Caen, « ville verte », a été nommée capitale de la biodiversité en 2016 et 2017, notamment grâce aux initiatives écologiques qui continuent à être mises en place régulièrement. Julie Calberg-Ellen, référence du mouvement LREM et adjointe au maire de Caen en charge de la transition écologique depuis mi-décembre 2020, partage sa vision de la transition afin « que dans 10, 15, 20 ans, l’on vive toujours aussi bien à Caen ».
Quels ont été les premiers projets mis en place à court et à long terme pour le développement écologique de la ville de Caen ?
En sachant que, par nature, c’est un sujet qui est très transversal, il y a donc des choses qui ont été faites historiquement. En matière de biodiversité par exemple la ville était assez précurseur, et l’on a été parmi les premières villes à avoir un maire adjoint de l’environnement, Luc Duncombe, qui a notamment créé la colline aux oiseaux. Il y a eu à l’époque des réflexions sur la protection de la biodiversité et, par exemple, la ville distribue des larves de coccinelles au jardin des plantes parce que ça sert d’insecticide naturel. Et ça, ça date du tout début des années 80. C’est un marqueur de la collectivité, et donc ça c’est un des aspects premier de la ville. […]
Ensuite, il y a eu un certain nombre de choses qui ont été faites, là aussi il y a quasiment 15 à 20 ans. Je pense au développement des pistes cyclables pour essayer de favoriser un changement de mobilité. La mobilité durable c’est essentiellement du coup trois leviers, à savoir la marche à pied, les déplacements cyclables et puis le transport en commun. Evidemment les transports en commun ça existait depuis longtemps ! Et puis le tram est arrivé avec la restauration de la ligne de tram existante pour que l’ancien soit plus efficient.
En matière scolaire, il y a aussi un certain nombre de choses qui sont faites ! Il y a beaucoup de projets qui sont conduits dans les écoles en matière de de transition. Par exemple, sur la consommation, sur les déchets, sur les économies d’énergie…
Concernant tous les projets qui ont été mis en place, est-ce qu’il y en a certains qui ont été freinés ou bloqués par des opposants ou des riverains même, qui n’accepteraient pas une transition jugée trop brutale ?
Il y a toujours des résistances, mais c’est tout simplement lié à la diversité du genre humain. Il est rare que tout le monde soit d’accord, c’est l’expression de la pluralité des opinions et du dialogue citoyen. On retrouve cela dans l’exemple du tramway qui faisait débat autour de son trajet. Ce n’est pas qu’à Caen, c’est le principe du « not in my backyard » (1), c’est-à-dire, je suis
d’accord avec les pistes cyclables, tant qu’elles ne passent pas devant chez moi. Et donc, le tramway, tout le monde est pour, sauf quand il passe sous ses fenêtres ! De même que tout le monde est pour l’incinération des déchets produisant de la chaleur et donc de l’énergie mais sans avoir l’incinérateur à côté de chez soi.
Comment Caen se classe parmi les autres villes françaises en termes d’écologie ?
Certains vous diront que l’on en fait trop, d’autres vous diront que l’on en fait pas assez. Ce qui est sûr, c’est que de toute façon, vu les enjeux qui nous attendent, l’ensemble des collectivités a encore beaucoup de marge de manœuvre. Même si la part du vélo augmente, il y a un gros enjeu à ce qu’il y ait moins de voitures, et notamment de voitures polluantes qui circulent dans les villes. Même si on a patrimoine arboré important, on a encore à Caen des îlots de chaleur, des îlots urbains, et on sait qu’il faut les traiter parce que c’est un vrai enjeu de santé publique. […]
Mais je crois que le sujet, c’est vraiment, qu’est-ce qu’on peut faire concrètement pour que la vie des Caennais et des Caennaises d’aujourd’hui, avec l’évolution du climat, reste dans des conditions de vie qui soient agréables. Parce que les conditions de vie, chez nous, ne sont pas non plus les mêmes qu’à Perpignan ou à Strasbourg ! Donc l’enjeu, c’est surtout de faire en sorte que dans 10, 15, 20 ans, l’on vive toujours aussi bien à Caen.
Est-ce que les aménagement récents, comme la réhabilitation du tram, ont d’ores et déjà prouvé leur efficacité en termes de répartition des flux de voitures par exemple ?
C’est assez difficile à expliquer, dans la mesure où cela reste multifactoriel. Il y a, je crois, moins 10% de trafic automobile en ville depuis 10 ans. C’est en parti lié au remplacement du tram, et au fait que depuis 2019 maintenant, il est plus efficient. C’est aussi lié aux messages sur la mobilité durable, sur le passage de l’automobile à la marche à pied, au vélo ou au transport en commun, qui sont de plus en plus prégnants dans les médias. Le vélo électrique est plus répandu. Il reste coûteux aujourd’hui mais on a un certain nombre d’aides dans la ville de Caen. L’augmentation de la fréquentation du tram a justifié la création de la seconde ligne.
L’équipe municipale s’est fixé un objectif de +10 000 arbres plantés entre 2020 et 2026. Donc on plante des arbres, et on a déjà planté plus de 2 000 arbres. Mais, vu l’évolution du climat, nous allons vers une mortalité des arbres plus importante, donc peut-être que finalement, vers la fin du mandat ou dans les années qui vont suivre, le nombre d’arbres va à nouveau diminuer. La ville est jumelée avec Würzburg, en Allemagne. Ils ont perdu un nombre très important d’arbres à cause de sécheresses, de périodes sans pluie très importantes, notamment au printemps. Ce sont des conditions particulières mais que l’on doit commencer à appréhender doucement et qui font que parfois, on peut avoir des difficultés à atteindre les objectifs fixés. C’est un sujet sur lequel on essaie d’anticiper ! Si l’on perd des arbres, l’on peut en replanter d’autres qui seront plus résistants durant ces périodes de sécheresse. Ce sont donc tous ces sujets qui nous préoccupent, mais ce n’est pas forcément simple de dire si oui ou non nos objectifs sont atteints bien que cela soit important afin de pouvoir juger l’action publique.
(1) Cette expression tirée de l’anglais signifie « pas dans mon arrière-cour » et désigne l’attitude qui consiste à accepter un projet tant que celui-ci n’est pas mis en œuvre près de chez soi de par les nuisances que cela peut apporter. Ce terme a été utilisé pour la première fois par Mike Davis en 1990 dans City of quartz : Los Angeles, capitale du futur pour désigner l’attitude des communautés amérindiennes envers la municipalisation des quartiers de l’agglomération.
Propos recueillis par Carole DENEUVE et Isaline DUMONT. Photos : Isaline DUMONT.