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Sans vous, nous n’aurions pas su comment le Microlycée de Caen réparait les gamins
Chère lectrice, cher lecteur,
Depuis cinq ans, Grand-Format vous propose des contenus immersifs et approfondis, pour raconter le monde en vrai. Nous passons des semaines et des mois à réaliser nos reportages et nous continuons à les suivre après publication.
En 2021, j’ai eu la chance de passer plusieurs jours au Microlycée de Caen. Cette structure expérimentale accueille des élèves qui ont décroché du système scolaire depuis plusieurs années. Des jeunes aux vies souvent cabossées et qui ont perdu tout repère. Une équipe de profs formidable tente de leur redonner l’envie d’apprendre et de reprendre leur vie en main. « Ce ne sont pas eux qui ont lâché l’école, mais l’école qui les a abandonnés », m’expliquait Patrice, l’inépuisable coordinateur. À l’époque, nous sortions à peine de la pandémie de Covid qui aurait pu anéantir tout ce long processus pour « raccrocher ». Mais les profs ne les avaient jamais lâchés, maintenant ce lien fragile. J’ai pu assister aux cours, aux entretiens, aux réunions, aux pauses clops, partager mon sandwich avec les élèves, rester tard le soir avec les profs. Au bout d’une semaine, on m’avait confié des tas d’histoires, je m’étais posé des tas de questions collectivement et je voulais revenir la semaine suivante. Malgré les masques que nous portions tous, Virginie Meigné, la photographe, a su capter l’intensité de chacun de ces visages que je n’oublierai jamais.(retrouvez l’article ici)
Je reste très marquée par ce reportage. Je crois que c’est pour raconter ce genre d’histoires que nous avons créé Grand-Format il y a cinq ans. Prendre mon petit carnet et partir sur le terrain, à la rencontre de ceux qui se battent pour changer un système qui en détruit d’autres. Prendre le temps d’écouter ces récits, sans jugement, et les restituer avec le plus d’humanité possible.
Voilà pourquoi nous avons besoin de vous pour continuer notre travail. Grâce à vos dons, vous nous permettez de partir en reportage, d’enquêter, d’écrire et de publier leurs histoires. Notre objectif, pour cette fin d’année: récolter 10000 euros. Engagez-vous à nos côtés!
Considéré comme la zone la plus nucléarisée au monde, le Cotentin héberge aussi des contestataires qui tentent de faire reculer, ou au moins ralentir, ce rouleau-compresseur national qu’est l’industrie de l’atome. Retour sur ces dizaines d’années de lutte avec la frise, non-exhaustive, et quelques explications.
50 ans d’opposition au nucléaire déposés sur un paillasson d’un habitant d’un petit village du Cotentin. Des coupures de presse, datant parfois de plusieurs dizaines d’années, qui retracent une partie de l’histoire du nucléaire dans la région. «La personne qui les a remises les tenait de sa mère qui a collecté et conservé depuis plusieurs décennies dans les journaux locaux les événements en lien avec l’usine (de la Hague, NDLR)», explique à Grand-Format la membre du collectif Piscine Nucléaire Stop qui a recueilli ces documents. «C’est une famille importante dans la commune, qui n’est pas forcément favorable à l’industrie nucléaire mais pas affichée anti. Difficile dans ce pays colonisé de s’afficher comme adversaire.»
S’opposer au nucléaire dans le Cotentin peut s’avérer compliqué tellement le secteur contribue à l’économie locale. Ainsi, en 2014, un employé sur trois du secteur privé dans le Cotentin travaillait dans le secteur du nucléaire et chaque famille est donc concernée, en plus de voir leurs communes richement dotées en infrastructures publiques, via l’énorme taxe foncière qu’engendre le nucléaire depuis 50 ans…
Avec une telle documentation léguée en toute discrétion, Piscine Nucléaire Stop possède de quoi illustrer comment l’opposition au nucléaire existe depuis longtemps et comment les incidents ont émaillé la vie du Cotentin. «Cela nous a aidés lors de la première réunion publique organisée par le collectif», continue-t-elle. «Nous avons projeté à l’écran l’article qui racontait que les maires étaient opposés à la création du centre de stockage. Tout le monde avait oublié cela».
Les premières réunions publiques du collectif Piscine Nucléaire Stop ont eu lieu les 7 et 8 janvier 2022 à la salle des fêtes de Jobourg, à quelques centaines de mètres de l’usine. Elles ont fait salle comble, le collectif pouvait alors commencer à faire souffler un vent de fraicheur sur la lutte dans le Cotentin.
