Une association qui relooke les demandeurs d’emploi, une autre qui prend soin du moral des étudiants, ou de celui des seniors, des étudiants qui accompagnent les enfants des quartiers, des associations engagées pour la biodiversité… Voici une série de reportages auprès de celles et ceux qui ne veulent pas rester inactifs face à une société parfois excluante.
Agir pour changer la société
Chloé Mateo est coordinatrice des colocations à projets solidaires pour l’Afev de Caen. Elle accompagne au quotidien 53 jeunes sur la création de projets pour animer et dynamiser bénévolement leurs quartiers.
Dans les bureaux de l’Afev, notre interlocutrice nous propose au choix café ou thé. La jeune femme de 24 ans se présente, « Je travaille sur les colocations à projets solidaires de l’Afev depuis juillet dernier. » L’association AFEV (qui signifie association de la fondation étudiante pour la ville) a été créée en 1992, par trois étudiant·es. Indignés par les inégalités, ils veulent réagir et font le pari que la jeunesse et notamment les étudiant·es, peuvent réduire les inégalités, en particulier éducatives. Leur idée consiste à faciliter la rencontre entre les étudiants et les quartiers. Sur ce principe, l’association œuvre à travers deux grands programmes : le mentorat bénévole dans les quartiers, qui consiste à accompagner un jeune en difficulté scolaire, et les colocations à projets solidaires Kaps (un loyer modéré en échange d’animer des actions dans le quartier).
Chargée du mentorat à l’Afev de Caen, puis responsable des « Kaps » de Caen et d’Hérouville-Saint-Clair, Chloé Matéo revient sur son entrée à l’Afev. « Quand j’étais étudiante, j’étais partie pour souffler en plein milieu d’un cours et sur une porte il y avait une affiche de l’association », raconte-t-elleavec un sourire amusé. « Je me suis renseignée pour faire un service civique à l’Afev après mon master en Histoire moderne pendant lequel j’ai passé mon BAFA et mon BAFD (diplômes d’animateur et de directeur de centres de jeunesse). »
« Je cherchais à m’engager dans une association qui ait du sens pour moi, confie Chloé. À peu près en même temps, je me suis engagée à la Croix rouge. » La sensation pesante de solitude pendant sa dernière année d’étude l’a poussée à s’engager : « On était dix en Master 1 et je suis la seule à être passée en Master 2. Je devais faire beaucoup plus de travail que les autres, en plus l’histoire c’est une discipline où tu es dans des archives, tu ne parles à personne. J’avais besoin de voir du monde. »
Mais son engagement ne découle pas d’un besoin à combler sa solitude. « Mes parents ne sont pas très engagés mais mes grands-parents l’étaient. J’ai eu la chance de les connaître. » Grâce à eux, elle a acquis des valeurs fortes :
« Je parle du principe que je n’ai pas le droit de me plaindre de la société si je ne fais rien pour essayer de la changer. »
« Agir à notre échelle »
« On agit sur des choses qui sont petites pour certaines personnes, mais qui peuvent changer les choses. » Chloé réalise auprès des bénévoles « Kapseurs » des actions qui profitent aux enjeux sociaux et environnementaux, comme par exemple des repas auprès des seniors ou bien la création d’un compost dans un quartier.
« Le bénévolat, c’est pour donner. »
Son choix a été de prendre le chemin ayant le plus de sens pour elle. « La plus grande valeur c’est le partage, c’est ça qui m’anime. » Animatrice auprès des jeunes dans un quartier prioritaire en plus de ses études, c’est cela qui lui a fait prendre conscience de la valeur de la diversité des quartiers : « Quand on les connaît, c’est une richesse de la vie. Ma richesse elle est ailleurs que dans l’argent. […] la richesse humaine est plus valorisante. » Et c’est avec cette vision de la vie que Chloé guide ces kapseur·reuses : « Si tu fais du bénévolat pour attendre quelque chose des autres, c’est que tu n’as pas ta place ici. Le bénévolat, c’est pour donner. Et moi, je suis quelqu’un qui préfère donner que recevoir » nous dit-elle.
