Petits Formats
N° 19 – Septembre 2022

Les dernières nouvelles de Normandie, sélectionnées par Grand Format.

Ce mois-ci, on vous parle de surf, d’épaves polluantes, d’un journaliste fantôme, de soignants au bout du rouleau et de noms de rues au féminin…

©Thierry Delange

Houle sentimentale

En août, Grand Format est parti respirer les embruns du Cotentin. Là où est arrivé le surf en Normandie dans les années 1970. Le journaliste Pierre-Yves Lerayer est parti sur les traces des pionniers et à la rencontre de ceux qui pratiquent aujourd’hui, des gamins formés à l’école de surf aux urbains qui reviennent chercher la vague à la première opportunité.

Le témoignage

La parole d’un acteur normand face aux enjeux de notre époque.

Hôpitaux • À Alençon, des soignants au bout du rouleau

Un nouveau SOS pour l’hôpital. Cette fois-ci, c’est auCentre Hospitalier Inter Communal Alençon-Mamersqu’il a été lancé, le 21 juillet dernier. Le syndicat FO a demandé de l’aide à l’Agence régionale de santé face au manque de lits d’hospitalisation, qui entraîne la présence de nombreux patients dans les couloirs des urgences. «(…)Les agents se retrouvent à devoir sédater des patients pour qu’ils puissent rester sur un brancard et ne pas tomber. Des prises en charges désastreuses humainement font qu’aujourd’hui les agents partent définitivement du Chicam mais pire encore, quittent définitivement leur métier»,ont écrit les représentants locaux du syndicat FO. Dans cette lettre, on lit les mots de soignants soumis à une surcharge constante de travail qui viennent de passer une nouvelle nuit de galère :

«Nuit compliquée, pour ne pas dire catastrophique, une de plus, une parmi tant d’autres. (…)
Nous avons accepté d’être maltraités, d’être maltraitant mais nous n’en pouvons plus,
Nous avons accepté que la deuxième ligne de Smur ferme pour deux jours.
Nous avons accepté de contentionner chimiquement et physiquement des gens très âgés,
Nous avons accepté de les garder dans nos couloirs pendant 6 jours.
Nous avons trop accepté, nous sommes au bout du rouleau.
Que faut-il faire ou que faut-il qu’il arrive pour que ça cesse ??? »

«Avec cette lettre, on a voulu sonner l’alarme auprès de l’ARS, une nouvelle fois, sur la fermeture des lits qui touche l’hôpital »,explique à Grand-Format Liliane Anfray, secrétaire du syndicat FO à l’hôpital d’Alençon. Et envoyer un message aux patients afin qu’ils ne viennent aux urgences, qu’en cas d’urgence. Ce qui n’est pas toujours le cas, notamment dans un territoire marqué par le manque de médecins de ville.


L’ARS a répondu à l’alerte par une mobilisation continue de la réserve sanitaire, déjà en place dans l’établissement: le principe est que des soignants s’inscrivent pour être mobilisés en cas d’attentats, d’accidents… Ces soignants ont donc pu être mobilisés au Chicam pour pallier le manque de moyens humains. Un pansement sur une jambe de bois, selon le syndicat:«Il nous manque en permanence, sur l’établissement, une trentaine d’infirmiers. Les équipes voudraient faire mieux, mais elles s’usent face aux difficultés de prise en charge des patients qu’elles rencontrent au quotidien.»

Photographie ©Lucie Mach

Les petites dépêches

Ben Laden ~ Omar, le fils de 41 ans du chef d’Al-Quaïda, installé depuis 2016 en Normandie, s’est mis à la peinture durant le confinement. Il exposait ses toiles cet été au Teilleul (Manche).

Exploit ~ La nageuse normande Marion Joffle a battu le 21 août dernier le record de la traversée de la Manche. 34 km en 9h22, au profit des enfants atteints d’un cancer. Lire notre rencontre avec la nageuse.

Prix liberté ~ Les 15-25 ans du monde entier sont invités à désigner une personne ou une organisation pour le Prix Liberté 2023 organisé par la Région Normandie, ou proposer leur candidature pour devenir membre du jury, jusqu’au 15 novembre. En 2022, le prix a été attribué à l’organisation nigériane Child Rights and Rehabilitation Network pour son combat en faveur des enfants « sorciers » des rues.

Immobilier ~ L’université de Caen devient propriétaire de son patrimoine, soit 91 bâtiments répartis sur 19 sites et six agglomérations pour un budget annuel de 17M€. Elle est la 6e université française à engager ce processus.