Une frise pour retracer l’histoire du nucléaire dans le Cotentin
Mais il n’y a pas de Plogoff en Normandie. Au contraire de sa voisine bretonne et sa lutte victorieuse contre le projet de centrale du village finistérien qui y stoppa net le nucléaire en Bretagne, la Normandie est richement dotée en infrastructures nucléarisées. Entre les centrales de Paluel et Penly (76) ou encore le Ganil (grand accélérateur national d’ions lourds) à Caen (14), c’est dans le Cotentin que se concentre une grande partie de cette industrie lourde. En plus de l’usine de retraitement de La Hague et du centre de stockage des déchets, des deux réacteurs nucléaires de la centrale de Flamanville et de l’arsenal de Cherbourg qui construit des sous-marins nucléaires, d’autres projets se déploient.
Très médiatisé, l’interminable et énorme chantier du super-réacteur EPR a pris fin avec 12 ans de retard et 20 milliards d’euros dépensés (soit 6 fois plus que prévu) pour démarrer (symboliquement) le 3 septembre 2024. Enfin, Orano a annoncé le 15 octobre 2024 que ce n’était pas une méga-piscine d’entreposage de déchets nucléaires qui allait être construite mais trois, déclenchant la colère de Piscine Nucléaire Stop qui a d’ores et déjà annoncé un rassemblement local et national les 18, 19 et 20 juillet 2025 dans La Hague.
C’est à partir des coupures de journaux que ce collectif a conçu une partie de la frise chronologique que nous publions dans Grand-Format. Nous avons vérifié ces informations et nous les avons complétées. Cette frise témoigne d’une histoire mouvementée de l’atome, entre oppositions citoyennes et écologistes, et déploiement sans cesse plus important du nucléaire dans cette région considérée par Greenpeace comme l’une des plus nucléarisée du monde.
1960
Début du projet d’usine de retraitement de déchets nucléaires, à la Hague.
Les habitants ne savent pas encore quelle sera la nature de l’activité de cette usine : y produira-t-on des engrais ou des casseroles ?, rapporte Ouest-France.
1966
Entrée en fonction de l’usine de retraitement.
Les premiers combustibles irradiés arrivent de la centrale de Chinon
Par Truzguiladh, CC BY-SA 2.5
16 novembre 1967
Mr Leconte, Maire de Beaumont, déclare à Ouest France «Je ne veux pas que La Hague soit la poubelle de la France».
1969
Création du Centre de stockage de la Manche, à Digulleville, sur la commune de la Hague.
1973
Création du CCPAH (Comité Contre la Pollution Atomique dans la Hague), auto-dissout en 1983. Basée à Cherbourg, cette première organisation antinucléaire créée dans la Manche s’opposa à l’usine de retraitement de la Hague.
Photo : Jean-Marie Taillat — AREVA La Hague, CC BY-SA 2.0
Avril 1975
Création du Comité Régional d’Information et de Lutte Antinucléaire, le CRILAN. Association basée à Couville.
13 Avril 1975
1ère manifestation à Flamanville. Entre 5000 à 7000 personnes protestent contre le résultat du référendum local pour ou contre le projet de 2 réacteurs à Flamanville. Les Flamanvillais se prononcent à 63,7% en faveur de l’implantation de la centrale, les opposants estiment le suffrage «truqué».
6 juin 1976
Mobilisation à Beaumont. Près de 10 000 personnes devant l’usine de la Hague pour s’opposer à son extension, à la privatisation et contre les rejets de l’usine.
1976 – 1977
Constitution d’un GFA, un Groupement Foncier Agricole pour souder les propriétaires agriculteurs qui seront expropriés.
13 février 1977
Sur le site du chantier des futurs réacteurs, 3000 personnes pour soutenir les locaux qui empêchent les travaux commencés le 8 février 1977.
10 mars 1977
Encore 2000 personnes devant la sous-préfecture contre la reprise du site de La Hague par les gendarmes mobiles.
Février – mars 1977
Occupation du site de Flamanville. Le chantier est notamment obstrué par des rochers.
Avril 1977
5000 à 7000 personnes contre la reprise du site de Flamanville par les forces de l’ordre.
1er décembre 1979
Début de la construction de la centrale nucléaire de Flamanville
Début de la construction du 2ème réacteur de Flamanville
Janvier 1980
Février 1980
Mobilisation contre lenavire Pacific Swan initialement à Gréville-Hague.
Une tempête de force 8 contraint environ 30 000 personnes à se réfugier sous le marché couvert deSainte-Mère-Église. Des dégâts à signaler à Beaumont – Hague (vol avec effraction à la mairie et dans un garage) et à Sainte-Mère (vitrines de commerces brisées, église et monument aux morts profanés). Photo : Nautilus International
1979 – 1981
Escales de bateaux pour décharger des combustibles irradiés provenant du Japon, Suède (1981). Occupation des grues du port de Cherbourg par des militants anti-nucléaires.
