Octobre 2025

Les ressourceries, lieux de résistance écologique et sociale

Nolwen Gouhir et Marine Thomann

Depuis 2017, à Landisacq près de Flers, la ressourcerie Les Fourmis Vertes redonne vie aux objets… et surtout aux liens entre habitants. Portée par un élan citoyen, elle est devenue un véritable projet fédérateur pour tout un territoire, réunissant bénévoles et salariés autour de trois valeurs : réemploi, insertion et convivialité.

Evelyne et Lili sont bénévoles aux Fourmis Vertes.

L’aventure commence avec Dimitri Lecoq, un porteur de projet convaincu de l’urgence d’agir face à l’accumulation des déchets dans le bocage. Si l’idée de créer une ressourcerie suscite d’abord la méfiance de certains élus et habitants, elle réussit néanmoins à rassembler rapidement une communauté engagée. Dimitri parvient à fédérer bénévoles et partenaires autour de sa vision, et son énergie de mobilisation est aujourd’hui encore saluée, notamment par Morgane Kot, actuelle responsable de la structure.

Dès le départ, Les Fourmis Vertes est pensée comme un outil au service à la fois du territoire et de l’inclusion sociale. Accompagnée par l’ARDES (Association régionale pour le développement de l’économie solidaire), la structure se dote dès ses débuts de statuts solides, d’un fonctionnement clair, et s’entoure de partenaires variés. Lorsque Morgane rejoint l’aventure en 2021, elle découvre un projet déjà bien structuré : « Je me suis demandé ce que j’allais pouvoir apporter de plus ! », confie-t-elle en souriant.

Morgane Kot, responsable des Fourmis Vertes.

Aujourd’hui, Les Fourmis Vertes, c’est une équipe de 10 salariés (5 ETP) dont 5 postes en insertion, 45 bénévoles et une vingtaine de stagiaires chaque mois. Mais l’essence même du projet reste la mobilisation citoyenne. « Si demain les bénévoles s’arrêtent, la ressourcerie s’arrête », rappelle Morgane. Ici, on donne des objets, certes, mais aussi de son temps. Chacun s’implique selon ses envies et disponibilités : des temps de convivialité rythment la semaine, et chaque journée commence autour d’un café partagé. Evelyne et Lili, bénévoles fidèles, reviennent chaque mercredi : « Nous, ce qu’on aime, c’est la déco… et se retrouver ! », confient-elles avec enthousiasme.

Pour garantir un fonctionnement collectif, la gouvernance est organisée de façon collégiale. Une coprésidence anime un conseil d’administration actif composé de 13 membres, qui prend les grandes décisions. Un bureau plus restreint accompagne la direction dans la gestion quotidienne, et des temps collectifs permettent d’échanger et de décider ensemble. Cette dynamique démocratique s’appuie aussi sur un modèle économique hybride : appels à projets, contrats aidés, FONJEP, soutien de la part d’éco-organismes via les filières de la loi AJEC (REP), subventions spécifiques (ADEME pour la sensibilisation), vente d’objets, prestations, etc. Enfin, en tant qu’entreprise d’insertion, la structure bénéficie également d’un financement de l’État.

Salarié depuis 1 an et demi, Greg travaille aux côtés de Patrick, bénévole depuis le premier jour. Ils testent et réparent les machines à laver, récupérées notamment dans les grandes enseignes, dans le cadre des engagements d’Écosystème en faveur du réemploi.

Tong est en contrat d’insertion aux Fourmis Vertes.

Au-delà de sa mission environnementale et sociale, la ressourcerie est surtout devenue un lieu de vie. Plus qu’une recyclerie, Les Fourmis Vertes est un espace de rencontres où les mondes se croisent. « On peut y retrouver un ancien pharmacien notable et un militant cégétiste, côte à côte ! », sourit Morgane. Ce mélange des genres, cette capacité à « faire communauté », résume sans doute la plus belle réussite du projet.

Le rayonnement de la ressourcerie dépasse d’ailleurs les limites de Flers, « on est une sorte de convergence des territoires » s’amuse Morgane. Les habitants de communes voisines comme Tinchebray-Bocage ou Domfront viennent, mais les habitants du Calvados et de la Manche franchissent également les frontières départementales pour se rendre à la ressourcerie.

Forte de son expérience, l’équipe partage volontiers ses conseils à ceux qui souhaiteraient se lancer. Morgane insiste sur trois points clés :

*Bien s’entourer : réaliser un diagnostic territorial (avec l’ADEME, par exemple), et s’appuyer sur des réseaux comme le TRAF pour vérifier la faisabilité.

*Anticiper l’usure : le « syndrome de Sisyphe » guette — trier, vider, revendre… sans fin. L’insertion permet de renouveler les énergies régulièrement grâce à la limitation à deux ans des contrats.

*Prévoir l’adaptation au bâti : en zone rurale, les bâtiments sont souvent mal isolés et l’accès au foncier reste un vrai défi.

Anaïs, ancienne volontaire en service civique, est aujourd’hui bénévole avec sa mère Sylvia. « J’ai toujours consommé de la seconde main et fait les brocantes. Je ne vois pas l’intérêt d’acheter du neuf quand tant d’objets réutilisables existent déjà. », confie Sylvia.

Un lieu qui fourmille d’idées !

Malgré les obstacles, Les Fourmis Vertes continuent d’innover. Après avoir surmonté la crise du Covid et plusieurs transitions internes, elles développent de nouveaux projets : atelier de menuiserie, terrain d’aventure low-tech dans les quartiers ou encore le « Fourmibus » pour faciliter l’accès à la ressourcerie aux habitants sans voiture. À terme, l’équipe rêve de transformer la ressourcerie en véritable espace de vie sociale : un lieu de coopération, de rencontres et de solidarité encore plus affirmé.

Les Fourmis Vertes sont ouvertes le mercredi de 14h à 18h, le jeudi de 9h à 12h30, le vendredi de 14h à 18h et le samedi de 9h à 12h30 et de 14h à 18h.

Pour en savoir plus :

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Le site internet

Texte : Nolwen Gouhir. Photos : Marine Thomann

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