Canicule ~ Cet été, la chaleur pourrait être à l’origine d’une surmortalité des personnes les plus vulnérables. C’est ce qu’indique le dernier rapport de l’Insee publié le 2 septembre. Dans certains départements, dont la Manche, le nombre de décès a augmenté de plus de 20% en juillet 2022 par rapport à juillet 2019. Le Calvados, l’Orne et la Seine Maritime ont subi une augmentation de 10 à 20%. Source: Le Parisien

Friches reconverties ~ Après la ferme solaire, le «Parc des métallos» a ouvert cet été sur les terres polluées par l’activité sidérurgique de l’ex-SMN à Colombelles. 150 arbres et 3 000 arbustes y sont plantés.

École privée, fonds publics. ~ 500 élèves ingénieurs feront leur rentrée en 2024 sur la presqu’île de Caen. La Région finance la construction de l’école privée pour 22,8 M€. Les frais d’inscription atteignent 30 000 € pour les cinq années d’étude.

Idée lumineuse ? ~ En 2016, une route constituée de panneaux solaires a été inaugurée, à Tourouvre-au-Perche, dans l’Orne. Pour un coût de construction estimé à au moins 5 millions d’euros, la route solaire, qui accumule les problèmes et n’est pas à la hauteur des rendements espérés, pourrait bien être remplacée par du goudron. Un article à lire sur Actu.fr

Pas sans elles

Elles s’engagent pour l’égalité hommes-femmes et contre le sexisme

Rendre visibles les oubliées de l’histoire

Depuis presque un an, le collectif des droits des femmes 61 fait un travail de recherche pour proposer des noms de femmes de l’histoire, parfois oubliées, et orner les rues et bâtiments d’Alençon. Aujourd’hui la mairie a repris leur initiative en lançant une consultation. Mais le collectif dénonce une stratégie de contournement.

Elles veulent rendre visibles des invisibles de l’espace public et sont elles-mêmes rendues invisibles. A Alençon, le collectif des droits des femmes 61 – réunissant dès les années 80 des femmes issues d’organisations syndicales et politiques puis réactivé après le mouvement MeToo de 2017 – s’est emparé en juin 2021 du sujet de la féminisation des noms de rue. Un sujet qui émerge depuis quelques années, principalement dans des grandes villes comme Paris, Nantes, Rouen ou Caen. Et dans la capitale ornaise de 26000 habitant.es, le constat est le même: seules 3 % des 416 rues et places portent le nom d’une femme, contre 49 % pour les hommes. «On s’est dit que sur la question de l’égalité déjà, c’était scandaleux!», raconte Christine, retraitée et membre du collectif depuis ses débuts. C’est elle qui a rapporté ces chiffres signifiants en sillonnant les rues de la ville.

La mise à jour

Les nouvelles courtes, qui comptent, que vous avez peut-être manquées !

Covid 19 • Des effets après le vaccin ?

En juin dernier, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a rendu un premier rapport sur la question des effets indésirables des vaccins contre la Covid-19. La sénatrice caennaise Sonia de la Provôté en est une des rapporteurs. Ils insistent notamment sur l’importance de la reconnaissance des personnes souffrants d’effets indésirables, appellent à plus de transparence sur ces questions et à une actualisation régulière du principe bénéfice-risque. « Cette balance n’est pas le résultat rigoureux et objectif d’une formule mathématique mais le produit d’une appréciation collégiale prenant en compte de multiples paramètres et les incertitudes qui y sont liées », écrivent les rapporteurs. Lire notre enquête.

Droit d’asile • La préfecture épinglée

La Cour nationale du droit d’asile a accordé le statut de réfugié à un jeune migrant de Ouistreham qui avait été la cible d’une «publicité illégale» par la préfecture du Calvados l’été dernier, publie Mediapart. Après une tentative de passage en Angleterre, le Soudanais de 22 ans avait été placé en centre de rétention administrative . La préfecture avait alors publié un communiqué de presse, relayé sur les réseaux sociaux, désignant le Soudanais sous son identité complète et dévoilant des éléments sur sa situation en France. «Cette publicité illégale de la demande d’asile est de nature à accroître encore les risques de l’intéressé en cas de retour dans son pays d’origine», ont retenu les juges.

