Christophe Peschet est un curé de Flers dans l’Orne. Il utilise sa liberté d’expression à travers ses dessins, pour parler de l’actualité.
Pourquoi dessinez-vous? Quels messages souhaitez-vous faire passer à travers ces dessins?
Je dessine parce que j’aime ça. J’ai toujours dessiné depuis que je suis tout petit. Au collège et au lycée, j’étais sérieux, je ne dessinais pas en cours, mais chez moi. C’est lorsque je suis arrivé à la fac où ça a commencé à dégénérer. Je dessinais dans les marges de mes feuilles. Ça a été beaucoup plus fréquent quand j’étais au séminaire, l’école pour devenir prêtre. Ça me permettait de garder mon attention. C’est comme ceux qui dessinent au téléphone. Ce n’est pas pour autant qu’ils n’écoutent pas la personne qui est au bout du fil. Au séminaire, je dessinais en fonction de ce que j’entendais et je faisais un petit dessin humoristique que je glissais après aux autres séminaristes qui étaient à côté de moi. Les gens savaient que je dessinais pendant certaines conférences. L’objectif était de détendre l’atmosphère.
Mes dessins sont forcément très contextualisés, c’est-à-dire que je crée à chaque fois en fonction de ce que j’entends ou de ce que je vis. Cela étant, cela m’arrive aussi de vouloir faire passer un message. Par exemple, j’ai fait un dessin où j’ai représenté les migrants qui faisaient la queue à l’ambassade d’Ukraine pour obtenir la nationalité ukrainienne, afin d’être accueillis en France comme des Ukrainiens.
Votre ouverture d’esprit et votre côté ironique vous ont-t-ils déjà causé des problèmes?
Je n’ai jamais eu aucun problème par rapport à la hiérarchie de l’Église. Cependant, quand on fait un dessin, ce n’est pas forcément perçu comme moi je le vois. Même si c’est rare, certains ont très mal réagi face à un dessin. Je n’ai toujours pas compris pourquoi. Il m’est arrivé de faire un dessin où deux personnes discutaient : il y avait une personne qui disait que contrairement aux idées préconçues, les Chinois peuvent faire des produits de qualité, la preuve, le covid, ça dure. Certains ont cru que c’était raciste. J’ai du mal à voir le racisme derrière ce dessin. Au moment des élections américaines, j’ai dessiné Donald Trump qui disait qu’il était pour le confinement pendant quatre ans de plus à la Maison-Blanche. Et certains ont dit « Maintenant l’Église fait de la politique ! » J’avais juste l’impression de dire une réalité.
Parfois, c’est une mauvaise interprétation et c’est le danger de l’écrit. C’est différent quand on fait une blague à l’oral, il y a le ton qui permet de donner un peu de bémol et faire comprendre que c’est du second degré. A l’écrit, on ne le perçoit pas forcément. En général, c’est vraiment minime et anecdotique.
«Il y a une devise en France qui est liberté, égalité, fraternité. Je suis tout à fait pour la liberté si la fraternité s’exprime aussi.»
Vous qui vivez dans un milieu religieux, pourquoi ne vous êtes-vous pas centré sur ce sujet?
Ce n’est pas uniquement ma vie. Effectivement, mon occupation principale, c’est l’Église. Mais ma vie n’est pas faite que de rencontres avec des jeunes en aumônerie, etc. Quand je vais au cinéma, ce n’est pas que pour voir des films religieux. C’est pour cela que mon humour concerne toute ma vie, pas uniquement l’aspect religieux. Aujourd’hui, si je fais un dessin sur l’actualité, je m’adresse à tous. En fait, c’est plutôt le regard d’un prêtre sur l’actualité. Mais le dessin lui-même, effectivement, n’est pas forcément religieux.
Marion Grout de beaufort, Ines Bahmed, Pierre-Antoine Nadalon, Jean Diard