Retour

Face au racisme, remettre de l’humanité

Wilfred Laurent et Olivier Guebey, travaillent à la Maison des Jeunes et de la Culture de Vire (MJC). Quelles actions mènent-ils pour lutter contre le racisme ?

Depuis quand luttez-vous contre le racisme?

La MJC lutte contre le racisme et les préjugés depuis toujours. La MJC essaye de faire en sorte de privilégier un monde avec paix et harmonie, mais le racisme provoque le contraire.

Qu’est-ce qui vous pousse à vouloir mettre en place des actions pour lutter contre le racisme?

Les discours racistes progressent un peu partout dans des pays d’Europe, en Hongrie, en Pologne, en Finlande. Le racisme se répand aussi dans les écoles primaires, collèges et lycées. Est-ce que le racisme ne serait pas en train de devenir systémique? Des enfants s’amusent à critiquer les personnes de couleur, d’autres parents qui ne veulent pas ramener à la maison des “noirs” ou des “bougnoules”… La MJC essaye de travailler là-dessus et de remettre de l’humanité.

Selon vous, y-a-t-il beaucoup de racisme à Vire ?


On entend des choses. Voici un exemple. Lors de certaines actions, on entend parfois des propos racistes de différentes entités envers les autres. Quand des familles syriennes ont été accueillies à côté du quartier de la Zac, on a commencé à entendre des propos islamophobes.

Qu’est-ce que vous faites concrètement pour lutter contre le racisme ?

Depuis 20 ans, on accueille des personnes en Service Volontaire Européen. Un jeune qui vient d’un pays européen (d’Allemagne, d’Espagne, de Croatie, de Turquie) passe un an en immersion à la MJC. Dans l’autre sens, des jeunes de Vire vont dans des pays de l’Europe pour vivre une expérience et voir ce qui se passe ailleurs. Cela permet de ne pas avoir peur d’aller à la rencontre, de croiser des gens, d’apprendre une nouvelle langue. Sortir de Vire, de Normandie, de France, c’est important, même essentiel…

Le racisme germe dans la peur et dans la méconnaissance. On va beaucoup discuter et re-complexifier les choses. Parfois, c’est très insidieux. On entend parfois qu’il y a beaucoup d’étrangers qui sont en prison” en France. On peut aller voir les statistiques (enquête menée en 2013) qui disent qu’il y a 8 fois plus de chance d’être incarcéré quand on est étranger que quand on est français, à faute équivalente. Le mécanisme du système judiciaire fait que on va avoir plus tendance à charger quelqu’un qui a moins de légitimité, qui est peut-être clandestin sur le papier ou peut-être qui a commis d’autres délits auparavant. Cela s’explique par plein de manières différentes…

Vous appelez à sortir de l’émotionnel. Qu’est-ce que cela veut dire?

Nous, personnels éducatifs, on doit essayer de ne pas juger quand quelqu’un va dire quelque chose d’aussi ignoble que “la petite sirène dans le nouveau Disney, faudrait qu’elle ne soit pas noire”. On pourra demander à la personne: “pourquoi tu penses ça?” et essayer de trouver d’où ça vient.

A la MJC, vous menez beaucoup d’actions autour des différentes cultures.

Oui, on essaie de montrer les avantages que cela peut apporter. Par exemple, on organise un escape game sur le Jour des Morts mexicain pour Halloween. Ou une rencontre autour du foot avec des jeunes espagnols et allemands. Il y a des choses qui nous rapprochent et il y a des choses qui nous sont propres. Ces différences ne sont pas là pour mettre des murs entre les gens. Il faut se nourrir de toutes ces différences. Toutes ces activités, ces séjours, ces jeux, ces rencontres, vont permettre de voir toute la beauté d’avoir des cultures différentes, de venir de pays différents ou même de territoires différents.

“Il faut s’en nourrir de toutes ces différences.”

Menez-vous des travaux à partir des réseaux sociaux?

Oui, car les réseaux sociaux sont un outil formidable où tout passe : le bon et le mauvais. Il faut pouvoir traiter l’information que l’on voit. Au moment de l’élection présidentielle, des jeunes disaient que Marine le Pen voulait faire plein de choses pour les jeunes. On est allés sur le site du Rassemblement National et au final, on a pu voir que le livret contre l’immigration faisait 47 pages, le livret pour la sécurité faisait 36 pages et le livret pour la jeunesse en faisait 18. Et on a pris plusieurs partis politiques et on a vu leur programme pour la jeunesse, ce qui a permis de voir qu’en fin de compte, Marine Le Pen ne fait pas tant que ça pour les jeunes. Et qu’on n’a pas besoin de développer une idéologie raciste ou homophobe pour faire des choses pour la jeunesse.

Quels sont vos projets futurs ?

On a horreur d’utiliser un vocabulaire guerrier pour quoi que ce soit, mais je pense que, contre le racisme, on doit se battre. Beaucoup de nos jeunes vont voter en 2027. Il y a du renfermement. Nous devons continuer à discuter, à rester dans l’éducatif, le pédagogique, à accueillir les propos, parce qu’ils viennent de quelque part.

On va accueillir nos amis belges et serbes cet été. C’est un très gros projet européen, avec un rassemblement autour de l’écologie et la décroissance. On développe aussi un projet sur la Paix, dans le cadre du 80e anniversaire, avec la commune de le Tourneur, en partenariat avec l’Autriche et la Hongrie, avec qui ils sont jumelés. Et il y a le jumelage.


Cela paraît plein de petites actions mais ça finit par porter ses fruits, de prendre conscience qu’il y a d’autres langues, d’autres jeunes, d’autres pays… Des cultures différentes. Ce sont de petites graines qu’on essaie de poser : si ça pousse, tant mieux ; si ça ne prend pas, on recommencera.

“Ce sont de petites graines qu’on essaie de poser : si ça pousse, tant mieux ; si ça ne prend pas, on recommencera.”

En tant que citoyen, qu’est-ce qu’on peut faire ?


Être citoyen ! C’est quelqu’un qui participe à la vie de la cité, qui est lucide, politiquement parlant, qui va pouvoir s’engager dans les instances démocratiques. Est-ce qu’on est encore capable de faire ça ? Est ce qu’on l’apprend ? A-t-on l’opportunité de le faire ? A la MJC, on a l’opportunité de le faire. On a un fonctionnement qui permet de faire ça. Et il y a un travail d’information, de temps pour décrypter l’information, sur toutes les sources : en tant que citoyen, on peut prendre du temps pour s’informer, mener cette réflexion. Et puis aller voir ailleurs, rencontrer du monde, bouger dans d’autres pays en essayant de respecter les contraintes environnementales. Et puis être citoyen, c’est défendre des valeurs : citoyenneté, engagement, solidarité. Il faut s’engager, dans un club de sport, une association, ça participe à vivre dans la cité. Et combattre le racisme parce que ce n’est pas une valeur.

Propos recueillis par Giovanne, Renan, Mateo, Camille, Nicolas