Le Département du Calvados a remplacé l’allocation mensuelle versée aux familles en difficultés, principalement immigrées, par un secours exceptionnel. Le problème est que celui-ci n’est pas garanti, bien au contraire.
Fin septembre, les familles qui bénéficiaient jusqu’à présent d’une allocation mensuelle du Département lorsque leurs ressources ne permettaient pas de répondre aux besoins fondamentaux de l’enfant, ont reçu un courrier de la collectivité: «Suite à la modification du règlement départemental de l’action sociale, le secours exceptionnel enfance famille (ex-allocation mensuelle) dont vous bénéficiez ne sera pas renouvelé au-delà du mois d’octobre 2024. Par conséquent, le dernier versement sera celui du mois d’octobre, sauf changement de situation.» Pour Madame X et son fils, déboutés du droit d’asile, cette allocation de 160 euros représentait la seule aide financière qui leur était accordée. Elle permettait de payer le bus pour aller à l’école ou à la banque alimentaire, la licence de football ou le centre aéré.
Car le 24 juin dernier, le Département, en modifiant son règlement d’action sociale, a remplacé le versement de l’allocation mensuelle par un «secours exceptionnelenfance famille », accordé à la demande d’un travailleur social, à l’issue d’une nouvelle évaluation de la situation qui doit faire état d’une «dynamique familiale» pour s’en sortir.
Or «une famille sans droit au travail ni aux prestations familiales, devant attendre pour déposer une éventuelle demande de régularisation, pourra difficilement se prévaloir d’une «évolution significative» de sa situation», alertent les travailleurs sociaux et les associations d’aide aux migrants. Sans l’énoncer, la mesure cible indirectement les familles immigrées.
«Le choix a été fait, entre deux possibilités d’aides financières prévues par la loi (allocation mensuelle ou secours exceptionnel) de n’appliquer que la moins favorable pour les bénéficiaires», dénoncent des associations et des élus du rassemblement de la gauche et de l’écologie dans un courrier envoyé au président du Département le 20 novembre dernier, demandant le retour au règlement antérieur. «Ce nouveau règlement peut être perçu comme une violence à l’encontre de familles déjà confrontées à un quotidien particulièrement contraint: difficultés d’accès au marché du travail, défaut ou faiblesse des ressources, logement ou hébergement précaire.»
Violence également pour les travailleurs sociaux, qui doivent établir le rapport d’évaluation sociale et expliquer aux familles, dont des femmes seules avec enfants, que l’aide de subsistance ne leur sera plus versée, ou qu’exceptionnellement. Des assistantes sociales du Département expliquent avoir reçu la consigne orale de leur hiérarchie de prévenir les familles qu’il s’agissait du dernier versement de l’allocation, celle-ci « ne devant pas être renouvelée ». En 2024, 1 300 accords d’aides financières versées aux familles auraient dû être signés (en moyenne entre 1 400 et 1 600 selon les années), pour un montant prévu au budget prévisionnel 2024 de 1 265 000 euros. Les dernières allocations sont tombées ce mois-ci. Et après ?
Le Département justifie que « les aides financières sociales ont pour but de soutenir ponctuellement une personne ou une famille et non de se substituer à des ressources minimales et pérennes. Les professionnels du Département assurent l’évaluation des situations des personnes qui s’adressent à eux et en fonction de celle-ci sollicitent (ou pas s’il n’en existe pas) les possibilités d’aides existantes internes ou externes au Département selon les critères de celles-ci. De ce fait, nous ne connaissons pas le nombre de demandes en moins. »
Marylène Carre : lire l’article en entier sur le Poulpe.
Photo : Frédéric Leterrier