29 septembre 1985
Mise en service du 1er réacteur nucléaire de Flamanville
1986
Création de l’ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest). Labo scientifique et indépendant à la suite de Tchernobyl, basé à Hérouville-St-Clair (14).
12 juin 1986
Mise en service du 2ème réacteur de Flamanville
1992
Retours de plutonium et de combustible MOX au Japon mobilisations, actions des différentes associations anti-nucléaires dont des manifestations pendant une semaine àCherbourg.
1992
Création de Greenpeace Cherbourg avec des actions locales spectaculaires.
1994
Fermeture du Centre de stockage de la Manche
Ouvert en 1969, ce centre a reçu 527 214 mètres cubes de déchets nucléaires de faible et moyenne radioactivité, et de courte durée de vie, mais aussi des déchets plus toxiques comme du plutonium, de l’uranium et du plomb. (en savoir plus ici)
Photo : David.Monniaux — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
1997
Création du collectif des mères en colère suite à l’étude du Dr Viel sur l’excédent de leucémies infantiles autour de la Hague.
Publiée dans le British Medical Journal, l’étude montrait une augmentation du risque chez l’enfant de leucémie aiguë lymphoblastique dans le canton de La Hague. Elle sera fortement critiquée par d’autres experts.
Mars 1997
Après des mesures effectuées à la sortie de l’usine de retraitement, la radioactivité fait des vagues sur une plage de La Hague.
Un taux d’irradiation 3000 fois supérieur à la radioactivité naturelle a été relevé au contact de la canalisation d’évacuation des rejets liquides du site nucléaire sur une plage accessible au public.
Manifestation à Cherbourg, 25 000 à 30 000 personnes contre la construction de l’EPR à Flamanville.
Photo : Marylène Carre
12 octobre 2006
L’Acro alerte sur une pollution radioactive
Un élément radioactif, l’américium 241, a été détecté en quantité importante par l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro), dans un ruisseau près du site Areva La Hague, dans le Cotentin.
Areva confirmera quelques mois plus tard la présence de plutonium, annonçant qu’elle allait ramasser les terres contaminées.
3 décembre 2007
Début de la construction du 3ème réacteur nucléaire (EPR) de Flammanville.
Par schoella — panoramio, CC BY 3.0
17 mars 2007
Manifestation à Rennes, 40 000 personnes contre la construction de l’EPR de Flamanville.
Mars 2013
Du combustible MOX part au Japon malgré l’accident Fukushima.
1 octobre 2016
Manifestation d’environ 12 000 personnes contre l’EPR entre Siouville et Flamanville.
Mars 2019
L’ACRO trouve du plutonium autour du ruisseau des Landes (350 fois la valeur normale). Areva s’engage à dépolluer.
Photo : Guy Pichard – 2022. Sur une plage du Cotentin, des volontaires de l’Acro effectuent des prélèvements de patelles, mollusques, algues, eau de mer et du sable. La présence de radioactivité sera ensuite mesurée en laboratoire.
Novembre 2021
Création du collectif Piscine Nucléaire Stop, à la suite de la première réunion de concertation préalable sur le projet EDF de construire une installation d’entreposage sous eau de combustibles usés sur le site d’Orano-La Hague.
26 février 2022
Premier rassemblement festif, sous forme de carnaval, à Beaumont-Hague organisé par Piscine Nucléaire Stop.
18 juin 2022
Manifestation d’environ 1 000 personnes à Cherbourg-en-Cotentin contre le projet de nouvelles piscines EDF à la Hague.
La mobilisation fait parler d’elle jusqu’au Japon, comme ici dans le Mainichi Newspaper. Photo : Guy Pichard
1 mars 2023
ZAD des chèvres. Installation d’un «Zone A Déchets» sur le rond point des chèvres jouxtant l’usine Orano et les terrains prévus pour la construction des piscines.
Photo : Piscine Nucléaire Stop
14 mars 2024
150 manifestants ont défilé à Vauville, près de la Hague, pour le troisième carnaval organisé par Piscine Nucléaire Stop.
Photo : Guy Pichard
3 septembre 2024
L’EPR de Flammanville démarre.
Photo : CC – JKremona
Cette frise chronologique n’est pas exhaustive. Si vous voulez nous aider à la compléter, n’hésitez pas à nous écrire : contact@grand-format.net
Un article de Guy Pichard, avec Simon Gouin et Marylène Carre
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