Ecologie • Pique-prune vs projet routier

Le Département de l’Orne a obtenu le feu vert pour son projet d’aménagement en deux fois deux voies du dernier tronçon de la D924 Flers-Argentan, entre Briouze et Sevrai. Un avis favorable après plusieurs recours des associations écologistes locales, dont s’est réjouit Jérome Nury, conseiller départemental et député LR en session du conseil départementalle 1er juillet : «Nous avons tremblé jusqu’au bout. Quand je vois le nombre d’avis d’un certain nombre de chafouins, de frustrés, de passéistes, de nostalgiques, d’écolo-bobo, écolo-ancestraux, écolo-radicaux, je me dis qu’on vient de loin.». Mais un pique-prune pourrait encore mettre son grain de sel dans le projet! Début juillet, le collectif 924, qui rassemble les opposants, a envoyé au Département le rapport d’un entomologiste qui révèle la présence de ce scarabée rare classé comme espèce protégée et qui aurait dû être mentionné dans l’inventaire faunistique attaché au dossier d’enquête publique. Le pique-prune bloquera-t-il le projet routier, comme ce fut le cas pour le chantier de l’autoroute Le Mans-Alençon pendant de longues années?

L’illustration

Les dunes de Biville

Photographie Emmanuel Blivet.

Le décryptage

Pour mieux comprendre certains faits qui ont marqué l’actualité régionale au cours des dernières semaines

Pollutions • Des bombes à retardement sous la mer

Des munitions, des épaves pleines de carburants fossiles ou de cargaisons dangereuses gisent au fond de la mer. Malgré des opérations de dépollution ponctuelles, le risque environnemental est effrayant. Deux enquêtes de Basta et Enquêtes d’Actu alertent sur ces pollutions, notamment au large des côtes normandes.

À quinze kilomètres au large du cap de la Hague, un effondrement du plateau continental sous la mer a créé la Fosse des Casquets. La profondeur y atteint 160 mètres. Et c’est dans ce «trou» que se sont accumulés pendant des années des déchets toxiques: des munitions de la seconde guerre mondiale, des déchets chimiques et radioactifs. C’est dans cette zone qu’a coulé en 1993 le porte-conteneurs Sherbo et ses conteneurs d’insecticide, et en 2000 le chimiquier italien Ievoli Sun. Tous les ans, de 1949 à 1966, le Royaume-Uni et la Belgique y ont déversé leurs déchets radioactifs. Les pêcheurs de la Manche ont longtemps remonté des grenades et autres caisses de munitions dans leurs filets. Souvent, ils les ont rejetées plus loin, pour ne pas ternir la réputation de leur pêche. Sea Shepherd estime que la Fosse des Casquets est «l’une des plus grandes décharges sous-marines qui existent.»

La carte du Service hydrographique et océanique de la Marine (Shom) recense les nombreuses épaves le long du littoral français (ainsi que les roches sous-marines et les obstructions).

Un «désastre environnemental»

Mais elle est loin d’être isolée. Les fonds sous-marins regorgent d’épaves de navires de guerre, cargos, pétroliers, chimiquiers, avions, bateaux de pêche, munitions, obus abandonnés. Pour chacune des deux guerres, on estime à 2 500 le nombre de bateaux envoyés par le fond. Le temps et la corrosion les ont transformés en bombes à retardement. «On arrive aujourd’hui à un stade critique où les épaves risquent de laisser échapper ce qu’elles contiennent encore», estime Charlotte Nithart, porte-parole de l’association Robin des Bois.Des substances nocives telles que le plomb, mercure, gaz et liquides toxiques, nitrates, phosphores, batteries, amiante, peinture… «Sans action de dépollution, des scientifiques prédisent undésastre environnemental», insiste Sea Shepherd.

40 engins explosifs neutralisés chaque semaine

Après les guerres mondiales, les cargos, pétroliers et chimiquiers naufragés sont venus agrandir les décharges sous-marines. Selon Charlotte Nithart, de Robin des bois, on ne pourra certainement jamais établir un «inventaire exhaustif». Les travaux préparatoires des futurs fermes éoliennes offshore risquent de découvrir encore de nouveaux sites, comme les 2 000 munitions repérées lors de la construction de Port 2000 au Havre. Au quotidien, c’est la Marine nationale qui est chargée de surveiller les épaves. En réalité, vu la masse d’épaves, leur localisation souvent inconnue et les faibles moyens attribués à cette tâche, l’action de la Marine ne peut être qu’une réaction à des pollutions très visibles. Les plongeurs démineurs de la Marine nationale neutralisent en moyenne 2 000 engins explosifs chaque année, soit 40 par semaine. Une lutte sans fin, quand chaque tempête, chaque marée découvre de nouvelles décharges.

Carte des décharges sous-marines de munitions issues de l’Atlas de la France toxique, réalisé par l’association Robin des bois en 2016 (Ed. Arthaud).