Lors de notre rencontre avec les jeunes Kapseur·reuses que Chloé accompagne, tous nous ont parlé des bénéfices de leurs engagements. Ils ont pu apprendre à être patient et à vaincre leur timidité à travers les petites actions qu’ils ont réalisé à leur échelle, mais avec un vrai impact.
Doriane Samson et Laura Pépin
« L’habit ne fait pas le moine, mais il y contribue »
Depuis 2015 à Caen, La Cravate Solidaire accompagne les personnes en réinsertion professionnelle à préparer leur entretien d’embauche. Avec les bons arguments et le bon costume.
Mercredi 13 novembre 2024, dans la salle Gutenberg à Caen, est organisé l’évènement « Tous unis contre les discriminations ». Une fresque sur les discriminations est affichée sur la scène, des cravates accrochées à toutes les chaises. Autour des tables, des petits groupes débattent. L’ambiance est chaleureuse.
Organisée par l’antenne de Caen de l’association La Cravate Solidaire, cette matinée a pour objectif de sensibiliser le public sur les discriminations dans le monde du travail. Au programme : des ateliers ludiques et une table ronde animée par des invités comme Joyce Lawson, juge aux prud’hommes de Nanterre et Christophe Delabre, co-leader « les entreprises s’engagent » du Calvados et président d’entreprises.
Créée en 2012 par trois jeunes diplômés parisiens, La Cravate Solidaire s’attaque à un problème souvent occulté : les discriminations liées à l’apparence vestimentaire lors des entretiens d’embauche. « Quand on n’a pas les moyens ou les codes, on part avec un désavantage face à un recruteur », explique Rène Tsiro, responsable de développement de l’antenne caennaise de la Cravate Solidaire. Celle-ci a été créée en 2015 et compte aujourd’hui trois salariés et plus de 70 bénévoles.
« L’association fait des ateliers. Le plus célèbre, c’est l’atelier coup de pouce où on aide les gens pour leurs entretiens en intervenant sur l’image : un temps d’accueil qui peut se passer dans les dressings et des simulations d’entretien avec les bénévoles RH. » Les vêtements sont issus de différentes collectes auprès des particuliers, dans les entreprises solidaires et des marques de textile qui donnent les invendus et les fins de série. « On a du neuf et de la seconde main. Pour la seconde main, il y a un gros travail de tris, parce que les vêtements doivent être propres, en bon état et respecter la charte. »
La Cravate mobile, un dressing sur la route
À la fin de l’événement, tout le monde se retrouve autour d’un buffet cuisiné par un restaurant du quartier. Les gens sourient, animés par la même cause. Les bénévoles et les salariés circulent au milieu de la foule, l’équipe est soudée. La présence d’élus locaux comme Baya Mokhtari, maire adjointe d’Hérouville-Saint-Clair et Théophile Kanza Mia Diyeka, conseiller municipal de la ville de Caen, confirme l’engagement de l’association sur son territoire.
Malgré son succès, La Cravate Solidaire fait face à des défis. « Nous devons chercher constamment des financements », explique Rène Tsiro. L’association répond à des appels à projets publics, reçoit des dons privés et noue des partenariats avec des entreprises. Elle rêve désormais d’une Cravate mobile : un camion aménagé pour intervenir dans les zones rurales où les besoins sont criants. « Ce serait un véritable atout pour étendre notre action à travers toute la région », affirme Rène Tsiro.
L’association fête ses dix ans en 2025 et espère poursuivre son engagement avec ses bénévoles et ses partenaires pour sensibiliser sur la question de la discrimination.
Esther Perrot et Léa-Cassandre Tir
Du Bessin au Népal : une solidarité qui traverse les frontières
L’association bayeusaine Du Bessin au Népal œuvre depuis 2012 pour la survie et le développement durable de Dhye. Face aux faibles précipitations, dues au réchauffement climatique, le petit village népalais a dû déménager.
