Mai 2025

Garden Party

Aurélie Augé (photos, textes et sons)

Bien que la Manche soit un territoire fortement rural et le premier département agricole normand, je constate au fil de mes rencontres l’existence de nombreux jardins, qu’ils soient familiaux ou partagés. Comme nous l’évoquions dans les précédents épisodes, la motivation des jardinières et jardiniers n’est pas toujours celle de l’autosubsistance alimentaire. Le jardin est aussi un espace de sociabilisation, un lieu dans lequel des liens se tissent.

Au cœur du quartier Claires-Fontaines, à Coutances, près d’un arbre, une cabane de jardin prend place aux pieds des immeubles d’habitations. Elle se réveille avec joie les mercredi matins pour faire se rencontrer les publics des différentes associations partenaires que le jardin rassemble. Mercredi 30 août 2023, je croise Marc, salarié à l’AFPA, venu au jardin avec quelques personnes primo arrivantes. De retour de vacances, Michaël, éducateur au Foyer occupationnel d’accueil, observe avec attention les évolutions au jardin avec Isabelle, médiatrice sociale de l’espace de vie sociale du quartier, pour organiser au mieux les missions de la matinée et des prochaines semaines. Alors que les citrouilles tracent au sol, les pommes de terre ont été ramassées et les fleurs du jardin ont permis de composer de jolis bouquets. Il reste même quelques myrtilles !

Une trentaine de personnes sont réunies aujourd’hui au jardin, créé depuis 2015. Certaines s’activent, binette à la main, d’autres profitent du moment, assises sur le banc à l’ombre du platane qui jouxte le four à pain réalisé il y a peu. Chacun se sent libre de faire ou pas. Le café servi en fin de matinée offre un moment convivial et les sourires se dessinent sur les lèvres.

Denis est un des plus assidus au jardin. Il est adhérent au groupe d’entraide mutuelle Arrimage.

Cliquez sur le lecteur ci-dessus pour écouter Isabelle et Denis et leur engagement au jardin.

Lors de ma venue au jardin au début du Printemps, j’avais eu l’occasion de rencontrer Jacqueline, habitante du quartier depuis une vingtaine d’année et familière au jardin depuis 2016. Étant sur le point de déménager, elle me racontait avoir planté son rosier au jardin, faute de place dans son prochain logement pour l’accueillir. J’aime l’idée que le végétal puisse ainsi se partager, se transmettre ou se multiplier comme autant de souvenirs.

Patrick, en France depuis novembre 2022 et arrivé à Coutances en janvier 2023, photographié lors de son premier jour au jardin, motivé à donner un coup de bain pour préparer la parcelle.

Vendredi 28 juillet 2023, j’ai rendez-vous avec Lydia Crépin, animatrice et référente environnement au centre social L’Agora, à Granville, pour découvrir les jardins qu’elle accompagne. Elle me raconte la genèse du jardin partagé du quartier Saint-Nicolas en 2011 pour lequel un groupe d’habitants s’est mobilisé à chaque étape du projet : visites de jardins existants, choix de l’emplacement, division des parcelles ou encore construction de la cabane. Aujourd’hui, le jardin compte 23 petites parcelles individuelles et une parcelle collective.

Cliquez sur le lecteur ci-dessus pour découvrir l’histoire du jardin partagé du quartier Saint-Nicolas à Granville.

La cabane collective du jardin partagé du quartier Saint-Nicolas abrite les outils de jardinage. Elle offre également un espace partagé pour discuter à l’ombre. Ses gouttières reliées à des récupérateurs d’eau participent à l’arrosage des jardins.

Dans le jardin partagé du quartier Saint-Nicolas, où fleurs, fruits et légumes se côtoient.

Lundi 10 juillet 2023, j’ai rendez-vous avec Eva De Azevedo, salariée de l’association Graines de Partage depuis octobre 2022 dans le jardin partagé situé au Haras de Saint-Lô. L’association, créée en 2018 par les membres du collectif des Incroyables Comestibles, développe la sensibilisation des habitants au jardinage en permaculture, au compostage, et aux bonnes recettes de saisons ! Elle accompagne également les Incroyables Comestibles dans leurs démarches pour créer des jardins dans l’espace public de la ville.

Le jardin est ici un lieu d’expérimentations, d’apprentissages et de rencontres. Il est aussi un espace de sensibilisation à la biodiversité. Les jardins s’essaiment pour accueillir le vivant.

Récupérateurs d’eau de pluie et palettes, alliés des jardinières et jardiniers du jardin partagé au Haras de Saint-Lô.

Jardiner devient un acte engagé, un moyen de se donner un pouvoir d’agir, de faire ensemble pour retrouver des espaces publics qui permettent de se retrouver.

Cliquez ci-dessus pour découvrir l’engagement et les actions de l’association Graines de Partage et des Incroyables Comestibles à Saint-Lô.

Annick a affronté la pluie ce dimanche pour planter les salades et déplacer les capucines – 31 mars 2024, jardin partagé de Saint-Lô

Dans la serre du haras, ouverte à toutes et tous, l’espace est convivial. Il accueille les semis, à l’abri. Il est même possible d’y télétravailler, un œil sur les bourdons venus se régaler des fleurs de bourraches.

Partage des savoir-faire et expérimentations au jardin partagé. Ici rien ne se perd ! Les palettes se sont transformées en mobilier dans la cabane en osier vivant.

Au jardin, il est question de collaboration, entre le végétal et son environnement, entre vivants. Ils s’y jouent des essais, des méthodes, des gestes précis qui dansent avec les aléas.

Peut-être est-ce ici que se situe le monde des possibles, le jardin comme lieu d’attention à l’autre, comme espace politique et utopique.

Un grand merci aux jardinières et jardiniers rencontrés dans :

Les jardins familiaux, le jardin partagé permacole du Haras, les jardins de la Société d’horticulture du Hutrel – Saint-Lô

Les jardins familiaux, le jardin partagé du quartier Claires-Fontaines, Coutances

Le jardin partagé porté par l’Association Echanges réciproques de savoirs – Agon-Coutainville

Le jardin partagé porté par le Centre Social L’Agora – Granville

Le jardin partagé de M.Mahé – Regnéville-sur Mer

L’exposition Garden Party est visible au CAUE de la Manche du 23 mai au 17 août – 2 place du Général de Gaulle, Saint-Lô

Aurélie Augé

Aurélie Augé rencontre la photographie au cours de ses études en histoire de l’art et en anthropologie. En 2008, elle mène un travail de terrain au Ghana. La photographie devient alors un véritable allié pour garder en mémoire les émotions vécues au fil de ses pérégrinations. Peu à peu, Aurélie compose un carnet de voyage et d’impressions pour partager une expérience personnelle. Depuis, le médium photographique est le moyen d’explorer des thématiques qui lui sont chères. Pratiquant la danse, elle s’intéresse au corps biologique et sensible, et à son rapport aux lieux et à l’espace. S’interroger sur les traces, les empreintes, questionner les paysages, rendre compte de ses textures et aspérités. Par son implication au sein du CAUE de la Manche depuis 2016, son approche s’enrichit de la pluralité des regards portés sur les territoires et de la conscience que chacun d’entre nous, par ses gestes et ses choix, façonne les lieux et en fait partie. Par une approche documentaire, Aurélie Augé cherche à partager une poésie du quotidien, à saisir ce qui s’offre au regard, encourageant l’émerveillement.

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