Fin juin, une infirmière a constaté des lésions oculaires dues à du gaz lacrymogène chez deux Afghans. En sortant d’un camion où ils étaient cachés depuis de longues heures, ils ont reçu du gaz en plein visage. (…) Sur son portable, un autre montre une application où sont comptabilisés ses pas. Le jour où la police aux frontières l’a déposé loin de Cherbourg, elle a enregistré 47 000 pas, soit près de 32 kilomètres de marche. Dans une enquête publiée sur Le Poulpe, les journalistes Rémi Yang et Victor Fièvre rapportent les violences que subissent les migrants afghans de la part de la sécurité du port et de la police au frontière à Cherbourg. Depuis la fermeture de Sangatte en 2002, les exilés sont nombreux àtenter le passage pour la Grande-Bretagne depuis le port de Cherbourg. À la suite de l’accord Brexit, Ports de Normandie a voté pour undispositif de lutte contre les intrusionsde 3,2 M€, nommé «Border force phase 2», intégralement financé par le Royaume-Uni. La majorité du budget (2 M€) servira à remplacer les clôtures par de plus hautes.

Lundi 10 octobre 2022 avait lieu un procès très attendu pour une famille de Lisieux dont la fille s’est suicidée il y a six ans. Juliette, âgée de 15 ans, a été victime de harcèlement scolaire suite à la divulgation de photos d’elle, nue. Si les cinq prévenus sont désormais majeurs, le procès s’est tenu à huis clos, devant le tribunal pour enfants de Caen car ils étaient mineurs au moment des faits. Ils ont été condamnés à des peines allant de deux à quatre mois de sursis simple et à près de 30 000 € d’indemnisations de préjudices destinées aux parties civiles pour avoir partagé, commenté, regardé les photos intimes de la victime. «Avec tes photos, on ferait un site de cul», lui avait lancé un jour l’un de ses camarades. Autant d’insultes quotidiennes qui l’ont blessée, jusqu’à ce qu’elle commette l’irréparable.

Le 17 octobre, avec un peu d’avance sur le calendrier imposé par Bruxelles, la Région Normandie a voté l’ouverture à la concurrence des trains normands. D’abord les lignes au départ de Caen (Caen-Rouen, Caen-Lisieux-Deauville, Caen-Granville, Caen-Bayeux…) en 2027, puis progressivement toutes les lignes, au rythme d’un nouvel appel d’offres tous les six mois, jusqu’en 2029. Le CESER, organe de conseil pluraliste de la Région, dans un avis réservé, observe que, partout où la concurrence a été mise en place, la qualité a baissé tandis que les tarifs pour les usagers et la facture pour les contribuables ont augmenté. Depuis 2018, la Grande-Bretagne, qui avait été la première à ouvrir à la concurrence, renationalise ses lignes les unes après les autres.

Le conflit en Ukraine et l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires en France ont accéléré lahaussedu coût de l’énergie, pourtant annoncée depuis des décennies. Comment payer ses factures et faire tourner les équipements publics avec un budget énergie multiplié par deux, quatre voire six ? Petit aperçu des problèmes qui se posent aux collectivités et établissements publics normands à l’approche de l’hiver.
Photos ©Virginie Meigné

Dans les communes, une déréglementation qui coûte (très) cher!

À Dieppe, le budget énergie va augmenter de 3,3 M€ au 1^er janvier 2023: soit l’équivalent du budget de soutien à la vie associative ou de celui du service d’aide à domicile qui intervient auprès de 900 personnes. À Pavilly (Seine-Maritime), la facture est passée de 150 000 à 500 000 euros en un an. La commune voisine de Barentin devra économiser 1,5 M€ dans l’année. À Lisieux (Calvados), la facture de gaz continue de grimper: 90 000 € quand tout allait bien, 310 000 € en 2022 et 550 000 € en 2023.
Les communes ne sont pas protégées par le bouclier tarifaire et leurs factures d’énergie augmentent, dans des proportions jamais vues. Par obligation légale, et depuis l’ouverture àla concurrence du marché de l’énergie, une collectivité locale doit passer un appel d’offres, puis signer un contrat avec un fournisseur, qui n’applique pas les tarifs réglementés, ni les prix bloqués, mais le prix du marché. Baisser d’un degré le chauffage des bâtiments publics ou la température de la piscine, éteindre l’éclairage public la nuit, comme le recommande le plan de sobriété énergétique, ne suffiront pas pour boucler les budgets des communes.

