Inondations de l’Orne : Caen la mer sous l’eau

Selon la plateforme Géorisques, l’inondation est une «submersion, rapide ou lente, d’une zone habituellement hors de l’eau.» «Le débordement du cours d’eau est initialement un phénomène naturel. Toutefois, dès l’instant où cet évènement rencontre des enjeux humains, il est question d’inondation», explique Jean-Michel Cador, enseignant-chercheur à l’Université de Caen.

Le fleuve de l’Orne est situé dans le département du Calvados et de l’Orne. Il prend sa source à Aunou-sur-Orne et traverse une soixantaine de communes en remontant vers le nord-ouest pour se déverser dans la mer de la Manche à Ouistreham, après être passé par Caen.

Panneau de déviation en raison d’inondation – Parc des Expositions, le 3 mars 2024 © Marion Mangeleer

Comprendre l’essence du risque

Au moment où le fleuve de l’Orne déborde de ses berges, il envahit les terres aux alentours de Caen la Mer. D’après une carte de la DREAL Normandie, une partie de Caen la Mer est en risque important d’inondation. Dans le Calvados, les inondations par débordement de cours d’eau résultent majoritairement de précipitations fréquentes, continues ou fortes, précise le portail Géorisques. Ce sont des crues lentes de plaine. Bien que les inondations surviennent en quelques jours, voire quelques heures, leur durée peut s’étendre d’une journée à plusieurs semaines. Qui plus est, lorsque des épisodes pluvieux exceptionnels se produisent, «le niveau de la nappe d’eau souterraine, autrement dit la nappe phréatique, peut remonter à la surface du sol et accompagner le cours d’eau», rajoute Jean-Michel Cador. Comme le souligne le site Géorisques, les inondations de ce type émergent surtout au printemps, en hiver et en automne, c’est-à-dire lorsque les pluies exercent une grande influence sur le débit des fleuves.

L’Orne domine

Généralement, lorsque l’Orne déborde, « il n’y a pas de conséquences en termes de risques pour les vies humaines à Caen la Mer », indique le maître de conférences. En effet, le Calvados est situé dans le Nord de la France où le climat est globalement tempéré. Ainsi, les précipitations qui tombent sur le territoire se répartissent sur plusieurs semaines et rendent donc prévisibles longtemps à l’avance les inondations. La paralysie de la circulation est assurément la principale conséquence de ces phénomènes sur le territoire de Caen la Mer. Des routes dans le centre-ville de Caen et des boulevards autour de la prairie sont souvent momentanément fermés lorsque des inondations se produisent. Une fermeture de route s’est notamment imposée le dimanche 3 mars 2024 au niveau de la route de Louvigny depuis la prairie. Des embouteillages, des perturbations voire des dégâts matériels peuvent aussi être à déplorer. Les habitants de Caen la Mer comme les plus grandes instances subissent des conséquences économiques. « Les eaux ont la possibilité d’envahir les caves, par exemple, et ainsi endommager des compteurs électriques, des appareils électroménagers tels que des congélateurs. Le montant des dégâts peut donc s’avérer très élevé », insiste Jean-Michel Cador. À côté de cela, les aménagements du territoire nécessaires pour pallier les débordements de l’Orne ont un coût significatif et s’élèvent généralement à plusieurs milliers d’euros.

Marion MANGELEER


Prévenir pour protéger

Interview. Jean-Michel Cador, enseignant-chercheur en Géographie à l’Université de Caen, présente les solutions face aux inondations de l’Orne.

Jean-Michel Cador – laboratoire IDEES©Marion Mangeleer

Les acteurs

«Il y a les collectivités territoriales en charge de la gestion des eaux. Les communes et les groupements de communes peuvent aussi faire des choses à leur échelle sur leur territoire. Le schéma d’aménagement et de gestion des eaux est également une structure qui a été mise en place sous le bassin de l’Orne avec ses préconisations. Il y a également un syndicat mixte pour s’occuper de la basse vallée de l’Orne.»

Plan de prévention

«Les communes situées en amont doivent d’emblée retenir l’eau le plus longtemps possible pour protéger au mieux celles situées un peu plus en aval. Par exemple, en créant des mares, une petite partie d’eau va être retenue. Il est possible de replanter des haies qui elles aussi vont arrêter ou ralentir le ruissellement. Et ainsi, quelques dizaines de centimètres de crue, environ, sont gagnés sur l’agglomération caennaise. Ces mesures nécessitent d’impliquer plusieurs dizaines de communes présentes sur le bassin versant mais ces dernières n’y trouvent pas forcément d‘intérêt: cela leur coûte cher et elles ne le font pas pour elles. Cela suppose donc d’avoir «une solidarité de l’eau». Il y a des subventions publiques qui financent toutes ces mesures, notamment des organismes comme les agences de l’eau.»

Les mesures locales

«La ville de Caen a engagé, après les inondations de 1995, des travaux entre Louvigny et le long de l’Orne, jusqu’à Ouistreham. Ces dernières années, des systèmes d’alerte efficaces ont été aussi mis en place. Les rues peuvent être barrées avec des sacs de sable pour empêcher les inondations. Il est possible également de gérer le niveau d’eau du canal qui coule parallèlement à l’Orne: l’eau de l’Orne est alors basculée dans le canal lorsqu’il y en a trop, et inversement. Tout cela est réalisé par des fonctionnaires et des systèmes de vannes et de déversoirs. C’est une gestion qui permet seulement de limiter les effets de la crue comme celle-ci s’est déjà formée dans la partie amont.»

Propos recueillis par Marion MANGELEER


Les grandes barrières bleues de Louvigny

Près de Caen, la ville de Louvigny a réagi aux débordements des eaux de l’Orne en mettant en œuvre son dispositif d’aqua-barrières. Cette initiative du Syndicat Mixte de Lutte Contre les Inondations est actuellement située le long de la Haule à Louvigny et interdit aux piétions et aux cyclistes de circuler dans cette zone à compter du 24 janvier 2024, d’après un arrêté du maire de la commune, Patrick Ledoux. La Haule est une « petite digue réalisée en terre », explique Jean-Michel Cador. Celui-ci rajoute que « ces aqua-barrières sont en quelque sorte des tréteaux en acier positionnées le long des berges du fleuve. » Une bâche est étalée sur ces tréteaux. Le dispositif fait environ 1m50 de hauteur. « Du moment que l’eau de l’Orne ne dépasse pas 1m – 1m50 de débordement, ces bâches suffisent à canaliser l’eau et à éviter que les prairies voisines soient inondées. Les aqua-barrières de Louvigny intègrent la catégorie des petites mesures locales puisqu’elles s’étendent seulement sur quelques centaines de mètres », souligne l’enseignant-chercheur. 

M.M.

Marion MANGELEER