Petits Formats
N° 14 – Février 2022

Une fois par mois, des articles courts pour faire le tour de l’actualité en Normandie.

Ce mois-ci, on vous parle de manteau-duvet pour les SDF, du Quai de Ouistreham, de chasseurs, d’éoliennes, de féminicide

Les petites dépêches

Féminicide ~ Originaire de Messei, dans l’Orne, Audrey Coignard a été tuée par son ex-compagnon en septembre 2019. Cette année là, 146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire. Alors que le procès du meurtrier d’Audrey s’ouvre à Bobigny le 1er février, ses amies s’expriment dans Grand-Format.

David contre Goliath ~ Les habitants de Saint-Senier-de-Beuvron, dans le sud-manche, sont parvenus à empêcher l’installation des antennes satellites de la compagnie étasunienne Space X, détenue par le milliardaire Elon Musk.

Miss France ~ Diane Leyre est devenue miss France 2022 au Zénith de Caen devant8,8 millions de téléspectateurs. L’organisation de l’élection a coûté 334 005 €, dont 20 % de fonds publics: 31 177 € à la charge de la Ville, 22 763 € du Département et 10 770 € de l’Office de tourisme (financé par Caen la mer).

Management brutal~ Syra Sila, députée LREM de Seine-Maritime, condamnée en première instance pour harcèlement moral sur ses collaborateurs, continue d’avoir le soutien de l’Elysée. En mai 2021, l’élue n’avait pas non plus respecté la quarantaine obligatoire au retour d’un voyage officiel en Afrique.

Discrimination ~ Les Maitres Laitiers du Cotentin, 4e employeur privé du Cotentin, ont été condamnés pour harcèlement et discrimination à l’encontre d’une salariée à son retour de congé maternité. La cour a ordonné sa réintégration. `

Lait ~ A côté de Bellême, dans l’Orne, Aurélie Suzanne et Samuel Sarciaux, éleveurs laitiers, ont décidé de claquer la porte du système industriel depuis trois ans. Avec d’autres éleveurs, ils ont créé leur propre marque de lait, sans OGM et issu de vaches en pâturage.

Nouvelle enquête sur Grand-Format / Effets indésirables

Grand-Format a remonté la piste des effets indésirables potentiels des vaccins contre la Covid-19. Même s’ils empêchent des formes graves, des soignants s’interrogent, à partir de leurs observations de terrain, sur la pertinence de l’obligation vaccinale pour toute la population.

L’initiative

Un coup de projecteur sur ces initiatives qui construisent le monde de demain

Solidarité • Un manteau-duvet pour les SDF fabriqué à Ifs

À Ifs, près de Caen, le groupe de prêt-à-porter de luxe Thierry et Fonlupt a créé pour les SDF un manteau qui se transforme en sac de couchage.

C’est au cours d’une promenade à vélo à Ouistreham, port d’embarquement vers l’Angleterre où s’est installé depuis mois un camp sommaire de migrants, que l’idée lui est venue. Amedi Nacer, gérant de l’entreprise de prêt-à-porter de luxe Thierry et Fonlupt, basée à Ifs près de Caen et Ballots en Mayenne, s’est demandé ce qu’il pouvait faire pour aider ces sans-abri. «Une ONG américaine avait posté la vidéo d’une veste conçue pour les SDF. C’était génial. J’ai demandé à mon bureau d’études de plancher sur un concept de manteau-duvet.» Cinq mois plus tard, un prototype voit le jour. Le principe est simple: une partie détachable, qui peut faire office de sac à dos, se fixe par Velcro au bas du manteau et forme un sac de couchage en deux minutes. L’entreprise a travaillé avec la Boussole, un lieu d’accueil de jour des sans abris à Caen, pour concevoir un produit qui réponde vraiment aux besoins de ces utilisateurs. La matière est synthétique, étanche, antitranspirante et conçue pour des températures descendant à moins 10°. Une poche intérieure protège les effets personnels. Le tout passe très bien à la laverie automatique. Coût à l’unité : 100 euros. Les 300 manteaux duvets fabriqués à Ifs ont été remis gratuitement à la Boussole qui s’est chargée de les distribuer. Pour la suite, l’entreprise propose aux particuliers de parrainer un ou plusieurs manteaux qui seront ensuite attribués, toujours par la Boussole, aux sans abris.