Facture trop salée, foyers surendettés

À Saint-Lô, Jacky Rihouet, conseiller municipal d’opposition, a alerté l’agglo, le Département, le député local et le préfet sur la situation des plus précaires face à la flambée des prix de l’énergie. Il cite le cas d’unefamille locataire(père au Smic, mère au foyer et deux enfants), à qui le syndic réclame « une régulation de 3 829 € », le couple ayant déjà acquitté les provisions de charges mensuelles. Malgré le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement, certaines familles risquent le surendettement.

Réduire la facture sans fermer la fac

À l’université de Caen, le chauffage est déjà plafonné à 19°C. Mais la facture de gaz et d’électricité va augmenter de 350 % en deux ans, de 4 à 14 M€! En plus des économies d’énergie pour alléger la facture, l’université doit présenter d’ici la fin de l’automne un projet de sobriété énergétique, avec l’objectif de baisser de 10% sa consommation d’énergie. L’installation d’une chaufferie biomasse prévue pour 2023 sur le campus 1 y contribuera. Le président de l’université l’a réaffirmé: pas de fermeture temporaire des bâtiments comme à Strasbourg, qui contraindrait les étudiants aux cours à distance.

À l’hôpital de Vire, polémique sur le chauffage

Début octobre, les syndicats se sont inquiétés de la coupure du chauffage à l’hôpital de Vire et dans les maisons de retraite (groupe hospitalier Flers-Vire), déplorant un petit 15°C dans certaines chambres le 4 octobre au matin. Chiffres aussitôt démentis par la direction de l’établissement, qui justifiait sa décision par les consignes nationales de sobriété énergétique. Syndicats et associations de patients ont alerté l’Agence régionale de santé et le procureur de la République évoquant un risque de «maltraitance». Après deux semaines de polémique, le chauffage a été rallumé le 13 octobre.

Plan de sobriété au Havre

Baisse des températures dans les gymnases et les écoles après 18h, arrêt des fontaines et des illuminations des bâtiments. La Havre a mis en place un plan de sobriété pour réduire se consommation. Deux exceptions : le MuMa, musée d’art moderne, et ses 4 000 tableaux, qui nécessitent une hydrométrie et une température constante et les serres du jardin municipal, qui abritent 300 plantes exotiques menacées. Quant aux illuminations de Noël, elles ne seront allumées que le week-end.

Stade Malherbe, peut mieux faire

Au Stade Malherbe de Caen, la sobriété c’est: suppression des bouteilles en plastique, le transport des joueurs en bus (9 sur 19 au cours de la saison passée) et la suppression du chauffage dans certains espaces d’accueil. Le hic, c’est encore l’éclairage du stade municipal. Le passage à l’éclairage LED (qui permettrait de réduire de 50 % la consommation d’énergie) ne se fera pas avant 2024. La ville a choisi de financer d’abord le changement des écrans du stade, dont certains sont défectueux. Les transports en commun gratuits pour venir au stade? À l’étude également.

«On est là pour défendre les bébés. Car dans nos crèches, on tasse, on tasse, on tasse! Les conditions d’accueil se sont dégradées. Les pourcentages d’encadrements sont remis en question. On peut accueillir plus d’enfants que ce que l’on nous permettait avant: 20% en plus! C’est depuis que les crèches doivent être rentables. Moi, j’ai un peu de chance, je suis dans le public, donc il y a une réserve… Mais dans les crèches privées, à but lucratif, il faut faire de l’argent! Sur le dos des tout petits. »

Jocelyne, éducatrice de jeunes enfants à Hérouville-Saint-Clair, a participé à la grève des personnels de crèche le 6 octobre dernier à Caen. Des professionnels en colère contre la détérioration constante, depuis des années, de leurs conditions de travail, et la récente décision gouvernementale de pouvoir embaucher des personnes sans qualification.