C’est à plus de 7 297 km de Bayeux que les villageois de Dhye récoltent des pommes sous la chaleur. L’association Du Bessin au Népal, à la demande des villageois népalais, apporte des compétences techniques et des soutiens financiers afin de les aider à aller au-delà de ce qu’ils peuvent accomplir par leurs propres moyens. Elle propose de partager des moments de convivialité solidaire et des rencontres. Le comité organise des voyages découverte au Népal. « En petit groupe, pas plus de six personnes », indique Michel Houdan le coordinateur du projet de Dhye.
Dhye : un village à sauver, un projet en action
Le projet a été lancé en 2005 par les villageois de Dhye et des Normands, et s’est renforcé en 2012 avec l’appui de l’association Du Bessin au Népal. À ce jour, 85 % du projet d’installation du village à Thangchung est achevé. Cela inclut la construction de bâtiments provisoires pour loger les villageois participants au chantier, ainsi que l’édification d’une école, d’un dispensaire et de maisons. Parallèlement, un projet de plantation et de développement économique durable a vu le jour. Des canaux d’irrigation ont été creusés en collaboration avec des ONG spécialisées dont Électriciens Sans Frontières. La plantation de pommiers promet une activité économique durable par la vente de fruits frais et séchés, et par leur transformation en jus.
Une association portée par 250 membres
Le projet est porté par le conseil d’administration de l’association Du Bessin au Népal, composé de 12 membres originaires du Bessin et du Calvados. « Les membres du conseil et les bénévoles partagent un fort intérêt pour le projet, et l’implication des villageois les encourage à s’investir encore davantage », affirme le coordinateur avec fierté. Leurs motivations sont diverses : certains viennent par curiosité, d’autres contribuent financièrement ou physiquement, tandis que d’autres s’investissent en apportant leurs compétences d’experts. Au total, l’association comprend 250 membres. « Au fil des années, des liens solides se sont tissés entre la France et le Népal, et ils continuent de se maintenir en ligne », explique-t-il.
« Nous nous efforçons de laisser le comité de village maître de son propre projet. »
Un compromis entre deux parties
Une convention de partenariat a été signée par les deux parties pour garantir la liberté des villageois. L’association n’a le droit de proposer que des options. Aussi, par le biais d’une délégation, l’association représente, dans les démarches, les Népalais en Europe. « Nous nous efforçons de laisser le comité de village maître de son propre projet », insiste Michel Houdan. Le comité du village de Dhye est constitué d’un représentant de chaque famille.
Un projet financé par tous
L’association parvient à vivre grâce aux dons récoltés lors des événements. Elle participe directement au financement du projet de Dhye et sollicite des fondations. Ainsi la moitié des maisons construites à Dhye sont financées par la Fondation Abbé Pierre ; les autres par l’association Du Bessin au Népal et ses partenaires associatifs. Par exemple, la construction d’une maison coûte 16 163 €. Du Bessin au Népal fournit les matériaux à hauteur de 11 200 €.
Candice Delente et Marion Mangeleer
La Capsule, une bulle de convivialité pour les étudiants
L’association étudiante de l’Institut Régional du Travail Social, à Hérouville-Saint-Clair, aide les étudiants à se sentir chez eux, en leur apportant l’aide dont ils ont besoin.
La première association étudiante, créée en 2005, s’appelait les CASOS 14. Son objectif était d’ouvrir une salle permettant aux étudiants de se retrouver. L’association s’est dissoute avant de l’avoir atteint et ne s’est reformée qu’en 2020 sous le nom d’Association Etudiante IRTS (AEI). À l’époque, il n’y a plus de restaurant scolaire et le nouvel objectif est d’ouvrir une salle dédiée aux étudiants pour qu’ils puissent manger le midi et boire un café. C’est ainsi que la Capsule, espace de détente et de convivialité, est née. À partir de là, l’association a décidé de s’attaquer à la question de la précarité étudiante. Un sujet qui tient particulièrement à cœur à Augusta, la secrétaire de l’association.
Du café, des livres et un sondage
« L’AEI met à disposition des couverts, des livres, des instruments de musique, des protections hygiéniques. Elle propose du thé, du café et de la nourriture en accès libre. » Des activités sont proposées comme des goûters et des soirées d’intégration. Surtout, « les étudiants en difficultés peuvent se confier auprès de leurs tuteurs pour évoquer leur situation, explique Manon, la présidente. Cela permet de créer des liens et une relation de confiance ».