Pour parrainer un manteau: 02 31 79 93 48 ou info@ets-thierry.fr

L’illustration

Les aventures de @lolivierconfiné

Artiste plasticien formé aux Beaux-Arts de Marseille et à l’Ecole des Arts Appliqués de Vevey, en Suisse, Olivier de Bastier a quitté Paris pour s’installer dans l’agglomération caennaise, où il occupe un atelier à Supermonde (Mondeville). Designer pour des particuliers, de grandes maisons parisiennes ou pour le PCF, il se retrouve confiné chez lui, à Paris, au printemps 2020. C’est alors qu’il imagine le personnage de l’olivierconfiné. Chaque matin pendant soixante-dix jours, il griffonne sur papier les facéties d’un petit bonhomme et pose dans le décor une branche d’olivier. Le dessin, photographié, est publié sur les réseaux sociaux. Le public, lui aussi confiné, suit et se retrouve dans les humeurs de ce petit bonhomme au chapeau melon, tantôt enjoué, mélancolique, farceur ou philosophe. Publiés une première fois à compte d’auteur, les dessins sont aujourd’hui réunis dans un livre paru aux Editions du Chameau (commande sur le site), avant une probable exposition à Caen.

Toute la série est visible sur Instagram avec le #lolivierconfiné

La mise à jour

Les nouvelles courtes, qui comptent, que vous avez peut-être manquées !

Ecologie • À Arromanches, le parc éolien fait du mécénat

La société d’exploitation du futur parc éolien au large des côtes du Calvados fait savoir qu’elle devient le principal mécène privé du musée mémoriel d’Arromanches-les-bains. En conseil municipal, le maire d’Arromanches, Marcel Bastide, a évoqué un chèque d’un million d’euros, bienvenu pour participer aux travaux de reconstruction du musée (datant de 1954) estimés à près de 10 M€. Pour la société, cette «implication locale» pourrait mettre un peu d’huile dans les rouages d’un projet controversé. L’association Libre Horizon, qui milite pour l’implantation des éoliennes y voit une démarche tout à fait «intéressée». Le futur musée mémoriel ouvrira en 2023, un an avant que 64 éoliennes n’entrent en service. Chacune portera le nom d’un navire ayant participé au Débarquement.

Ecologie • Place de la République à Caen : l’abattage des arbres était illégal

Le 23 février 2021, 45 tilleuls de la place de la République étaient sciés sur décision du maire de Caen, qui avait reçu le feu vert du préfet du Calvados, afin d’y construire un centre commercial. L’abattage au petit matin et sous surveillance des forces de l’ordre avait suscité émoi et colère au sein de la population. Les Verts dénonçaient un «passage en force» de la mairie de Caen, reniant l’engagement pris d’attendre la fin des recours avant toute intervention. La cour d’appel administrative de Nantes a rendu son verdict le 18 janvier: l’abattage était illégal. Le maire aurait dû engager une procédure de déclaration préalable sur le fondement du code de l’urbanisme et non se contenter de solliciter une autorisation des services de l’État sur le fondement du Code du patrimoine. La ville de Caen annonce dans un communiqué qu’elle «va prendre le temps nécessaire pour analyser cette décision».

Culture • L’histoire d’amour entre Orelsan et Caen continue

Moins d’un quart d’heure. C’est le temps qu’il a fallu à Orelsan pour remplir un nouveau Zénith à Caen. Le concert inaugural de sa tournée ayant été reporté à avril, il a tenu à démarrer tout de même dans sa ville de cœur, le 22 février. Et les Caennais ont été plus que réceptifs à cette attention lors de la mise en vente des places le 25 janvier.
L’artiste natif d’Alençon a déjà écoulé plus de 300 000 exemplaires de son quatrième album solo, Civilisation. Comme à son habitude il y multiplie les clins d’œil à Caen, par exemple dans le titre «C’est du propre», qui cite le port et le kebab Délices Magic Beau Gosse. On a d’ailleurs aperçu dernièrement Orelsan tourner des scènes du clip de cette chanson dans plusieurs lieux emblématiques caennais : le château, l’hippodrome, le stade d’Ornano…
Nul doute que celui qui habite désormais Ver-sur-Mer portera haut les couleurs de Caen lors des prochaines Victoires de la musique. Il y est nommé dans quatre catégories dont «Artiste masculin de l’année».