La ville de demain nécessite de penser l’aménagement urbain dans le cadre du réchauffement climatique. Durant cet été caniculaire, Olivier Cantat, géographe-climatologue à l’université de Caen, a pu mesurer le phénomène des îlots de chaleur urbains.

Pouvez-vous nous expliquer ce phénomène?

En avril 2022, nous avons installé, à titre expérimental, dix mini stations météo capables d’enregistrer des mesures très locales de température, d’humidité, de rayonnement, de vent… dans différents endroits de la ville de Caen. Il s’agissait de pouvoir quantifier concrètement l’impact des différents modes d’occupation du sol sur le bilan thermique local, notamment entre le centre ancien de la ville et sa périphérie «verte» (La Prairie).

L’étude apporte des éléments de réponse objectifs sur le rôle de la nature en ville comme élément de confort climatique et notamment l’atténuation des effets du changement climatique. Ainsi cet été, au cœur de la canicule, avec 40°C en journée, la nuit du 19 juillet est restée très chaude place Bouchard (25 °C), un peu moins place Foch, à proximité de la Prairie (21°C) et encore moins sur la Prairie (19°C).

La végétation a réduit la chaleur en jouant son rôle de climatiseur naturel, grâce principalement à l’ombre et à l’évapotranspiration générées par les plantes et à l’eau (rafraîchissement par évaporation). À l’inverse, les matériaux de construction emmagasinent la chaleur solaire et la restituent de façon différée. Les îlots de chaleur urbains sont de ce fait avant tout un phénomène nocturne, par temps clairs et calmes, qui permettent la formation de cette fine couche d’air influencée par la ville. Par temps couvert ou venteux, l’absence d’apport solaire direct ou le brassage de l’air empêchent cette singularité urbaine.

L’auteur Jean Teulé est décédé le 18 octobre. Révélé par la bande dessinée, passé par la télévision comme chroniqueur, il avait trouvé sa voie dans le roman. Ses parents, «trop rouges», avaient quitté Saint-Lô pour Paris quand il était enfant. En 1998, il racontait l’histoire réelle et tragique de sa cousine près de Coutances, perdue de vue depuis des décennies. Surnommée « Darling » sur la radio CB des routiers, elle cherchait l’amour en courant derrière les camions. Une femme battue et humiliée, surtout.Le roman a été adapté au cinéma en 2007 par Christine Carrière avec Marina Foïs et Guillaume Canet. Le film a été tourné en partie dans la Manche, à Saussey, près du « carrefour de la mort » sur la route Coutances-Gavray et dans une villa de Saint-Pair-sur-Mer. Ila reçu deux nominations aux Césars 2008 : la meilleure adaptation et la meilleure actrice pour Marina Foïs.

Le documentaire «Trois saisons de rébellion» de Camille Hamet et Séréna Robin (Melocoton films) est une plongée au cœur de la section rouennaise d’Extinction Rébellion. On y suit trois activistes du mouvement, Utopie, Baloo et Ita, après l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en 2019, jusqu’à la réélection d’Emmanuel Macron en 2022. Disponible jusqu’au 20 novembre sur la plate-forme de France Télévision. Retrouvez aussi notre récit d’une militante d’Extinction Rebellion sur Grand-Format paru en septembre 2020.

Grand Format participe à Courants d’Air, les journées portes-ouvertes des Ateliers Intermédiaires les 10 et 11 novembre, au cours desquelles les compagnies et artistes associés montrent leur travail. Grand Format présentera à cette occasion les productions réalisées lors des ateliers médias à Vire, Flers et dans le quartier de la Grâce de Dieu à Caen. Au 15 bis rue Dumont d’Urville à Caen, sur réservationpar mail ou 06 64 77 06 78.