« Écologie de guerre » : un nouveau paradigme


L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a fait émerger dans le monde géopolitique de nouveaux enjeux. L’un d’entre eux a largement impacté les pays occidentaux qui ne sont pourtant pas des participants directs de la guerre : l’écologie de guerre. La revue Green (Géopolitique, Environnement, Énergie, Réseaux, Nature), rédigée par le groupe d’études géopolitiques de l’École normale supérieure se saisit du sujet.

Écologie et guerre, deux sujets séparés?

Lorsque nous pensons à l’écologie, nous ne pensons pas forcément à la guerre. Cependant, il reste légitime de s’interroger sur l’impact que peut avoir un missile sur la couche d’ozone ou encore la consommation de pétrole d’une armée au combat. C’est à ces questions et leurs réponses parfois révélées par l’analyse de la guerre de haute intensité menée en Ukraine que s’intéresse cette seconde revue GREEN. Ces sujets ne sont pas apparus en 2022; déjà en 2008, un groupe d’étude de l’université d’Oxford s’y était intéressé.Le lien entre l’écologie et la guerre est étudié depuis un moment déjà, et il n’est pas nouveau que les ressources naturelles y compris énergétiques se trouvent au centre des conflits et en sont parfois les causes. Mais les ressources énergétiques peuvent aussi être à la source de la paix entre les Hommes; la grande rivalité meurtrière qui réunit la France et l’Allemagne dans la haine et la désolation lors des siècles précédents se conclut par le traité du charbon et de l’acier, acte fondateur de la communauté Européenne.

L’écologie et la guerre dans un monde interdépendant

Avant la guerre en Ukraine, les Européens importaient de Russie plus d’un quart de leur gaz, et près de la moitié de leur pétrole et de leur charbon. Le conflit a largement réduit l’approvisionnement de certains pays européens et a totalement coupé celui d’autres nations; la Finlande par exemple où le gaz était approvisionné à 99,5% par la Russie, a été totalement coupée de son approvisionnement.

Ces nouveaux enjeux, prévisibles mais non préparés, font reconsidérer aux états leur conception d’approvisionnement en énergie. Éviter la dépendance énergétique constitue désormais un enjeu majeur de la géopolitique moderne. Le problème étant que ce n’est pas le seul enjeu à l’importance critique pour la paix des hommes et l’habitabilité de la planète. Les alliances, les besoins, les crises sociales, économiques, politiques, écologiques et énergétiques frappent le monde occidental qui jusque-là n’avait pour espoir qu’une stabilité politique et sociale désormais menacée. Ces défis divers mais mêlés ont parfois comme solutions des réponses qui aggraveraient d’autres crises. Le libre passage des biens et des personnes, pourtant libérateur et facteur de libre arbitre pour les individus a finalement pour conséquence de complexifier tous les domaines de décisions et de les rendre bien plus complexes et longues à mettre en œuvre. Ainsi l’apparition de l’Écologie de guerre dans les relations étatiques est aussi le surgissement de problèmes enfouis depuis longtemps concernant la dépendance des biens et des énergies. Certains peuvent considérer cela comme un facteur d’instabilité de tensions. D’autres peuvent croire que cette situation de dépendance empêche une guerre totale puisque chaque pays serait désormais forcément perdant dans un conflit.

Le bouclier de l’interdépendance

La production de ressources stratégiques à grande échelle est dans le monde interdépendant un moyen de défense comme un autre. Outre l’Ukraine, le point le plus chaud des tensions internationales est situé sur l’île de Taiwan, que la Chine convoite. Or Taiwan dispose d’une production de micropuces indispensable à l’économie de pays très puissants parmi lesquels se trouvent les Etats-Unis. Ces derniers et leurs alliés ont tout intérêt à protéger leur approvisionnement en micropuces en plaçant Taiwan sous leur protection. De son côté, la Chine est elle aussi dépendante des micropuces taiwanaises. En cas de guerre longue, une pénurie de micropuces pourrait grandement impacter l’économie chinoise ainsi que sa capacité à mener correctement la guerre, les micropuces étant utilisées pour de nombreux outils, armements et véhicules militaires.

L’écologie de guerre et l’interdépendance énergétiques sont devenues des préoccupations majeures pour les grandes puissances. Cette dépendance commerciale peut servir de bouclier pour les états, mais aussi de source de tensions. La réaction générale a été de chercher à trouver de nouvelles sources d’énergie, mais aussi de chercher à produire directement des ressources stratégiques. Ce virage industrialiste pourrait mener les états à acquérir une plus grande liberté géostratégique mais aussi faciliter les actions des états belliqueux. Ce qui est certain, c’est que la planète ne souffrira pas de la réduction d’échelle du fret maritime.

Principales sources:

  • Revue Green
  • Chaîne YouTube « Real life lore »

Arthur LANDAIS