Photo : Alain Breton — fresque de Solice et Horss

Économie • Une multinationale des déchets pour Normantri

En décembre, quatorze collectivités normandes ont choisi le géant mondial Urbaser pour gérer leur futur méga-centre de tri des emballages ménagers. Implanté à Colombelles, Normantri traitera à partir de 2024 les déchets de plus d’un million d’habitants de la Manche, de l’Orne et du Calvados. L’enjeu pour les collectivités partenaires : réduire le coût économique et environnemental du tri.
Quatre opérateurs étaient en lice pour acquérir le marché de la construction du site et de son exploitation pendant sept ans. Un groupement mené par l’entreprise Urbaser a donc été retenu. Cet acteur international de la gestion environnementale fondé en Espagne et présent dans 25 pays, emploie 50 000 collaborateurs, et vient d’être acquis par un fonds d’investissement américain.
Nos déchets ménagers : comment sont-ils collectés et triés, comment les réduire ? C’est le thème des deux épisodes de l’émission radio Bonjour Turbine en février, produite par nos partenaires du Médialab du Wip.

Petits Formats x Bonjour Turbine
Notre newsletter est partenaire de l’émission radio Bonjour Turbine, produite par le Médialab du Wip à Colombelles. Les contenus des deux supports se répondent, et notre collaborateur Raphaël y est également chroniqueur. Prochaines diffusions les lundis 14 et 28 février à 19h sur Radio Pulse (90 FM à Alençon), les vendredi 18 février et 4 mars à 17h sur La Station B (lastationb.fr) . Également en podcast sur l’Audioblog et prochainement sur Radio Bazarnaom.

Le portrait

Culture • Hélene Lambert, la révélation du film Ouistreham

Elle effacerait presque l’actrice Juliette Binoche. Depuis la sortie du film Ouistreham d’Emmanuel Carrère, tous les yeux se tournent vers Hélène Lambert. Cette agente d’entretien de profession joue son propre rôle dans ce film adapté de l’ouvrage de la journaliste, Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham.

Hélène Lambert réside à Hérouville Saint-Clair (Calvados), fait partie des petites mains au travail, invisibles, sur les Ferry de la côte de Nacre. Sa personnalité a été remarquée lors d’un casting sauvage à la Grande Delle, à Hérouville Saint-Clair. « L’équipe du film Ouistreham m’a recontactée plus tard pour me dire que c’était bon. J’étais là au bon endroit au bon moment, tout simplement ! », explique Hélène Lambert.

Hélène Lambert a séduit Emmanuel Carrère par son « espèce de colère, une âpreté qui explose dès la première scène à Pôle Emploi, la première scène que nous avons tournée ». C’est sûrement ce qui a achevé de convaincre le cinéaste de montrer à Hélène Lambert et aux autres femmes « qu’elles étaient tout à fait capables d’endosser la responsabilité heureuse de montrer les arrière-mondes de leurs métiers ». Pour saisir un peu plus l’authenticité de cette mère de quatre enfants, âgée de 34 ans, des scènes ont d’ailleurs été tournées dans son appartement, avec Juliette Binoche.

Du caractère et un franc parler

Depuis que le film est sorti sur les écrans de cinéma, les médias lui ont ouvert leurs tribunes. Celle qui se distingue par son « caractère » et son « franc parler », en profite pour aborder les conditions de travail relatives à son métier. « En 2022, il faut que les sociétés disent que les agents d’entretien ne doivent pas être invisibles, revendique Hélène Lambert. Nos petites mains nettoient. Pourquoi on ne pourrait pas travailler ensemble, entre salariés et agents d’entretien ? »,

Celle qui a démarré par un CAP cuisine à Dives-sur-Mer a percé le grand écran. Après les marches à Cannes, la tournée promotionnelle qui l’a emmenée sur les plateaux télés, Hélène Lambert garde la tête sur les épaules. D’ailleurs, si les portes s’ouvrent pour devenir actrice, elle affirme que « ce n’est pas moi qui irais postuler ! »… A moins, « qu’il y ait quelque chose à défendre. Je ne ferai pas les Feux de l’Amour par exemple ! Sinon, je retourne à ma vie tranquille et ça me va ». Ne rien perdre ni de sa véracité, ni de son engagement, jamais.

©Memento

Le témoignage

Social • « Les milieux populaires ne se reconnaissent pas dans la chasse-business »

L’anthropologue Charles Stépanoff a passé plusieurs années au contact des chasseurs du Perche. Il publie un ouvrage référence sur le rapport entre l’homme et la chasse,L’animal et la mort (édition La Découverte).