En début d’année scolaire, ils ont eu la volonté de mettre en place de nombreuses actions, comme la vente de sweat avec l’inscription du logo de l’association et celui de l’IRTS, des soirées à thème dans le cadre de Noël ainsi qu’un projet de sondage afin de recueillir la parole des étudiants.
L’association peut compter sur ses adhérents pour organiser les différents projets. Samuel, le trésorier, a commencé à faire la passation avec les premières années. « L’objectif est de valoriser l’entraide entre les étudiants. »
En plus de leur vente de sweat, ils ont la chance de recevoir beaucoup de dons, pour équiper la Capsule (micro-ondes, instrument de musique) et les étudiants (matériel scolaire, protections hygiéniques…). Tout est gratuit pour les étudiants. L’an dernier, l’association a reçu un cadeau de noël anonyme. « Nous sommes arrivés un matin et il y avait un petit carton avec une inscription : Cadeau pour la Capsule, de la part du Papa Noël. » À l’intérieur, ils ont trouvé une enceinte. Depuis, la musique résonne dans la Capsule.
Ilona Romain
Protéger les oiseaux contre l’agriculture intensive
Depuis ce début de siècle, les populations aviaires voient leurs populations chuter à une allure effrayante, en particulier dans les régions littorales. Plus de 50 % des individus identifiés ont disparus. La Ligue de Protection des Oiseaux veut ralentir leur déclin.
Les chaises de la salle de réunion raclent le sol alors que leurs occupants se préparent lentement à quitter. C’est ici, dans cette salle d’une petite mairie bretonne, que se rassemble tout les quelques mois les représentants des associations pour la biodiversité. Des membres de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, de la Fédération Connaître et Protéger la Nature, des représentants de l’Atlas Communal Biodiversité, tout ce beau monde se rejoint régulièrement pour discuter de ce qui a été effectué, de ce qui est en cours, mais surtout, de leurs futurs projets.
« Tout ne pourra pas être sauvé »
La première personne à sortir est Denise Mazeau. Elle est bénévole et administratrice au sein de la LPO Loire-Atlantique, sur la coordination et les différentes fonctions de l’organisation. Elle semble fatiguée, et un peu mécontente : malgré le fait que la réunion ait durée plus longtemps que prévu, ils n’ont pas eu le temps d’aborder la totalité des sujets. « Depuis le Covid, notre charge de travail ne fait qu’augmenter » dit-elle. « Nous sommes requis sur de plus en plus d’affaires, et celles-ci sont de plus en plus urgentes. » En tant qu’administratrice, c’était celle qui avait reçu les demandes d’affaires à traiter. Aujourd’hui, les membres avaient discuté de sanctions envers un paysan irrespectueux, de règlement de conflit avec la SNCF, concernant leur destruction d’espace supposés protégés, et l’organisation de futur projets. L’un d’entre eux, le projet Varade, celui de la réhabilitation d’une ferme et de sa location à des fermiers respectueux de l’environnement, venait d’être bouclé.
Même avec ce programme si chargé, les membres de la réunion avaient pourtant dût ignorer certains dossiers. Malgré le travail acharné de ces hommes et femmes, pour la plupart bénévoles, tout ne pourra pas être sauvé : leur dévotion, pourtant si énorme, ne suffit pas à tout couvrir, et les nouvelles recrues sont peu nombreuses et prennent du temps à être formées. Ils manquent de personnel de terrain, notamment pour les opérations de recensement, ils manquent aussi de personnel administratif. Et malgré le fait que leur combat est perdu d’avance, qu’ils ne pourront jamais boucler tout leurs dossiers, ils continuent à marcher de l’avant, car ils savent que personne ne le fera à leur place.
Elliot Manoury
Un demi-siècle de lutte pour l’écologie en Normandie
Le CREPAN regroupe depuis 1968 des particuliers et des associations qui luttent pour la protection de l’environnement en Normandie. Il compte aujourd’hui un millier d’adhérents.
