La Préfecture de la Manche bloque le projet d’extension de la serre à tomates d’Isigny-le-Buat, dans la Manche. Elle annonce ce 12 novembre ne pas accorder l’autorisation environnementale, en raison notamment de mesures de compensation jugées « insuffisantes », de l’impact sur la ressource en eau qui n’est pas assez évalué, ainsi que les conditions de protection des espèces protégées.
Ce devait pourtant être la plus grande serre à tomates d’Europe : un projet porté par la multinationale hollandaise AgroCare. Celle-ci dispose déjà de deux serres dans la Manche, à Brecey et Isigny-le-Buat, où des tomates qui poussent dans la laine de roche, dopées à l’engrais chimique, sont vendues sur les étals français sous l’étiquette des « Maraichers du Mont-Saint-Michel ». En février dernier, l’entreprise avait déposé un permis de construire pour agrandir la serre actuelle de 12 à 32 hectares d’ici 2026, soit l’équivalent de 46 terrains de football.
L’objectif d’AgroCare, qui a récemment fusionné avec l’entreprise CombiVliet, est d’atteindre les 1000 hectares d’ici 2030 (soit la surface totale de serres chauffées en France en 2022) pour contrôler le marché européen. Dans la Manche, ces usines à tomates font polémique. Les terres ont été rachetées au-dessus du prix du marché au détriment de l’élevage laitier local.Les serres sont éclairées la nuit et chauffées au gaz naturel toute l’année, dénonce l’association environnementale Manche Nature. Et l’entreprise néerlandaise est assez opaque sur les conditions de travail de ces employés, comme le démontre une enquête de Reporterre.
L’entreprise ferait travailler 90 salariés d’Europe de l’Est (Roumains, Bulgares, Lettons, Polonais…) ou de Turquie, qui vivent à l’écart du village, parfois entassés dans des pavillons. Selon un ouvrier rencontré par le journaliste Guy Pichard, il faut ramasser 620kg de tomates par jour, six jours sur sept, 60 heures par semaine.«La chaleur peut monter très haut sous les serres au soleil, c’est arrivé qu’il fasse 46°C.J’ai dû arrêter, je souffrais de sciatique à force de soulever de nombreuses charges et j’ai étébrûlé aux jambes avec du liquide désinfectant.»
Le collectif «Stop Tomates Industrielles» avait remis à la municipalité une pétition de 1700 signatures contre le projet. La Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) avait elle aussi donné un avis négatif à l’extension des serres, désormais confirmé par la Préfecture de la Manche. Le projet est donc bloqué, mais une nouvelle demande de permis de construire pourrait encore être déposée. Le collectif et la Confédération paysanne ont donc décidé de maintenir la manifestation prévue ce samedi 16 novembre à partir de 13h, dans le bourg d’Isigny-le-Buat.
Photo ©Guy Pichard