Vous faites la différence entre la chasse rurale, traditionnelle, et la chasse bourgeoise, presque industrielle. À partir de quand émerge ce phénomène de bourgeoisie dans la chasse ?

Sous l’Ancien régime, le droit de chasse est attaché à la seigneurie, il est réservé à la noblesse. À la Révolution ce droit devient un attribut de la propriété privée, ce qui permet à de nombreux propriétaires et bourgeois de devenir chasseurs. En revanche, ouvriers et fermiers demeurent dans l’illégalité: ils sont qualifiés de «braconniers». La culture de la chasse bourgeoise s’est construite au XIXesiècle en grande partie contre le braconnage paysan autour d’une conception exclusive de la propriété défendue par des garde-chasses et par des clôtures. Elle généralise les opérations de repeuplement sur la base d’une production privée des animaux dans des élevages. La tradition de la chasse noble (chasse à courre) et celle de la chasse paysanne sont au contraire fondées sur l’idée de droits d’usage ouverts et de libre circulation des animaux.

Comment avez-vous mené vos observations avec des chasseurs du Perche ?

J’ai commencé l’enquête de terrain et les entretiens en février2018. J’ai participé à de nombreuses battues, comptages, chasses à courre, chasses en plaine, piégeage en Eure-et-Loir, en Perche, Beauce, Thimerais, en forêts de Senonches et Dreux et également dans les Yvelines en forêt de Rambouillet. J’ai également accompagné et interrogé les militants anti-vénerie dans les Yvelines et dans d’autres régions de France.

Le pari de la vie collective : le dernier épisode est en ligne

Il y a maintenant 10 ans, plusieurs familles se sont installées, après avoir construit leurs maisons, dans un éco-quartier à Louvigny, à côté de Caen. Elles expérimentent depuis la vie en collectif, tout en gardant leur espace privé et expriment les limites d’un tel projet.

Des nouvelles de Grand Format

Rencontre • Débat autour du dispositif Socrate

Pour prolonger notre article du mois d’octobre, Grand-Format organise le jeudi 24 février, à 18h, une rencontre avec l’Association Quartier jeunes, autour de la prévention de la radicalisation. Une soirée pour discuter avec les éducateurs de l’association et les auteurs de l’article, à la maison de la bécane, à Hérouville Saint-Clair.

Photographies • L’estran et son double

Cet été, vous découvriez peut-être la photographe Mélanie Dornier, avec son reportage sur la vie dans le bocage ornais. En octobre 2021, Mélanie Dornier a parcouru l’estran, de la Manche, de la Pointe d’Agon au phare du Sénéquet. Son travail – à découvrir ici – mêle la photographie numérique et le photogramme, une technique qui utilise un papier photosensible plutôt qu’un appareil photographique.

A lire, à voir, à écouter

Secrets d’info • Les coulisses de l’échec du « contrat du siècle »

En septembre 2021, la France apprend que le contrat passé avec l’Australie en 2016 pour la commande de 12 sous-marins est rompu. La cellule investigation de Radio France a identifié les hommes clés de l’opération.

L’envolée • Youssef, « mort par enfermement »

Le 11 octobre 2021, Youssef, détenu à la Maison d’arrêt de Caen, s’est pendu dans sa cellule. Il avait 28 ans. Ses co-détenus ont publié une lettre pour qu’il ne soit pas oublié, publié sur le site de L’Envolée.

Podcast • S’habiller autrement

En janvier, l’équipe de l’émission Bonjour Turbine a boycotté les soldes et interrogé son rapport aux vêtements. Le premier épisode a été consacré à des initiatives pour rendre la mode plus éthique, avec notamment La Cravate solidaire et La Chiffo. Le second s’est penché sur une fibre naturelle bien de chez nous : le lin, avec le responsable d’une coopérative linière.

Bande-dessinée • 1984 par Xavier Coste

Originaire du Calvados, Xavier Coste a remporté début janvier le prix BD Fnac – France Inter, pour 1984. Cette adaptation du roman d’anticipation de George Orwell est déjà le septième album de cet auteur BD de 32 ans. Un roman graphique à lire ou à relire, un an après sa parution aux éditions Sarbacane.

Cette newsletter, mise en forme par Pierre Hardel, a été réalisée par Marylène Carre, Simon Gouin, Raphaël Pasquier, Vincent Guerrier et Laura Bayoumy en partenariat avec le Médialab du Wip. Elle est éditée par le magazine Grand-Format, un projet de l’association Lire la suite.