Lorsque Claudine Joly prend la direction du CREPAN, en 2009, il n’y a que des bénévoles. C’est à ce moment-là que l’association commence à se professionnaliser. Elle compte aujourd’hui une dizaine de salariés. Avec son mari agriculteur, Claudine vit sur l’exploitation agricole. Vétérinaire et agricultrice, elle décide à 52 ans de passer une maîtrise de gestion environnementale pour parfaire ses connaissances en espaces agricoles et environnementales. « Je voulais m’engager collectivement pour l’écologie. » Le CREPAN, qui signifie Comité Régional d’Étude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature en Normandie, fait partie du mouvement national France Nature Environnement (FNE). « Sa mission est surtout d’informer les élus locaux et le public sur les enjeux de la biodiversité tout en participant au débat public », précise Claudine Joly. « Ce qui divise les associations de protection de l’environnement, ce sont les questions des énergies renouvelables, et notamment l’énergie nucléaire et les parcs éoliens offshore. »
Au-delà des partis…
Le CREPAN a toujours travaillé avec la ville de Caen, quelle que soit sa couleur politique, et est régulièrement invité dans les instances officielles, comme le conseil local de la nature en ville. « On sollicite notre avis, même si notre influence reste limitée », tempère la présidente. L’association plaide pour plus d’espaces verts dans les aménagements de nouveaux logements en ville. Elle promeut la végétalisation des pieds de mur et à ce sujet, elle fait le point une fois par an avec le service espace vert de la ville.
Les relations sont plus compliquées avec le Conseil régional où les sujets de désaccord sont nombreux. Claudine Joly cite en exemple « le projet autoroutier de contournement est de Rouen, porté par la Région, contesté par les associations à cause de l’artificialisation des sols. D’autres sujets nous opposent comme le nucléaire ou le modèle d’agriculture productiviste défendus par la Région. »
Néanmoins, le CREPAN ne se positionne pas politiquement et défend un rôle d’expert écologique, qui lui permet jusqu’à maintenant de pouvoir bénéficier de subventions publiques.
… une question de survie
Le CREPAN réunit beaucoup de jeunes retraités compétents. « Les jeunes engagés dans ces causes en font leur profession et partent du milieu associatif, constate Claudine Joly. Les plus jeunes ont aussi du mal à s’investir quand ils voient le peu de résultats obtenus sur le plan environnemental. »
Le CREPAN dénonce une « vision réductive véhiculé par les médias, qui traitent rarement des sujets sur le fond et décrédibilisent la parole écologique, en assimilant les écologistes à des utopistes ou des extrémistes ». Il y a pourtant urgence à agir, « car l’écologie n’est pas une question politique mais de survie ».
Augustin Darondel et Noa Touvet
Des postiers d’amour pour les seniors
Depuis 2020, l’association 1 Lettre 1 Sourire sort les seniors de leur isolement en leur envoyant des lettres manuscrites, écrites par des jeunes.
2020, le premier confinement est annoncé ; c’est le début d’un isolement forcé. Dix cousins, de 14 à 24 ans, étudiants ou scolarisés à Lille, Paris, La Haye, Lausanne ou Madrid, pensent aux seniors privés de visite dans les maisons de retraite. Leurs parents travaillent avec les aînés, aussi sont-ils sans doute plus sensibles que d’autres. « Il faut agir », se disent-ils. Mais comment apporter du réconfort et recréer du lien sans porter atteinte à leur santé ? C’est alors que naît le projet de l’association 1 Lettre 1 Sourire : devenir « postiers » pour envoyer des mots d’amour.
Le projet se fait d’abord au format numérique pour que toute personne volontaire puisse écrire une lettre à un aîné. Ces dernières ont pour but d’être imprimées dans les structures afin de faciliter la prise de contact avec les seniors sans risquer de les contaminer avec la pandémie. Quand les portes des Ehpad se sont à nouveau ouvertes, l’association a continué d’envoyer des lettres, manuscrites cette fois. Le projet s’est même élargi aux seniors isolés à leur domicile.
