L’association Vents Contraires, qui vient en aide aux personnes exilées, dénonce une pratique discriminatoire des services de l’État dans l’accès à l’hébergement d’urgence. La Préfecture répond qu’il s’agit d’un malentendu.
En août 2023, l’association Vents Contraires a été informée de l’existence d’une directive de la Préfecture du Calvados enjoignant le SIAO (service du 115) et les acteurs de l’hébergement d’urgence à restreindre l’accès des demandeurs d’asile et des personnes en situation irrégulière.La directive semblait instituer deux procédures en fonction du statut des personnes : pour les personnes relevant du droit commun, en situation régulière, un contrat de deux mois renouvelable dans les structures d’accueil ; pour les personnes demandeuses d’asile et en situation irrégulière, un contrat de deux mois non renouvelable. Ces personnes risquaient donc de devoir revenir à la rue, avant d’éventuellement réintégrer l’hébergement d’urgence, en repassant par l’évaluation du 115.
Or, l’inconditionnalité de l’accueil est inscrite dans la loi. Le code de l’action sociale et des familles stipule ainsi dans son article L345-2-2 que «toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence». Lors des questions au gouvernement le 27 février 2024, le député du Calvados Arthur Delaporte avait interpellé à ce sujet l’ancien ministre du logement, Patrice Vergriete. Ce dernier lui avait répondu : «Soyez assuré que la procédure de prise en charge des demandes auprès du 115 est la même pour tous les publics en situation de vulnérabilité et en demande d’hébergement, quelle que soit leur situation administrative.» Peu de temps auparavant, le Conseil constitutionnel avait retoqué les passages de la loi immigration portant atteinte au principe d’inconditionnalité de l’accès à l’hébergement d’urgence.
Un document retravaillé
La Préfecture du Calvados conteste l’interprétation de l’association Vents Contraires. Selon elle, cette directive n’instituait pas de différences de traitement, mais s’appuyait sur la réalité du terrain, en concertation avec les associations qui gèrent ces logements, pour permettre un renouvellement des places d’hébergement d’urgence. Depuis 2021, la Préfecture du Calvados a choisi de mettre en place pour tous une durée d’accueil de deux mois, sans besoin de renouvellement quotidien, comme ce qui pouvait se passer auparavant, indique Héloïse Deffobis, directrice adjointe à la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS). La réévaluation qui intervient à la fin de ces deux mois doit permettre de trouver un meilleur accompagnement de chacun, insiste la Préfecture.
Mais pour les demandeurs d’asile ou les personnes en situation irrégulière qui ont la chance d’être hébergés en 115, saturé dans le Calvados, il n’existe bien souvent pas d’alternatives. Des centaines de personnes n’ont pas de solution d’hébergement. Certaines vivent en squat, sous tentes ou dans des conditions préoccupantes. Dans un hôtel de Saint-Contest, qui accueille des familles depuis la fermeture du centre Vanier à la Pierre-Heuzé, il faut cohabiter avec des punaises de lit, témoigne Vents Contraires. «Les services de l’État ont un pouvoir de réquisition des logements vides dont ils refusent de faire usage, même devant la gravité de la situation», déplore l’association.
La Préfecture a récemment retravaillé le document interne : «Pour éviter toute ambiguïté ou malentendu, on a retravaillé avec le SIAO pour reclarifier le processus, sur la forme… Tout est à présent fusionné, quel que soit le statut administratif.»
[Article initialement publié le 25 mars, puis mis à jour le 26 mars à 10h00, suite à une conférence de presse avec la Préfecture]