Lors du Grenelle de la mer de 2009, Robin des Bois avait obtenu l’engagement du gouvernement de consolider l’inventaire des décharges sous-marines, de réaliser des analyses sur la faune, la flore et les sédiments, de dépolluer et sécuriser les épaves potentiellement polluantes et dangereuses. «Tout cela est resté lettre morte, faute de directives claires des gouvernements successifs et de financements», déplore l’association. Se saisir réellement du problème nécessiterait d’agir davantage, comme la Norvège, seul pays européen qui a commencé le pompage des huiles et d’autres matières toxiques des navires se trouvant au fond de ses eaux.

L’initiative

Un coup de projecteur sur ces initiatives qui construisent le monde de demain.

Exilés • Appel pour une convention citoyenne

Six associations de soutien aux migrants (Médecins du monde, la Cimade, Secours Catholique, Citoyen.nes en lutte, Camo et le Ballon vert) proposent la création d’une convention citoyenne «pour mettre fin à la politique migratoire générant maltraitances et violences à la frontière franco-britannique».
Depuis 30 ans, des hommes, des femmes et des enfants sont bloqués sur le littoral, notamment normand, avec l’espoir de passer en Angleterre. «Sur les côtes françaises, les autorités mettent en œuvre une politique indigne, inacceptable et mortelle pour lutter contre la présence de ces personnes exilées, dénoncent les associations. Les maltraitances quotidiennes qu’elle implique sont nombreuses : expulsions de lieux de vie, confiscation d’affaires, maintien à la rue, entrave à l’action des associations, etc. Des mineurs survivent dans ces conditions alors qu’ils devraient être protégés au titre de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Depuis 1999, au moins 342 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique
Le collectif renvoie vers deux rapports réalisés en 2021 pour la Plateforme des Soutiens aux Migrant.es, coordination d’acteurs à la frontière franco-britannique : une enquête sur les conditions de vie des personnes en transit réalisée par Marta Lotto, anthropologue et une enquête sur la gestion par les autorités françaises par le politologue Pierre Bonnevalle.

Une première réunion aura lieulejeudi 17 novembre 2022 au WIP à Colombelles avant l’organisation d’une assemblée citoyenne lesamedi 4 février 2023, jour anniversaire de la signature des accords du Touquet.
Photographie ©Lucie Mach

Profession : journaliste fantôme

Début juillet, Grand-Format vous racontait comment Julien avait été employé pour défendre l’image de grandes entreprises et de personnalités, à travers de vrais-faux articles journalistiques. Depuis la publication de nos articles, de nombreuses enquêtes de nos confrères sont venues compléter les informations disponibles à l’époque. Mediapart a par exemple décortiqué les méthodes de la société qui employait Julien pour influencer les contenus de Wikipedia et le journal en ligne Arrêt sur images a dessiné une partie de l’éco-système de faux-médias créés pour diffuser ces articles. Edifiant !

À lire, à voir, à écouter…

Podcast • Des patrons sympas

Le premier a partagé avec ses fidèles employés les bénéfices de la vente de leur entreprise. Le second a fait passer tout le monde à quatre jours par semaine sans baisse de salaire. Récits de leurs bienfaits par deux patrons sympas dans l’émission Les Pieds sur terre de France Inter. Dans l’Orne, La Savonnerie de la Chapelle à Bellême et APS conception à Saint-Julien-sur-Sarthe ont elles aussi proposé à leurs salariés la semaine de quatre jours, avec le même nombre d’heures de travail et sans baisse de salaire, pour libérer un jour par semaine et réduire les déplacements.

Podcast • Osez en Normandie

Un atelier de réparation de vélo, une plateforme en ligne de vêtements de seconde main pour les enfants, un projet de tiers-lieu ou de magasin de vente de matériaux issus du réemploi à bas prix… Voilà quelques-unes des alternatives normandes qu’est allé rencontrer Romuald Poretti, pour la radio RCF. A écouter ici.

Tranche de Vie-rois-es

Une exposition sonore et photographique, réalisée par Grand-Format, avec 15 histoires de vie, d’engagement, de solidarité, à découvrir à Vire Normandie à partir du 13 septembre prochain, et pendant un mois.

Cette newsletter, mise en forme par Pierre Hardel, a été réalisée par Marylène Carre, Simon Gouin, Lucille Derolez et Raphaël Pasquier en partenariat avec le Médialab du Wip. Elle est éditée par le magazine Grand-Format, un projet de l’association Lire la suite.