« La lettre est parfois plus commode pour créer du lien avec les aînés, explique Aymeric Corbé, représentant de l’association en Normandie. Elle permet de transmettre des savoirs et apprendre à se connaître comme à l’époque. »
La lettre est un grand vecteur qui permet de créer des liens. Elle peut être écrite aussi bien par des jeunes qui viennent tout juste d’apprendre à écrire que par des personnes adultes. Nous avons beaucoup à apprendre des aînés : c’est pourquoi l’association propose des ateliers au sein des écoles et des résidences pour sensibiliser les jeunes et favoriser un lien intergénérationnel. « Il ne faut pas marginaliser les seniors comme si l’Ehpad était une fin de course. »
Des bénévoles dans toute la France
A l’origine, les dix cousins fondateurs ont mis leurs compétences au service de l’association. Certains sont ingénieurs, comédiens, commerciaux ou littéraires. Ils vont créer un site, faire de la com, animer des ateliers. Et surtout recruter beaucoup d’autres jeunes qui, comme eux, vont mettre leurs compétences à profit, devenant « ambassadeurs » bénévoles de l’association sur les territoires, auprès des établissements.
L’association est aujourd’hui dépendante de subventions et d’appels à projets publics et de mécénats privés. Elle travaille avec de nombreux partenaires associatifs localement. Elle compte trois salariés au siège central à Paris et rayonne sur les territoires grâce aux bénévoles. De nombreux jeunes sont intéressés pour faire des stages ou leur service civique. « Cette synergie fait la vie de l’association et permet son développement », poursuit Aymeric Corbé. Aujourd’hui 1600 établissements en France sont inscrits pour que leurs résidents reçoivent des lettres. « On reçoit du courrier en français, en anglais, en allemand, en espagnol et en néerlandais de plus de dix pays. »
Des postiers à vélo
Portant les valeurs de la simplicité et de la flexibilité, l’association réalise des ateliers au sein des résidences et parfois auprès des seniors à domicile. En 2023, grâce aux services civiques, un tour de France à vélo des structures seniors – essentiellement des Ehpad – a été organisé. L’initiative a beaucoup plu aux structures d’accueil et a essaimé. Ainsi en août 2024, l’idée d’un tour intergénérationnel, entre un parent et son fils a germé dans le Calvados. Le binôme proposait des activités et transmettait des courriers entre les résidences seniors.
Aglaë Poindessault et Bénédicte Osmont
NORMA fait bouger les musiques actuelles en Normandie
NORMA soutient la scène musicale actuelle en Normandie. L’association, basée à Hérouville-Saint-Clair, accompagne les artistes, fédère la filière et fait remonter les observations du terrain.
9h08. Il fait froid, le verglas a recouvert la chaussée suite aux importantes chutes de neige de la veille. J’ai failli chuter plusieurs fois d’ailleurs. Le bus me conduit vers le Pentacle, dans la zone d’activité Citis, où siège l’association NORMA. Pour Normandie Musiques Actuelles, anciennement connue sous le nom du FAR. Elle met tout en œuvre pour promouvoir la scène musicale régionale et permettre aux artistes normands de développer leur activité en ayant accès à studios d’enregistrement ou les labels indépendants régionaux.
Arrivé devant le Pentacle. Une façade de verre et de tôles. Le soleil s’est levé mais il fait toujours aussi froid. Je suis accueilli par Aurélie Étienne, responsable de la communication, qui m’emmène directement vers son bureau, au premier étage. « Je vous montre le chemin, on peut parfois s’y perdre » me dit-elle. Elle m’explique qu’en effet, le Pentacle est le siège d’autres associations que NORMA, ce qui explique le nombre de portes.
Auréie se présente rapidement : responsable de la communication et des partenariats, elle faisait partie du FAR, la structure qui précédait NORMA. Elle m’explique ensuite l’histoire de l’association, « née de la fusion du FAR et du réseau RMAN, chargé de fédérer les acteurs des musiques actuelles en Normandie, au moment où les régions Haute-Normandie et Basse-Normandie ont-elles aussi fusionné en 2016. L’idée était d’avoir une seule structure référente pour les partenaires ». La dénomination « musiques actuelles » regroupe différents styles musicaux allant des musiques amplifiées (rock, métal) aux musiques traditionnelles en passant par le jazz.
