurs pour le salon ou de nouvelles idées dans le but de développer cette éthique de l’écologie ?

Zoé Demarquay : Non, je pense que je suis au maximum de mes idées pour l’instant. Mais je vends à côté du salon des produits annexes comme des sopalins lavables que l’on fabrique lorsque l’on a du temps et des mouchoirs réutilisables. À terme nous voudrions faire des lingettes démaquillantes lavables. Mon but n’est pas de faire de l’argent mais plutôt de montrer aux gens que cela marche autant que les produits que nous avons l’habitude d’utiliser au quotidien. Des alternatives existent.

[Cet article a été écrit par des étudiants de l’IUT Info-Com de Caen.]

Baptiste Hébert et Emma Munoz