Développer les musiques actuelles sur le territoire
NORMA vise à faciliter l’accès aux aides, l’accompagnement et la formation des artistes normands. L’association est subventionnée par l’Etat via la DRAC [ndlr : Direction régionale des affaires culturelles], ainsi que par la Région. Mais le lien est même plus ancien. « Avant NORMA, il existait des missions Musiques actuelles qui descendaient du ministère de la Culture. L’idée était la même : avoir des antennes, des référents au sein de chaque région. »
L’autre objectif de l’association est de développer les musiques actuelles en région. Pour cela, elle dépend du Centre National de la Musique. NORMA lance des appels à projets régionaux pour répondre aux besoins identifiés sur le territoire. Pour identifier ces problématiques, des réunions territoriales ont lieu deux fois par an dans chaque département avec les artistes et les acteurs de la musique.
Et la place des femmes ?
« L’idée c’est d’abord l’interconnaissance. On se rend compte que sur un même territoire, les différents acteurs ne se connaissent pas forcément ». L’association va ainsi écouter, prendre en compte les difficultés entendues lors de ces réunions et amener des solutions pour pallier à celles-ci. « C’est une méthode de concertation » me dit-elle. Comme le rappelle la responsable, il y a des difficultés communes : manque de formation, besoins matériels, besoins techniques… « C’est vraiment cette notion de travailler en réseau, aussi dans un objectif d’économies mais pas que. »
Il y a un vrai travail aussi sur la place des femmes dans les musiques actuelles. « Les chiffres sont parlants, les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes et même dans un groupe, on se rend compte qu’elles n’ont souvent pas la place de leader ». Pour illustrer son propos, je lui cite une actualité récente : le départ de la chanteuse du groupe L’Impératrice, Flore Benguigui, qui a dénoncé un environnement où elle se faisait « rabaisser et humilier » au sein du groupe, comme elle explique dans un article récent de Libération.
Mobilité et environnement
NORMA compte quatre groupes de travail : festivals, développement artistique, transmission-pratique-pédagogie et vie associative. Le but de ces groupes est de discuter, d’échanger sur des thématiques de travail communes afin de réaliser des états des lieux et des études. Études qui vont permettre de proposer par la suite des améliorations à l’administration et aux pouvoirs publics, ainsi que d’inspirer d’autres structures nationales à faire la même chose que ce que NORMA a fait.
Aurélie Etienne prend comme exemple la problématique de la mobilité et de l’environnement, notamment durant le cadre d’un festival : « Comment est-ce que les gens viennent ? Comment les inciter à prendre les transports en commun ? Est-ce qu’il y a suffisamment de trains venant de Paris ? Toutes ces questions sont posées ». Elle me précise aussi que c’est dans un effort commun, notamment pour les questions écologiques, que l’association « accompagne [les autres] à atteindre leurs objectifs ».
Aide aux artistes
NORMA porte un dispositif appelé START&GO aidant les artistes à bénéficier des aides, toujours dans cette volonté d’avoir une seule entrée. « L’idée, c’est que les artistes ne perdent pas de temps à aller à droite et à gauche » m’affirme Aurélie. L’association recueille ainsi tous les dossiers qui sont étudiés par des comités de sélection composés de professionnels régionaux et nationaux pour la neutralité. Après avoir évalué leur qualité et leur diversité musicale, les groupes sélectionnés pourront être retenus dans deux programmes : START, réservé aux artistes émergents, et GO, pour les projets en voie de professionnalisation.
Faire bouger les choses
Au travers de ces actions, je me rends compte qu’on ne peut connaître que la partie émergée de l’iceberg. NORMA n’est pas qu’une association qui vient en aide aux artistes, elle soutient en réalité toute une filière au niveau régional. Vient enfin la question de l’avenir pour l’association. Comment l’envisage-t-elle ? « On avance en fonction de trois enjeux : animer et coopérer, développer notre projet et observer ». L’association avance constamment, évolue en permanence avec les structures, les acteurs. « On est tout le temps en renouveau ; on veut faire bouger les choses, en lien avec les enjeux environnementaux et sociaux actuels. ».
Evan Lefortier